Amélie Ducharme, 1er cycle, Université McGill
Résumé : Cet article porte sur la pratique bédéesque toute particulière de Julie Delporte qui, dans son livre Moi aussi je voulais l’emporter (2017), use d’une grande douceur visuelle et langagière pour mener à bien sa réflexion sur l’oppression des femmes en contexte patriarcal. Il s’agira de démontrer que, par son approche graphique à la fois féministe et intimiste, Delporte recourt au médium marginal qu’est la bande dessinée afin de remettre en question notre vision de la place des femmes dans l’art autant que dans la société. Cela lui permet de rediriger le regard du lectorat vers une pluralité d’œuvres et de conditions féminines valorisées par sa narratrice, ce qui réaffirme ainsi toute l’importance de sa propre mémoire intime dans l’établissement d’une histoire collective et inclusive.
Introduction
Robert Dion et Andrée Mercier affirment que les écrivain·e·s contemporain·e·s, en quête constante de ce qui les unit au passé, « manifestent un intérêt plus net pour l’histoire mineure que pour la grande histoire, ainsi que pour l’histoire diffuse, c’est-à-dire ramenée à une dimension plus intime ou personnelle1 ». Ce désir de retrouver un récit perdu auquel il serait possible de se rattacher est d’autant plus marqué dans les œuvres à dimension autobiographique, où l’auteur·rice doit faire sens de son expérience subjective en la liant à une réalité bien plus grande. On retrouve une telle tentative de rapprochement chez Julie Delporte, autrice de bandes dessinées autobiographiques où l’écriture de l’intime contribue à l’élaboration du « récit “indigène” et pluriel d’une aventure collective2 », celle des femmes. Il se trouve que dans Moi aussi je voulais l’emporter, paru en 2017, Delporte use d’une grande douceur – celle qui émane d’abord de ses illustrations au crayon de bois et de leurs multiples couleurs pastel, puis de la parole à la fois vulnérable et réfléchie de la narratrice – pour mettre à mal les traditions littéraires et patriarcales, en contribuant au décentrement comme à la pluralisation des standards selon lesquels est déterminée la valeur symbolique d’une œuvre, mais aussi de l’expérience féminine. En effet, par son approche graphique à la fois féministe et intimiste, où la « mémoire est […] jouée contre l’histoire3 », Delporte recourt au médium marginal qu’est la bande dessinée pour rediriger notre regard vers des femmes et des œuvres multiples, elles-mêmes marginalisées, réaffirmant ainsi toute l’importance d’une mémoire individuelle et intime dans l’établissement de l’histoire collective. En nous basant principalement sur les travaux de Mira Falardeau, d’Anna Giaufret et d’autres théoricien·ne·s du neuvième art, nous partirons des considérations plus formelles relatives à la bande dessinée – dénominations en vigueur, mise en page et matérialité de l’œuvre – afin de situer Julie Delporte dans le milieu montréalais et d’insister sur l’originalité de sa pratique aux tendances presque artisanales, où le style et les sujets, apparemment éloignés, s’unissent pour produire des objets-livres sensibles et féministes. Nous verrons ensuite, en faisant également appel au discours de chercheur·se·s en littérature contemporaine et en sciences sociales, comment Moi aussi je voulais l’emporter vient déployer une éthique d’inclusion et de valorisation des femmes, que l’on invite ici à prendre parole pour refuser les contraintes de l’hétéronormativité et remettre en question notre vision de la place des femmes dans l’art autant que dans la société. Enfin, il s’agira de démontrer que l’intimité autobiographique propre à l’œuvre de Delporte permet à la narratrice de se lier à un « petit sac de femmes inspirantes4 », résonnant avec sa propre individualité, et donc de procéder à une réécriture personnelle de l’histoire littéraire en s’inscrivant par un militantisme très doux dans cette lignée « d’œuvres qui renouent avec le passé5 » pour mieux se le réapproprier, oeuvres qui, par ailleurs, trouvent dans d’autres disciplines les ressources nécessaires à la remise en question d’un monde entièrement tourné vers les hommes.
Situer la bande dessinée delportienne
Julie Delporte occupe une place toute particulière et digne d’intérêt dans le monde de la bande dessinée francophone, étant l’une de ces artistes singulières qui « font leur chemin en solitaire, souvent d’une plume plus lyrique que bédéesque6 » et capable de déjouer les codes traditionnels du médium. On serait d’ailleurs tenté·e de croire qu’elle se situe davantage dans le champ de la « bande dessinée plus artistique et littéraire (le roman graphique)7 », en raison de la longueur de ses œuvres, mais aussi en raison des libertés esthétiques qu’elle s’octroie, telles que les jeux de textures ainsi que le refus des bandes et des cases. Il y a toutefois un risque à parler de roman graphique plutôt que de bande dessinée, soit d’adopter une posture élitiste qui distinguerait ces deux pratiques afin d’en valoriser une – celle qui s’apparente à la forme littéraire institutionnalisée qu’est le roman – plus que l’autre. À ce sujet, Gabriel Gaudette spécifie les préconceptions usuellement associées à ces deux expressions :
Alors que le terme bande dessinée est parfois, encore et erronément associé à une production puérile ou encore à un genre bien précis mettant en vedette des personnages costumés et unidimensionnels, le terme roman graphique suscite la curiosité, l’intérêt et un certain respect8.
Cette distinction repose sur une idée fausse selon laquelle le roman graphique s’opposerait à la bande dessinée, alors qu’il représente bien davantage une sous-catégorie de ce médium, car « en vérité, la bande dessinée est une forme artistique et le roman graphique n’est qu’un format de publication de celle-ci9 ». Julie Delporte elle-même, consciente de la complexité du débat entourant l’appellation des œuvres, refuse de s’affilier à un genre précis et délaisse souvent le terme « roman graphique » afin de désigner le neuvième art en général : « Je fais des livres dont les textes et les images sont indissociables. C’est ça pour moi, la définition de la bande dessinée10. » Suivant cette préférence de l’autrice, nous qualifierons donc son travail de bande dessinée afin de le situer dans un ensemble plus large, égalitaire et non distinctif.
