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Leben? oder Theater? de Charlotte Salomon, un roman graphique? : temporalité de l’affect et itération de soi

Béatrice Chagnon, 2e cycle, Université de Montréal

Revue Fémur
2563-6812
Revue Fémur

Résumé :  Mêlant l’histoire individuelle d’une jeune femme peintre juive allemande, Charlotte Salomon, à l’histoire collective de la tragédie de tout un peuple, Leben? oder Theater?, peint de 1940 à 1942, matérialise le rapport étroit et la complémentarité qu’il existe entre les mots et les images. S’il ne s’agit pas uniquement d’une narration imagée ni de l’illustration d’un texte littéraire, c’est parce que le geste de Salomon de peindre et de raconter sa vie répond avant tout à l’impulsion artistique et à l’urgence de laisser une trace, dans une époque où les Juifs d’Europe perdent progressivement de leurs droits en raison des lois raciales. Leben? oder Theater? est un monde imagé (Bilderwelt) en soi dans lequel cohabitent mots, images et musique, en plus de certaines composantes du genre théâtral, de l’opéra et du cinéma. Ainsi, son caractère intermédial permet d’envisager ladite œuvre comme se situant aux balbutiements de l’émergence du roman graphique. Chez Salomon, la relationnalité entre les images et la remise en question d’une linéarité temporelle traditionnelle créent un espace ouvert aux affects et c’est précisément à partir de cette notion, entre autres, que nous proposons d’étudier son œuvre, en ce qu’est impliqué quelque chose de plus actif (de participatif) que la posture passive de victime de l’Histoire.


Comment approcher une œuvre d’art aussi inclassable que celle de la peintre juive allemande Charlotte Salomon (1917-1943) ? Si son œuvre, Leben? oder Theater?1 (en français Vie ? ou Théâtre ?), est irréductible à une logique de catégorisation, c’est qu’elle ne peut qu’être envisagée dans sa multiplicité. Alors que sa réception s’est d’abord faite grâce aux études sur la Shoah, aux études féministes ainsi que par rapport à l’idée d’un déterminisme familial, l’intuition d’aborder Leben? oder Theater? Ein Singespiel en tant que roman graphique constitue une voie d’analyse tout aussi attrayante. Pourtant, les premiers s’y étant attardés ont d’abord pu constater l’absence totale de ladite œuvre au sein du « critical discourse on comics and on graphic narrative2 », comme le remarque Ariela Freedman. Cela dit, que Charlotte Salomon en tant que dessinatrice (Zeichnerin3), telle qu’elle se définit elle-même sur la liste de déportation4, soit écartée des réflexions sur le roman graphique n’est pas non plus surprenant, tant il est vrai que son œuvre ne répond pas aux conventions de la bande dessinée ni à certaines règles de reconnaissance de ce qu’est un roman graphique – par exemple, la présence de gouttières, de strips (bandeaux), de phylactères, de cases, etc. Or, les études actuelles sur le roman graphique ont cependant admis que l’absence ou la présence de ces critères ne sont pas les seuls facteurs déterminants du genre, puisque dans sa structure organique, le roman graphique ne serait en réalité qu’une combinaison texte-image mêlant le dessin (images, règles de perspectives), s’inspirant de certains concepts du cinéma (cadrage, successions de plans) et vice versa, et la littérature (narration, dialogues). À cet égard, l’œuvre de Charlotte Salomon semble tout à fait mettre en lumière cette relation. Si l’intention de l’artiste n’était certes pas de créer un roman graphique ni de destiner ce Singspiel (œuvre théâtrale jouée et chantée) à une impression répétée (sérielle), il n’en demeure pas moins que la réception est en droit de récupérer cette œuvre pour y voir là un roman graphique des plus modernes. En amont de ces brèves considérations, cet article s’attardera au traitement du temps par la peintre comme créant un espace ouvert aux affects, puis à la représentation de soi passant par une répétition compulsive.