Comme nous l’avons dit, Delporte s’écarte pourtant de plusieurs codes classiques de la bande dessinée, rejetant l’enchaînement linéaire et traditionnel des éléments visuels de son livre pour jouer avec une mise en page originale, éparse et apparemment aléatoire, où le fond blanc laisse respirer les quelques illustrations et réflexions qui ornent chaque page. Cette disposition éclatée des dessins et des mots qui se côtoient hors de tout cadre, hors de toute séquence logique, donne à voir ce que Philippe Paolucci nomme l’« espace de vision (la planche en tant que surface au sein de laquelle les images, visibles d’un seul coup d’œil, peuvent tisser des liens translinéaires)11 », notion née des théories de Benoît Peeters et Thierry Groensteen sur la lecture tabulaire12 – c’est-à-dire englobante plutôt que séquentielle – des images de bande dessinée. Dans le simili journal intime que s’avère Moi aussi je voulais l’emporter, on absorbe l’entièreté de la page d’un seul coup, avant de délaisser les mouvements grossiers des couleurs pour s’attarder aux menus détails qui résultent tantôt des traits plus fins du dessin, tantôt des techniques de collage ou de peinture. Il y a chez Delporte un « surinvestissement de la matérialité du livre que l’on peut observer dans de nombreux ouvrages particulièrement inventifs sur le plan graphique13 », ce qui génère également, au sein de son œuvre, une tension entre les sujets sérieux qu’elle aborde sans gêne et son style visuel enfantin – reconnaissable, entre autres, à l’usage des crayons de bois, que l’on associe généralement aux dessins de l’enfance. Dans un certain passage de Moi aussi je voulais l’emporter, même la guerre et le refus de la maternité sont illustrés par une calligraphie maladroite, en lettres attachées irrégulières, ainsi que par des images colorées représentant non pas ces deux enjeux préoccupants, mais bien des objets de l’intime – un lit, un tas de vêtements (voir annexe : figure 7). Cette tension déstabilisante nous amène à repenser l’art de Delporte comme une réappropriation de la croyance populaire voulant que la BD soit réservée à la jeunesse, mais aussi comme une contestation du fait que « les femmes dessinatrices se retrouvent en majorité au sein de l’illustration jeunesse14 ». Ses romans, dans lesquels la douceur des mots et des images s’agence à la lourdeur des thématiques (sexuelles, traumatiques, sociales), illustrent bien l’hybridité et l’ouverture, « l’éclatement au sein des œuvres elles-mêmes15 », qui caractérisent la littérature contemporaine.
Appartenant à une époque de la pluralité, mais aussi de « la disparité des perspectives et des écritures16 », il n’est pas étonnant de voir que Delporte s’intéresse également au côté artisanal de la bande dessinée, ce dont témoignent sa production de zines et son attirance pour l’art façonné à la main : « J’ai l’envie constante d’apprendre à fabriquer des objets. De belles choses, plus concrètes qu’un texte ou un dessin. (Une fois rentrée à Montréal, je me mets à faire des bols en céramique) » (MOI) (voir annexe : figure 1). La narratrice de Delporte appréhende les objets familiers avec curiosité, les élevant même au-dessus des mots et des dessins, qu’elle considère fragiles, éphémères. Ce faisant, elle choisit d’envisager la création littéraire comme une pratique artisanale, imparfaite, qui se doit d’être à la fois réconfortante et utile. Il semble que Delporte ne souhaite plus voir en la littérature une forme d’art hors d’atteinte, mais bien un travail tout aussi beau que bénéfique et ouvert sur le monde. Dominique Viart explique ainsi ce désir propre aux artistes d’aujourd’hui :
[La littérature] développe des études d’intermédialité ou de transmédialité, lesquelles font apparaître le vaste mouvement de déhiérarchisation culturelle qui caractérise la production littéraire contemporaine. La littérature ne se pense plus comme entreprise élitiste, juchée au sommet d’une pyramide des arts ni fermée sur elle-même. Elle se combine aux autres disciplines artistiques et linguistiques, sans distinction de valeur […]17.
Donnant l’impression de valoriser cette approche interdisciplinaire ainsi que les fonctions éthiques et pragmatiques des œuvres d’art, Delporte se tourne logiquement vers un genre marginalisé, négligé par l’institution littéraire classique, mais accessible par sa dimension visuelle : la bande dessinée.
Les œuvres illustrées de Julie Delporte s’apparentent donc à « ce mode d’expression souvent éminemment autobiographique18 » qu’est la BD, mais que Moi aussi je voulais l’emporter tente néanmoins de renouveler par son ton personnel et un format visuel qui lui est propre. L’originalité de l’autrice participe assurément à « la vitalité et la diversité de la bande dessinée au féminin au Québec et plus précisément à Montréal, où de nombreuses auteures dessinent, écrivent, scénarisent et éditent des albums et des revues BD19 ». Notons que Delporte, de même que les éditions Pow Pow où l’on voit paraître la plupart de ses œuvres, s’inscrivent dans le mouvement d’émergence d’une relève artistique que l’on voit apparaître depuis les années 2010 alors que les « maisons d’édition montréalaises […] se sont davantage tournées vers un style intimiste, autofictif, plus proche du “roman graphique” ou de la bande dessinée d’auteur que de la BD grand public20 », embrassant d’emblée cette nouvelle mouvance capable de creuser les possibles éthiques et esthétiques du ce médium. Les œuvres féministes autobiographiques de Delporte sont également distribuées en France, pays qui a vu naître et grandir cette artiste, mais elles appartiennent davantage au champ de la bande dessinée québécoise, où « [l]e pourcentage de femmes […] est apparemment plus élevé que dans le milieu francophone européen, notamment chez les jeunes générations21 ». En effet, à Montréal comme dans les autres villes de la province, le neuvième art fait place aux voix variées de bédéistes contemporaines pour devenir de moins en moins exclusivement masculin. Or, malgré cette montée d’écrivaines qui s’imposent dans le milieu de la BD au Québec et dans celui de la littérature en général, certain·e·s critiques doutent encore du réel impact de cette avancée substantielle pour les femmes artistes et croient, à l’instar de Michèle Schaal, que les « choses évoluent […] peu ou lentement pour les auteures et leur place dans l’histoire littéraire22 ». Il reste qu’une forte volonté de renverser ce débalancement se lit chez Julie Delporte, pour qui la création de livres à dimension graphique s’attaque à la fois à « l’oubli des formes marginales et [au] dédain des écrivains femmes23 ». En faisant le récit de son identité féminine à travers la BD, médium dénigré par ceux et celles qui l’associent au genre historiquement dévalorisé de la littérature jeunesse, Delporte exploite un lieu non conformiste qui, encore assez récent, porte très peu de marques d’une institution patriarcale et regorge donc de potentiel pour l’expression des féminités. C’est qu’ici le « texte se sert du genre24 » – littéraire et sexuel – pour diriger le lectorat vers un questionnement éthique et militant, connexe à celui de la narratrice de Moi aussi je voulais l’emporter, qui dit se « sentir flouée d’être une fille » (MOI) (voir annexe : figure 2). Si l’engouement contemporain pour les études culturelles et interdisciplinaires informe la présence de procédés graphiques et de réflexions sur le genre chez Delporte, c’est aussi que les dessins de l’autrice s’allient à son raisonnement pour créer un art pédagogique, qui « fait savoir25 ». En effet, Moi aussi je voulais l’emporter donne à voir toute cette fonctionnalité éthique de la littérature, grâce à une narratrice qui assume son rôle de « douce féministe » (MOI) afin de démonter une vision patriarcale du monde.
Éthique, patriarcat et modèles féminins
Dès les premières pages de sa BD, Julie Delporte amorce une réflexion quant au rôle mésestimé que jouent les femmes dans la production de savoirs et de culture : « Quand quelque chose n’était pas bien fait, mon père disait pour rire : “c’est du travail de bonne femme”. À quoi bon écrire ce livre, alors ? » (MOI) (voir annexe : figure 3) On aperçoit alors la silhouette d’une femme de dos, comme déshumanisée, dissimulée par une pile de linge qu’elle lave ou recoud, la lessive et la couture étant deux activités domestiques traditionnellement associées à la féminité. Le travail de bonne femme, dont rit le père de la narratrice, est perçu comme désobligeant, en plus d’être nécessairement mal exécuté, moins réussi que s’il était réalisé par les hommes qui, pourtant, s’en lavent les mains. La dévalorisation du travail exercé par les femmes, dans la sphère privée ou publique, est un phénomène caractéristique des sociétés patriarcales, où l’existence féminine a longtemps été restreinte à la vie familiale et aux tâches ménagères, comme nous l’explique Valérie Lapointe Gagnon :
Au fil des années 1960, plusieurs femmes vont réclamer une place plus égalitaire dans les sphères politique et intellectuelle. Or, l’entrée dans ces bastions masculins ne se fera pas sans heurts. En effet, les codes et les normes de ces milieux ont été pensés par les hommes et pour les hommes. Ce faisant, celles qui souhaitent s’y faire reconnaître doivent créer des espaces où exprimer leur parole, tout en demeurant crédibles26.
C’est d’ailleurs pourquoi la narratrice de Moi aussi je voulais l’emporter peut contester tour à tour les normes de genre qui la briment, s’exprimant librement au sein de l’espace de parole féminine créé à même sa bande dessinée. Elle refuse notamment d’avoir un enfant, sachant bien qu’elle devra consacrer tout son temps à la maternité et qu’elle sera abandonnée par tout potentiel conjoint, lequel ne lui dira jamais : « je m’occuperai d’elle [notre fille] / tu pourras dessiner / je changerai les couches / je vais même l’allaiter » (MOI) (voir annexe : figure 4.1). On voit toutefois que la narratrice ne rejette pas entièrement le blâme sur l’homme, puisqu’elle affirme posément que « nous n’avons rien dit » (MOI) (voir annexe : figure 4.2), en tant que femmes, couples et société, ce qui implique un silence partagé, un manquement collectif, autant masculin que féminin. Par le fait même, la narratrice reconnaît l’agentivité des femmes et leur importance dans la détermination de leur propre sort, invitant ces dernières à critiquer les conventions qui leur nuisent intimement, mais aussi socialement. Elle revendique un monde qui accorderait plus de place et de visibilité aux femmes, déplore le fait que ces dernières « n’auront jamais assez de temps pour créer » (MOI), se sentant « trahie […] par tous les hommes qui laissent les femmes s’occuper seules du corps des enfants » (MOI) (voir annexe : figure 5).
Pour permettre aux femmes de s’émanciper pleinement, il faut envisager « la possibilité d’une contre-histoire27 » et de nouvelles normes, capables de leur offrir plus d’options. En ce sens, la narratrice de Moi aussi je voulais l’emporter met de l’avant une pluralité de conditions féminines possibles, commençant par des exemples naïfs élaborés avec sa sœur lorsqu’elles étaient jeunes : « Quand elle était petite, ma sœur disait qu’elle voulait des enfants, mais pas de mari. Moi je disais que si j’avais des enfants, je voulais être le père, pas la mère. Qui était la plus féministe de nous deux ? » (MOI) (voir annexe : figure 6) Pour Valérie Lapointe Gagnon, ce dilemme des deux sœurs qui entrevoient différemment les rapports familiaux illustre bien comment les femmes « doivent réinterpréter leur rôle dans une société, souvent sans avoir de modèle, tout en ayant de la difficulté à s’émanciper complètement de cet espace privé28 ». Peu importe son mode de vie choisi, la femme semble inévitablement ramenée à un rôle parental, que Delporte illustre selon deux scénarios possibles : celui plus serein de la sœur de la narratrice, qui s’imagine heureuse d’être une mère monoparentale, sans les tracas – ni l’aide – d’un partenaire, ou encore celui de la narratrice qui, sur un fond de bouteilles probablement alcoolisées, tient son enfant à bout de bras pour mieux s’en détacher, comme elle s’imagine peut-être qu’un père le ferait (voir annexe : figure 6). Ces options peu attrayantes expliquent pourquoi la narratrice s’intéresse autant à la solution trouvée par Tove Jansson, artiste féministe qu’elle admire :
Tove a eu un bon nombre d’amants avant d’aimer aussi des femmes. Elle a chaque fois refusé de se marier. Elle n’a pas voulu d’enfants. Par peur de ne plus pouvoir peindre, mais aussi, disait-elle, parce que la guerre lui en avait coupé toute envie. (MOI) (voir annexe : figure 7)
Ce refus de l’hétéronormativité, qui régit l’entièreté de notre système socioculturel, place Tove Jansson à l’écart du patriarcat et l’ouvre à un monde de possibilités qui encouragent Delporte à s’éloigner du canon littéraire et d’un cadre social masculins, qui « apparaî[ssent] alors faussement comme l’universel ou le neutre29 ».
La narratrice dépeint son désespoir face à cette normalisation du masculin dans nos sociétés. C’est ce sentiment même qui lui inspire la force de créer le roman que nous lisons : « Je voudrais écrire un livre pour dire que… ça fait mal les règles de grammaire. Que moi aussi je voulais l’emporter. » (MOI) (voir annexe : figure 8) Cette phrase nous est présentée comme écrite à la craie sur un tableau noir, copiée par des élèves qui apprennent aveuglément à reproduire le sexisme inhérent à la langue française. Delporte dépeint ce souvenir de l’injustice ressentie et partagée par toutes les jeunes filles à qui l’on a inculqué que le masculin l’emporte sur le féminin, faisant écho aux propos d’Éliane Viennot. La chercheuse, dans son ouvrage Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin !, qualifie cette règle d’accord d’« inutile linguistiquement [… et] désastreuse socialement30 », tout comme Michaël Lessard et Suzanne Zaccour affirment que l’apprentissage de cette formule est « la prise de conscience de la supériorité masculine31 », de la prédominance accordée constamment aux modèles masculins, dont ceux du canon littéraire, que l’on inculque très tôt aux enfants. La narratrice parle donc de la nécessité de se défaire de l’imaginaire patriarcal contraignant et inquiétant qui nous est transmis par l’enseignement et le discours courant, ainsi qu’à travers les médias. Comme exemple de cliché dégradant servant à rabaisser les femmes, elle mentionne le stéréotype de la réceptionniste hypersexualisée, que Delporte dessine à genoux, le corps entièrement soumis à l’autorité et aux désirs sexuels de son supérieur : « Pourquoi j’ai dans la tête des images de secrétaires à talons qui taillent des pipes sous des bureaux ? » (MOI) (voir annexe : figure 9) On éprouve l’indignation de la voix narrative envers ce lieu commun d’abus de pouvoir que la société est parvenue à érotiser, à rendre désirable tant pour la femme que pour l’homme. Mais toujours, plutôt que de blâmer ou d’attaquer les autres, la narratrice conteste ses propres idées reçues, s’interroge sur leur provenance et se demande comment il a pu lui être possible de les assimiler. Cette attitude introspective participe d’emblée à la douceur du militantisme delportien qui, plutôt que de riposter selon la même logique hostile que l’on cherche à condamner, priorise une approche pacifique visant à comprendre le silence partagé des femmes, dont nous avons déjà fait mention, et à leur donner les moyens de s’affirmer en critiquant l’imaginaire collectif.