Des histoires en estampes aux Comicromane

D’entrée de jeu, il semble juste d’effectuer une brève incursion dans l’histoire de la bande dessinée allemande. Si de nos jours les thèmes canoniques propres à l’histoire allemande – mettant entre autres de l’avant des biographies graphiques de figures importantes, un travail moral et de mémoire sur la Shoah et la Deuxième Guerre mondiale – investissent de plus en plus le genre du roman graphique dans l’espace germanophone, la bande dessinée n’a pas toujours joui d’un tel intérêt. C’est surtout après la chute du mur de Berlin en 1989 que l’attention portée au genre se serait accrue, notamment grâce au décloisonnement idéologique entre l’Ouest, où le genre connaissait déjà une évolution sérieuse, et l’Est. Or, la difficile reconnaissance du genre remonterait à Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781), dramaturge et écrivain, ayant imposé l’impératif d’une certaine pureté esthétique qui prédominait au sein de la tradition artistique allemande5, ce pourquoi, vraisemblablement, la bande dessinée, en tant que medium hybride, a connu une si forte opposition. Qui plus est, Matt Hambro place au centre de ce désintérêt la tendance européenne et allemande du début du XXe siècle au logocentrisme6, dévaluant, dans une certaine mesure, les arts visuels, mais à plus forte raison les Bildgeschichten (histoires illustrées). Dans l’après-guerre, la juxtaposition texte et image a été désignée par le terme de Bildidiotismus7 (idiotie d’image), alimentant l’opinion selon laquelle les bandes dessinées n’étaient destinées qu’aux illettrés. Il n’en demeure pas moins qu’au courant du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le genre s’est développé malgré tout « durch die Verschmelzung bereits bewährter Stilmittel von Karikatur und Bildergeschichte zu etwas gänzlich Neuem8 ». Plus concrètement, les œuvres du Suisse Rodolphe Töpffer (1799-1846) et de l’Allemand Wilhelm Busch (1832-1908) sont considérées comme précurseurs du genre. Dessinée en 1829 et parue en 1840, la bande dessinée de Töpffer Le Docteur Festus, parodie du Faust de Goethe, mène à la réflexion selon laquelle ces histoires en estampes9 ne sont pas que mots et images, mais qu’elles résultent de l’émergence d’une nouvelle articulation quant à la dynamique des images. Wilhelm Busch, quant à lui, fait paraître en 1865 Max und Moritz, l’une des œuvres les plus reconnues des balbutiements du genre. L’Autriche, après la Première Guerre mondiale, connait l’apparition des premiers strips dans les journaux et magazines et c’est aussi à cette époque que le terme Comic (ou Comicroman en allemand) s’impose dans l’aire géographique germanophone10. D’un autre côté, dans l’entre-deux-guerres et durant la Seconde Guerre mondiale, le périodique illustré antisémite Der Stürmer (1923-1945) « featured extreme right articles, comics, and reader’s letters11 », se voulant un outil fondamental de la propagande nazie. D’ailleurs, son éditeur, Julius Streicher, était considéré par les Alliés comme le symbole de la Judenhass (haine des Juifs)12. Si le genre s’autonomise tranquillement, le style bédéiste allemand de l’époque de Charlotte Salomon demeure en somme assez traditionnel, le texte et les images continuant de faire sens de manière plutôt indépendante, alors que « [d]ie deutsche Zeichner […] blieben aber weitgehend bei der traditionellen Bildfolge mit Untertexten stehen13 ».

Une généricité incertaine

Tel que nous la concevons aujourd’hui, la bande dessinée s’insère dans « a long history of forms14 », d’où l’hypothèse selon laquelle l’œuvre Leben? oder Theater? aurait participé malgré elle au développement de romans graphiques, entre autres, sur l’Holocauste et la mémoire. À ce propos, l’ouvrage de Hillary Chute, Disaster Drawn: Visual Witness, Comics and Documentary Form, constate l’intérêt des auteurs de romans graphiques pour la non-fiction afin de dire le trauma, surtout à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Bien que l’œuvre de Charlotte Salomon soit autobiographique-autofictive, elle matérialise bel et bien une réalité-témoignage grâce aux superpositions et juxtapositions texte-image, le récit se faisant via la coprésence de ces deux éléments. Cette cohabitation est primordiale à ce qu’est le roman graphique, en ce qu’il convoque plusieurs sens, les images ajoutant des couches de compréhension à notre perception. Cependant que Chute se penche sur des témoignages de l’après-coup, l’incroyable actualité de l’œuvre de Salomon se situe en ce qu’elle est un témoignage en direct, Salomon créant de 1940 à 1942, de ce qui allait se déployer au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Elle évoque d’ailleurs déjà l’existence des camps de concentration, son père y étant envoyé en 1938, à la suite de la nuit de Cristal (9-10 novembre 1938), puis libéré un mois plus tard. Justement, dans Disaster Drawn, Hillary Chute soutient que le roman graphique est une forme propice à accueillir le geste de visualisation du témoignage. Leben? oder Theater? semble donc se situer au tout début d’une tradition qui s’emploie à documenter « histories of war and disaster15 », précédant d’ailleurs Maus de Art Spiegelmann, un des romans graphiques les plus lus portant sur la Shoah. Néanmoins, la valeur du témoignage chez Charlotte Salomon ne se veut pas non plus garante d’une vérité absolue, sa propre vérité étant avant tout soumise au geste artistique, à la nécessité de peindre, qui s’avère être la preuve d’une lucidité et d’une clairvoyance certaines. D’ailleurs, Chute ne considère pas que le témoignage doit à tout prix avoir une valeur éthique, ouvrant précisément la réflexion dans le sens de ce que Salomon accomplit en prenant une distance considérable face aux événements, notamment grâce à l’ironie. Ultimement, Leben? oder Theater? dépasse le simple discours narratif du trauma alors que Charlotte Salomon fait un choix quant à sa position dans l’Histoire, celui de supplanter le statut de victime. Si son œuvre pourrait avoir l’air d’un cri du cœur désespéré, elle atteste d’une bravoure assurée, du fait que « send[ing] a work like that into an uncertain future implies a staggering leap of faith in the possibility of future audience and the redemptive ability of art16. »