À cet égard, une importante injustice sociale surgit clairement lorsque la narratrice de Delporte souligne la facilité avec laquelle on banalise les violences faites aux femmes. Elle raconte notamment qu’enfant, après s’être fait agresser sexuellement par son cousin, on lui a simplement dit qu’elle « portai[t] peut-être une vieille histoire de famille » (MOI). Le point de vue patriarcal de ses proches les porte à excuser les comportements malsains de l’agresseur et à vouloir mettre le blâme ailleurs, mais plutôt que d’adopter ce réflexe de pensée, la narratrice le remet en question et conclut que les agressions sont le symptôme d’un problème généralisé, qui puise sa force dans le secret du privé pour cacher son aspect collectif : « Moi j’ai l’impression de porter la vieille histoire des femmes. » (MOI) (voir annexe : figure 10) En partageant ce bouleversement intime, mais aussi la crainte qui en a résulté, Delporte s’inscrit dans une lignée d’écrivaines qui « soulignent ainsi la dimension politique et collective de leur vie privée en dénonçant les structures sociales qui ont rendu possibles les traumatismes qu’elles ont vécus32 », structures comme la culture du viol et le patriarcat en général, lequel rend les privilèges et le pouvoir masculins prépondérant en société, aux dépens des femmes. Pour la narratrice, la réaction détachée de son entourage face à la violence sexuelle vécue dans son enfance résulte du même système qui banalise les comportements toxiques des hommes et leur permet d’intégrer la sphère publique avec assurance, sans peur des réprimandes et, surtout, sans obligation de céder leur place. Notamment, la dominance des hommes dans le milieu artistique, au même titre que leurs agressions normalisées, inspire une telle insécurité à la narratrice qu’elle peine à se sentir à sa place lorsqu’elle crée : « Je me force à rester à ma table à dessin. C’est difficile. Je finis par googler “syndrome de l’imposteur” et par me mettre à pleurer. » (MOI) (voir annexe : figure 11) Comme une majorité de femmes artistes, elle se sent effacée et infériorisée par le monde de l’art qui a rarement su faire place à ses semblables, légitimant toujours davantage le travail masculin. Elle constate tristement tout l’impact que provoque l’emprise patriarcale sur sa pratique, à travers laquelle elle ne trouve « plus de plaisir à dessiner » (MOI). Il reste que la narratrice, faisant tendrement allusion au sentiment qu’ont toujours su lui inspirer ses écrivaines préférées, insiste sur l’espoir que lui donne la (re)découverte d’œuvres écrites par des femmes, illustrée par un livre de l’autrice Amy Berkowitz : « C’est la lecture qui me sauve (comme quand j’étais enfant) » (MOI) (voir annexe : figure 12). Alors que l’art des autres femmes semble redonner vie à la fibre artistique de la narratrice, il apparaît que « la littérature devient une arme de combat33 » chez Delporte, combat qu’elle se donne pour mission de mener en recourant à ses outils de l’enfance : douceur et crayons de couleur.
Comme solution à la sous-représentation des femmes dans le milieu artistique, Delporte se propose de réinventer l’histoire littéraire en faisant l’étalage de son propre canon féminin. À l’instar de plusieurs écrivain·e·s québécois·es, elle procède à « un détachement […] à l’endroit […] du grand récit national34 », pour se tourner vers un autre récit qui l’interpelle davantage. Devant tant d’œuvres qui s’offrent à la narratrice, cette dernière doit faire appel à ses propres émotions et partir de sa position personnelle pour en choisir certaines. On devine assez rapidement que la plus importante de ces figures est Tove Jansson, que Delporte illustre tour à tour et à laquelle sa narratrice se réfère sans cesse, en tenant compte autant de son statut d’artiste femme que de son mode de vie intimement féministe, sans savoir précisément « pourquoi Tove Jansson [la] fascine » (MOI) (voir annexe : figure 13.1). Le premier portrait qu’on nous donne de l’« auteure et artiste peintre finlandaise » (MOI), à l’instar de plusieurs autres, manque de netteté et utilise l’espace négatif entourant le sujet pour nous montrer les contours d’une silhouette vaporeuse (voir annexe : figure 13.2), comme s’il devenait possible pour la narratrice – aussi bien que pour le lectorat – de se projeter en cette figure vide, indéterminée, qu’elle n’a pas encore réussi à cerner. La narratrice affirme d’ailleurs être « par[tie] en Finlande pour écrire sur elle (un documentaire ou une fiction, [elle] ne sai[t] pas encore) » (MOI) (voir annexe : figure 13.2). Cette dernière hésitation est suscitée par l’envie de Delporte de trouver le format qui, entre le rapport factuel et le récit imaginé, plus littéraire, saura témoigner le mieux de son admiration pour Tove Jansson. On voit déjà s’installer une certaine tension entre la mémoire intime du sujet et l’autorité de l’histoire officielle, un enjeu dont l’écriture autobiographique de Delporte se nourrit abondamment. Dans Moi aussi je voulais l’emporter, l’autrice et sa narratrice portent attention aux émotions qui les traversent, bien plus qu’aux faits établis, comme c’est le cas ici :
Je lis Voices from Chernobyl de la Prix Nobel de littérature, Svetlana Alexievitch. Il y a ces voix de femmes qui, jusqu’au bout, ont soigné leurs hommes irradiés, décomposés. […] quand ces femmes ne parlent que d’amour, là, je me reconnais. (MOI) (voir annexe : figure 14)
Loin de se baser sur la renommée institutionnelle des artistes qu’elle mentionne, la narratrice cherche celles qui lui sont semblables à l’échelle individuelle et humaine. Cette sensibilité devient le moyen idéal pour se lier aux autres femmes, pour se reconnaître en elles. Ainsi que nous le confirment Dion et Mercier, « la reconstruction incertaine d’une histoire ne passe pas nécessairement par l’exploration des aléas de la grande histoire35 ». Bien sûr, les pages de ce livre présentent parfois aussi des figures plus conventionnelles et canoniques, comme Louisa May Alcott, mais la narratrice ne leur accorde pas plus d’importance qu’aux autres et justifie leur présence par la résonance émotionnelle qu’elle ressent plutôt que par un simple besoin de convoquer les figures que reconnaîtrait le canon classique et masculin, dont elle tente, par ailleurs, de se dissocier.
Delporte oppose à la hiérarchie traditionnelle un paysage artistique plus personnel, constitué de subjectivités diverses qui sont chères à sa narratrice, recourant à une combinaison de texte et d’images pour peupler sa création de modèles féminins interdisciplinaires (voir annexe : figure 15). Elle illustre des couvertures de livres comme Moomin, la comète arrive de Tove Jansson (MOI), puis en mentionne d’autres, comme Oar, de Jansson également (MOI). Elle parle du film Nénette et Boni de Claire Denis (MOI), avant de dessiner l’actrice Barbara Loden du long métrage Wanda de 1970 (MOI). Elle rend explicite son affection pour certains personnages connus, comme la Jedi « Rey, une femme solitaire, au cinéma » (MOI), ou encore Jo March de Little Women, interprétée par Winona Ryder dans l’adaptation de 1994 (MOI). Loin de délaisser les beaux-arts, la narratrice inclut également des peintures de femmes, celle de Mary Cassatt (MOI) par exemple, et les peintres elles-mêmes, comme Helene Schjerfbeck (MOI). Delporte rend évidemment hommage à son propre médium en faisant aussi allusion à Marjane Satrapi, autrice de la bande dessinée autobiographique Persépolis (MOI). Ces nombreuses références donnent l’impression que foisonnent, entre les pages du roman, des femmes à la fois ordinaires et importantes, dont la variété des talents n’empêche pas de les rendre toutes aussi impressionnantes les unes que les autres.
Dans son article « L’intelligence des images – l’intericonicité, enjeux et méthodes », Mathilde Arrivé déploie un concept que l’on retrouve chez Delporte, soit l’intericonicité, une intertextualité applicable aux médias visuels. Elle la décrit ainsi :
L’intericonicité, entendue comme l’ensemble des phénomènes de circulation, de transfert et de dialogue entre les codes graphiques, n’est pas neuve […]. Elle trouve ses sources dans deux disciplines : l’histoire de l’art et les études littéraires. Elle est, à divers égards, le fruit de leur rencontre36.
L’intericonicité se manifeste tout au long de Moi aussi je voulais l’emporter, non seulement lorsque l’autrice emprunte à d’autres œuvres visuelles – toiles, scènes de films et couvertures de livres –, mais peut-être aussi lorsqu’on remarque une répétition des codes graphiques à même le livre, d’une illustration à l’autre. D’une part, dans le cas d’un emprunt extérieur à la bande dessinée, Delporte peut choisir d’épurer le profil du personnage de Rey (voir annexe : figure 15), par exemple, en dessinant celle-ci avec simplicité et à l’aide de plusieurs espaces vides, de manière à ce qu’on reconnaisse les cheveux particuliers et les couleurs terreuses de la Jedi, associés à la marque visuelle de Star Wars, tout en y devinant une touche delportienne évidente, de même qu’un flou assez prononcé pour que la figure de Rey puisse devenir celle de n’importe quelle femme. D’autre part, afin qu’il émane de son livre un certain esprit de cohésion et de rappel, l’autrice reprend des caractéristiques graphiques similaires pour la plupart de ses portraits féminins – yeux fermés, têtes baissées, quelques coups de crayon grossiers pour simuler le mouvement des cheveux –, de façon à ce que leurs visages, assez peu précis, deviennent interchangeables et puissent évoquer une infinité de femmes. Dans les deux cas, par de tels clins d’œil, Moi aussi je voulais l’emporter s’approprie la représentation de figures féminines diverses en les stylisant uniformément, avec une douceur commune qui permet à chaque portrait de renvoyer à un autre. Ce phénomène d’échos graphiques génère un réseau cohérent de féminités pourtant plurielles et donne lieu au déploiement ostentatoire de ce « petit sac de femmes inspirantes » (MOI), capable de rééquilibrer la répartition des genres dans le monde artistique – ou, du moins, dans celui de l’autrice. Ici, les gestes d’intericonicité aident donc à la sauvegarde d’un récit marginalisé parce que non-masculin et « constituent une véritable façon d’intervenir dans l’histoire et sur l’histoire, d’agir sur ses formes, ses centrages, sa transmission37 ». Habitée par un sentiment de nostalgie omniprésent en littérature contemporaine, la narratrice restaure la place des femmes qui ont marqué sa mémoire et « réactiv[e] le souvenir d’œuvres délaissées sinon dévaluées par la modernité38 », poussée par des valeurs féministes à la fois personnelles et partagées. À l’aide de la bande dessinée, médium mineur qui s’impose peu à peu dans le champ littéraire, Delporte parvient à valoriser une multiplicité de figures et de réalités féminines oubliées, coexistant avec elles de manière à ce que « le sujet porte toujours en lui-même les marques d’autrui39 ».
Autobiographie, intimité et filiation
À un autre niveau, la dimension autobiographique de Moi aussi je voulais l’emporter permet également de réécrire l’histoire. Similairement à la bande dessinée, l’autobiographie est un genre qui « parvient difficilement à obtenir une reconnaissance critique et académique en dépit de son succès grand public40 ». C’est tout récemment que le Québec et la France se sont mis à étudier sérieusement l’écriture de soi, trouvant d’intérêt que les femmes, ainsi que d’autres groupes minorisés, aient longtemps usé de cette pratique afin de mettre de l’avant leurs expériences méconnues, relevant de l’intime et, souvent, d’un certain silence forcé : « Se raconter devient donc une façon d’établir ou de rétablir sa vérité ou d’inscrire leur trajectoire dans la trame historique, qui ne retient pas leur parcours. […] En se tournant vers le personnel, les femmes souhaitent redonner une visibilité à leur parole41. » Chez Delporte, le caractère autobiographique de l’écriture et du dessin laisse apparaître la vulnérabilité de la narratrice, qui se dévoile dans toute son intimité, dans toutes les particularités qui composent son quotidien. Delporte semble accorder une grande valeur aux petites choses de la vie ordinaire, comme elle le fait pour l’artisanat ; elle les traite avec une tendresse des mots comme des images, ce qui accroît la dimension touchante de son œuvre. À un moment du récit, la narratrice fait l’esquisse de sa vulve en rose et mauve pâle, par traits délicats, incurvés telles des vagues dispersées, donnant l’impression qu’il s’agit d’une « salade » (MOI) (voir annexe : figure 16) ou d’un chou, d’un simple végétal détaché de tout attrait érotique. Elle banalise cet organe intime qui l’accompagne à tous les jours, mais dont elle se sent tout de même étrangère, tentant de reproduire « [s]on sexe féminin dont [elle] peine à tracer la forme… tant longtemps [elle] n’en [a] vu nulle part » (MOI). Si la voix narrative parle ouvertement de sa sexualité, c’est donc aussi pour démystifier celle-ci et nous la rendre familière, pour éviter que le sexe féminin ne devienne un simple objet de désir, incompris par les femmes elles-mêmes. Cela contribue à une mise à nu de la protagoniste, aux sens propre et figuré, mais aussi à un subtil remaniement de l’imaginaire artistique masculin, où la femme est soit absente, soit exploitée et objectifiée. La narratrice constate ce paradoxe en observant des toiles où apparaissent d’innombrables corps féminins couchés, désirables, peints par des hommes tels que Paul Gauguin et Balthus, dont elle redessine les œuvres en déclarant : « Puis, je cherche les noms de femmes parmi les peintres. Absentes. Pourtant, elles sont partout : leurs corps, leurs visages. Nues ou enrobées. Omniprésentes. » (MOI) Moi aussi je voulais l’emporter semble déplorer ce manque de représentations féminines faites par et pour les femmes, puisque ces dernières, privées d’images authentiques d’elles-mêmes, peuvent difficilement en venir à se connaître et à s’exprimer, comme c’est le cas de la narratrice qui se sent inapte à dessiner son sexe. Ainsi Delporte refuse-t-elle « les rapports de pouvoir qui ont rendu ce genre de prise de parole invisible, voire impossible42 », et tente-t-elle d’inscrire la vie privée des femmes dans la trame d’une histoire collective valable « pour en brouiller les frontières individuelles et les situer dans une réalité plus large43 », donc nécessairement plus remarquable.
La narratrice poursuit son exploration du corps féminin méconnu en s’attaquant aux stéréotypes qu’elle souhaite déconstruire. Comme pour son sexe, elle use d’une grande transparence dans la description des détails les plus personnels de son physique, qui ne correspondent pas nécessairement aux normes de beauté imposées aux femmes : « J’ai 33 ans et mes seins tombent déjà. » (MOI) (voir annexe : figure 17) Par cette remarque, la narratrice constate l’écart qui la sépare du fantasme hétéronormatif de la femme éternellement jeune et sexualisée, inaltérée par les ravages du temps et de l’âge. Seulement, il ne s’agit pas ici d’un simple apitoiement sur soi, ou d’une résignation découragée : c’est bien davantage une affirmation réaliste pour la narratrice qui accepte son corps comme il est et qui consent à le voir évoluer naturellement, sans gêne ni culpabilité, à l’instar de la femme se trouvant sur la page, qui se penche pour mieux admirer ses seins tombants. De tels passages de l’œuvre nous forcent à pénétrer dans l’intimité de la protagoniste, à en admirer les moments tabous, puis à reconsidérer leur valeur dans l’œuvre. Dion et Mercier soulignent qu’à l’époque contemporaine, la littérature intimiste et « les récits du quotidien proposent […] une valorisation du minuscule et du proche ainsi qu’une sensibilité au réel immédiat44 », ce que fait Moi aussi je voulais l’emporter. En exposant et en dessinant toutes les parcelles de sa vie privée, Delporte accorde une importance à ces dernières et, par le fait même, vient remettre en question les types de récits littéraires qu’il est acceptable de produire. Dans La règle du Je, un essai sur l’autofiction, l’autrice Chloé Delaume reconnaît que ses propres textes intimes, « où [s]on Je s’amplifie, s’évide, se démultiplie, ne représentent rien au regard du charnier de l’histoire littéraire45 ». Pourtant, elle choisit de rejeter les valeurs canoniques de cette histoire littéraire au profit d’une expression totale de sa subjectivité, affirmant qu’elle « ne cherche pas à faire œuvre, mais surtout à faire vie46 ». À l’instar de Delaume, Delporte déplace ainsi les avenues possibles du canon en soulignant toute la nécessité de produire une littérature sensible et individuelle qui contrevient aux conventions littéraires. Dans ces deux cas, si l’on se fie à Adèle Clapperton-Richard, la « subjectivité et [l’]intimité sont alors précisément ce qui permet d’atteindre le politique, et non ce qui restreint la portée des propos47 ».
En racontant les dilemmes internes et personnels de sa narratrice, Delporte parvient néanmoins à tisser des réflexions universelles sur des inquiétudes que pourraient partager d’autres femmes : « J’ai peur de ne plus pouvoir avoir d’amoureux… Quel homme va supporter une féministe ? Quel homme vais-je pouvoir supporter ? » (MOI) (voir annexe : figure 18) Sa bande dessinée assure la mise en mémoire visuelle et textuelle des inquiétudes de la narratrice à propos de l’amour, de ses relations interpersonnelles, de sa démarche créative. Le tout nous est partagé dans une succession de pensées intimes visant à dépeindre une certaine expérience de la féminité et à en accroître la visibilité. Comme l’explique Alain Vaillant, « le journal intime a accédé à la dignité de genre mais, pendant très longtemps, il a été une pratique individuelle relevant seulement de l’histoire sociale de la sphère privée, non une réalité littéraire identifiée48 ». Chez Delporte, le genre du journal intime se mêle donc à celui de la bande dessinée et de l’autobiographie pour former un tout hybride et marginal, exempt de conventions, adapté à l’affirmation du groupe lui-même mineur que représentent les femmes écrivaines. Cette production particulière illustre les possibles de la « littérature au féminin49 », de cet univers qui lui est propre, et nous invite à interpréter les mots et les dessins qui s’y trouvent de manière personnelle, sans se fier à des normes préétablies, mais en allant « au gré de l’imagination, du fantasme ou de la mémoire du sujet50 ».
Dans Moi aussi je voulais l’emporter, le récit prend également de l’ampleur quand le sujet de l’énonciation en vient à mêler sa subjectivité à celle des autres. Par ses paroles qui « s’avèrent particulièrement attentives à autrui51 », la narratrice de Delporte instaure une filiation entre elle-même et les femmes qui l’ont précédée. Ce rapport joue un rôle majeur dans la formation d’une histoire, puisqu’il permet à l’individu de se lier à un récit antérieur qui le dépasse, mais aussi parce qu’il s’agit là d’une manière de former des regroupements littéraires, artistiques ou sociaux. Suivant l’élan nostalgique de la littérature contemporaine où, selon Dion et Mercier, « le passé […] est ressaisi dans et par le présent52 », Delporte présente sa narratrice comme la descendante d’une famille littéraire marginalisée et féminine qui ose enfin s’imposer dans l’histoire à travers la BD que l’on lit. Comme nous l’avons vu, la narratrice s’appuie grandement sur la figure de Tove Jansson pour songer à la vie qu’elle-même souhaiterait mener : « À l’âge de 61 ans (en 1975), elle passe six mois à peindre avec son amoureuse Tuulikki dans un atelier à Paris. La perspective d’être une femme de 60 ans me semble soudain plus douce, enviable. » (MOI) (voir annexe : figure 19) La narratrice établit un lien entre leurs deux existences, comme si l’une rendait l’autre possible. En vivant, Jansson inspire Delporte, et en écrivant son histoire, Delporte fait vivre Jansson. Dans une certaine mesure, elle se voit comme l’héritière de cette artiste, « li[sant] des lettres qu’elle a écrites » (MOI) comme si elle en devenait la destinataire, voyant en les traces de Jansson un legs intime qui lui aurait été laissé. Grâce à une véritable « enquête généalogique53 » telle que définie par Dion et Mercier, la narratrice va même jusqu’à suggérer que leurs lieux de naissance respectifs constituent, au final, une seule et même nation : « Tove a aussi voyagé plusieurs fois en Bretagne, là où je suis née et où j’ai grandi. À cause des îles et des phares, Bretagne et Finlande se ressemblent. » (MOI) (voir annexe : figure 20)
Un esprit de filiation naît également des nombreuses mentions de personnalités féminines auxquelles nous avons déjà fait référence. Combiné au caractère interdisciplinaire de la bande dessinée, cet esprit de filiation fait écho au concept de littérature relationnelle établi par Viart, soit une forme de littérature contemporaine caractérisée par « son lien avec les autres arts et les autres disciplines de la pensée, sa relation critique et féconde avec l’héritage littéraire, ancien et moderne54 ». La narratrice de Delporte est portée par un tel désir de réunir les arts littéraires et visuels, de se rattacher aux œuvres et aux femmes du passé pour mieux se définir. Elle parvient ainsi à inscrire son parcours personnel dans la même lignée que ceux des modèles féminins qui occupent l’espace de son récit, comme si elle marchait dans les pas de ces guides que le canon a délaissés, mais qu’elle-même se charge d’immortaliser. Habitée par la sensibilité de ces artistes qui sont venues avant elle, dont Tove Jansson, la narratrice effectue un retour sur elle-même et se réconcilie avec son identité de genre, fière et émue d’appartenir à une collectivité féminine : « […] et moi, seule sur mon île en Grèce que je parcours à pied… je suis en train de tomber amoureuse de l’idée d’être une femme. » (MOI) (voir annexe : figure 21) La narratrice peut seulement être en paix avec elle-même grâce à « la réinvestigation de l’histoire plus ou moins récente par la littérature55 », où le réel et la fiction se mélangent pour l’aider à faire sens de son identité. C’est donc par « la fabrique de l’histoire et la formation des récits56 » que la narratrice en vient à se réapproprier un passé problématique, en plus de la place qu’elle-même y occupe. En se définissant par rapport aux artistes qu’elle admire, mais que le canon n’a pas retenues, Delporte se positionne en marge de l’institution classique et tente de « réécrire son récit personnel afin de se forger une nouvelle identité délivrée de l’emprise des normes individuelles et collectives qui sont imposées dès le plus jeune âge57 ». Elle se délivre ainsi de l’uniformité du canon traditionnel et nous en présente une vision plurielle allant de pair avec les « gestes de réouverture et d’élargissement de l’histoire de la littérature, par conséquent aussi les manières de l’écrire et de la penser58 », auxquels on assiste encore de nos jours. En illustrant et en décrivant la lignée de femmes qui ont eu un impact sur son développement personnel, Delporte justifie leur influence successive sur son propre imaginaire, mais aussi sur un imaginaire collectif.
Conclusion
Pour Julie Delporte, la bande dessinée est le lieu privilégié d’une remise en question de l’omniprésence masculine dans l’art et la société. D’une part, en s’alignant avec la portée éthique – ici féministe et militante – du neuvième art, Moi aussi je voulais l’emporter participe à un vaste mouvement de réinvention de l’histoire littéraire et des normes sociales, non pas en les reniant, mais en exposant leur dimension patriarcale et en intégrant davantage de femmes artistes dans la diégèse du livre pour remédier à leur absence du monde extérieur. D’autre part, la nature même de la bande dessinée se prête bien au genre autobiographique, tel que nous le confirme Mira Falardeau59, et permet à Moi aussi je voulais l’emporter de se placer en marge de l’institution littéraire à travers un médium interdisciplinaire de plus en plus reconnu, parfaitement adapté pour jeter une lumière nouvelle sur les sujets toujours pertinents et encore relativement tabous que sont l’identité et l’intimité féminines. De plus, l’aspect autobiographique du roman de Delporte donne lieu au développement d’un lien filial entre la narratrice du roman et les femmes qui l’ont précédée, ce qui lui permet d’abord de faire sens de sa réalité en la liant au passé et, ensuite, de montrer qu’elle appartient à une collectivité imposante de femmes qui se sont influencées les unes les autres, qui ont toujours existé et pourront éventuellement décentrer le canon. Dans ce cas, selon ce qu’en dit Mercédès Baillargeon, Julie Delporte s’apparente aux « écrivaines qui transforment le rapport entre littérature, histoire et mémoire60 » en déployant leur propre subjectivité pour intégrer, et surtout altérer, la conscience collective. Ici, nous sommes loin de l’art pour l’art et tombons plutôt dans un art qui déconstruit, agit, défend, puis réinvente. Moi aussi je voulais l’emporter, sans jamais s’en prendre haineusement au monde social et artistique que dépeint la narratrice, est empreint d’une douceur efficace, capable de revisiter et de déconstruire certains lieux de l’imaginaire patriarcal, puis de faire dévier le canon littéraire de sa voie traditionnelle afin d’interpeller plutôt la mémoire individuelle de l’autrice, qui prend le temps de nous exposer à une panoplie de femmes artistes plus ou moins connues, participant ainsi à la réécriture d’une histoire qui, dans l’univers bédéesque de Delporte, devient réellement collective. Tel un bol en céramique que l’on fabriquerait avec soin à l’instar de la narratrice, la bande dessinée de Julie Delporte est dotée d’une utilité qui n’invalide et ne diminue en rien sa dimension esthétique et artistique. Elle se veut jolie, visuellement et textuellement, mais aussi nécessaire socialement, afin de mieux faire valoir les femmes dans leur intimité comme dans l’histoire.
Annexe 61
La reproduction d’extraits de l’œuvre à des fins de recherche et de critique est un usage équitable prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Tous les droits appartiennent à Julie Delporte et aux éditions Pow Pow.























Bibliographie
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VIENNOT, Éliane, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin! Petite histoire des résistances de la langue française, Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, 2014.
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, Éds. Robert Dion et Andrée Mercier, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2019, (« Espace littéraire »), p. 372.↩︎
-
L’histoire littéraire des écrivains, Éds. Vincent Debaene, Marielle Macé et Michel Murat, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2013, (« Lettres françaises »), p. 17.↩︎
-
Ibidem, p. 20.↩︎
-
Julie Delporte, Moi aussi, je voulais l’emporter, Montréal, Éditions Pow Pow, 2017. Cet ouvrage n’est pas paginé.↩︎
-
Dominique Viart, « Comment nommer la littérature contemporaine? », Fabula, 2019.↩︎
-
Mira Falardeau, Femmes et humour, Québec, Presses de l’Université Laval, 2014, p. 91.↩︎
-
Le statut culturel de la bande dessinée. Ambiguïtés et évolutions., Éds. Maaheen Ahmed, Stéphanie Delneste et Jean-Louis Tilleuil, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2016, (« Texte-Image »), format en ligne non paginé.↩︎
-
Gabriel Gaudette, « Tensions, prétentions et galvaudage; gains et écueils du roman graphique comme stratégie du cheval de Troie en Amérique du Nord », Kinephanos, Vol. 2 / 1, 2011.↩︎
-
Ibidem.↩︎
-
Hélène Bughin, « “Queeriser” les pratiques : regard sur une démarche artistique », Collections, Vol. 9, 2023, (« Entrevues et portraits »).↩︎
-
Philippe Paolucci, « La bande dessinée numérique : le triomphe du linéaire sur le tabulaire », Alternative Francophone, Vol. 2 / 7, 2020, p. 10‑31, p. 12.↩︎
-
Ibidem.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 368.↩︎
-
Mira Falardeau, op. cit., p. 89.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 367.↩︎
-
Michèle Schaal, Une troisième vague féministe et littéraire. Les femmes de lettres de la nouvelle génération, Brill/Rodopi, Leiden/Boston, Brill, 2017, (« Faux titre »), p. 286.↩︎
-
Dominique Viart, op. cit.↩︎
-
Mira Falardeau, op. cit., p. 154.↩︎
-
Anna Giaufret, Montréal dans les bulles. Représentations de l’espace urbain et du français parlé montréalais dans la bande dessinée, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, (« Les Voies du français »), p. 54.↩︎
-
Ibidem, p. 44.↩︎
-
Ibidem, p. 54.↩︎
-
Michèle Schaal, op. cit., p. 287.↩︎
-
L’histoire littéraire des écrivains, op. cit., p. 19.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 361.↩︎
-
Dominique Viart, op. cit.↩︎
-
Valérie Lapointe Gagnon, « Une plume de combat : l’écriture de soi comme mode d’action des femmes engagées en politique », in Jonathan Livernois, (éd.). Écrire pour gouverner, écrire pour contester, Éd. Jonathan Livernois, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, p. 85‑104, p. 85.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 373.↩︎
-
Valérie Lapointe Gagnon, op. cit., p. 89.↩︎
-
Michèle Schaal, op. cit., p. 41.↩︎
-
Éliane Viennot, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin! Petite histoire des résistances de la langue française, Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, 2014, p. 66.↩︎
-
Michaël Lessard et Suzanne Zaccour, Grammaire non sexiste de la langue française: le masculin ne l’emporte plus!, Saint-Joseph-du-Lac/Paris, M Éditeur/Éditions Syllepse, 2017, (« Collection Mosaïque »), p. 8.↩︎
-
Mercédès Baillargeon, Le personnel est politique. Médias, esthétique, et politique de l’autofiction chez Christine Angot, Chloé Delaume, et Nelly Arcan, West Lafayette, Indiana, Purdue University Press, 2019, p. 3.↩︎
-
Valérie Lapointe Gagnon, op. cit., p. 8.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 360.↩︎
-
Ibidem, p. 366.↩︎
-
Mathilde Arrivé, « L’intelligence des images – l’intericonicité, enjeux et méthodes », E-rea, 2015.↩︎
-
L’histoire littéraire des écrivains, op. cit., p. 18.↩︎
-
Dominique Viart, op. cit.↩︎
-
Mercédès Baillargeon, op. cit., p. 187.↩︎
-
Ibidem, p. 2.↩︎
-
Valérie Lapointe Gagnon, op. cit., p. 89.↩︎
-
Mercédès Baillargeon, op. cit., p. 2.↩︎
-
Adèle Clapperton-Richard, « “Le privé est politique” : mise en récit performative et pratiques d’écritures féministes radicales dans les chroniques “Journal intime et politique” de La Vie en rose (1980-1987) », in Jonathan Livernois, (éd.). Écrire pour gouverner, écrire pour contester, Éd. Jonathan Livernois, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, p. 175‑192, p. 181.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 364.↩︎
-
Chloé Delaume, La règle du Je, Presses universitaires de France, 2010, (« Travaux pratiques »), p. 7.↩︎
-
Ibidem.↩︎
-
Adèle Clapperton-Richard, op. cit., p. 178.↩︎
-
Alain Vaillant, L’histoire littéraire, Paris, Armand Colin, 2017, (« U »), p. 108.↩︎
-
Mercédès Baillargeon, op. cit., p. 7.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 371.↩︎
-
Dominique Viart, op. cit.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 365.↩︎
-
Ibidem, p. 364.↩︎
-
Dominique Viart, op. cit.↩︎
-
La construction du contemporain. Discours et pratiques du narratif au Québec et en France depuis 1980, op. cit., p. 372.↩︎
-
L’histoire littéraire des écrivains, op. cit., p. 18.↩︎
-
Mercédès Baillargeon, op. cit., p. 184.↩︎
-
L’histoire littéraire des écrivains, op. cit., p. 18.↩︎
-
Mira Falardeau, op. cit., p. 154.↩︎
-
Mercédès Baillargeon, op. cit., p. 184.↩︎
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Toutes les illustrations en annexe proviennent de la même source : (Julie Delporte, op. cit.).↩︎
Artiste et fervente féministe, Amélie Ducharme détient un baccalauréat de l’Université McGill en littératures de langue française et s’intéresse à l’écriture de l’intime ainsi qu’aux autrices qui voient en la création littéraire une sorte de douce libération. Elle consacrera son mémoire de maîtrise en recherche-création à la réappropriation des identités féminines dans les romans graphiques de Julie Delporte, le tout sous la direction de Michel Biron et d’Alain Farah. Amélie a été assistante de recherche, éditrice de revue et coanimatrice d’un club de lecture féministe. Ayant publié dans le recueil intercollégial de poésie Pour l’instant (2020), dans Le Délit (2021) et le McGill Tribune (2022) ainsi que dans les revues Les Éphélides (2022) et Carnet critique (2022), sa pratique créative lui importe autant que ses contributions scientifiques.