À ce propos, certaines autrices de romans graphiques qui nous sont contemporaines soulignent l’importance de Charlotte Salomon dans leur propre pratique artistique. Sarah Lightman rend hommage à l’artiste berlinoise en paraphrasant le titre de son roman graphique The Book of Sarah. Life? or Theatre?17. Ou encore, pensons à l’artiste Maira Kalman, « [who] cites Salomon as a “major influence”18 » et à Vanessa Davis qui constate l’impact de Salomon sur sa création. Autrement dit, que Leben? oder Theater? soit ou non un roman graphique en soi, sa postérité chez une nouvelle génération d’artistes femmes et juives de romans graphiques ne peut être ignorée.

Avant toute chose, il est important de se pencher sur la nature de la relation texte-image, alors qu’il s’agit d’un constant va-et-vient entre les deux, le texte influençant l’image et l’image ajoutant du sens au texte. L’idée de multiplicité est donc à convoquer ici plus qu’ailleurs. De fait, Charlotte Salomon a recours à plusieurs techniques pour illustrer cette dynamique visuelle-verbale. L’œuvre est d’emblée divisée en trois parties (Prologue, Partie principale, Épilogue) et une petite introduction explicative, qui n’est que mots peints à même une toile, précède le Prologue. Lui faisant suite, l’artiste passe à l’écriture des portions textuelles (dialogue, narration et signal musical) sur des morceaux de papiers semi-transparents qu’elle a collés sur ses peintures, réalisées à la gouache et à l’aquarelle. Cette technique convoque sans aucun doute la dynamique la plus étroite entre le visuel et les mots. S’il est vrai parfois qu’il y a semi-indépendance entre les deux, la plupart des toiles révèlent qu’ils se font écho de manière tout à fait ingénieuse. Les toiles 4189 et 419019 du Prologue en font d’ailleurs état.

La reproduction d’extraits de l’œuvre à des fins de recherche et de critique est un usage équitable prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Tous les droits appartiennent aux éditions Le Tripode et aux Éditions Prestel/Musée juif d’Amsterdam.

Toiles 4189 (droite) et 4190 (gauche)20 ; Exemple de calques superposés aux toiles21

Par l’entremise de papiers calques, la narration prend modèle sur le contour des personnages. Pour ce qui est de la toile 4189, la superposition textuelle reproduit le corps du squelette imaginé de Franziska, la mère de Charlotte Kann (l’alter ego de Salomon), avec les paroles (Wir winden dir den Jungerfernkranz22) de l’opéra de Carl Maria von Weber Der Freischütz, introduit dès le début (CS, Prologue, 4164). La page suivante mobilise le même dispositif pour faire parler le personnage de Charlotte, dont la position assise est identique à la courbe verticale du texte qui dit : « Das nennt sich nun das Leben23 ! » (CS, Prologue, 4190). Dans ce cas-ci, le texte « becomes another skin for the picture24 », et confirme qu’il s’appuie sur l’image et vice-versa. Ailleurs, le texte se superpose simplement à la peinture, sans transformation, et ailleurs encore, l’artiste utilise le calque, mais peint aussi du texte à même la toile (CS, Partie principale, 4447). Quelque fois, le texte revêt également une fonction emphatique, lorsqu’il est exagéré (CS, Partie principale, 4456 ; Épilogue, 4867), afin de relever la dimension de gravité, par exemple. L’allusion au cinéma, mentionnée plus haut, peut être convoquée de nouveau suite aux réflexions précédentes. Sarah Schmidt, professeure à l’Université Humboldt de Berlin, confirme en effet la pertinence du lien : « Leben? oder Theater? [ist] klar von der Ästhetik des Films geprägt.25 » La formule de superposition par calque rappelle le procédé narratif que représente la voix off. Dans les deux cas, au cinéma et chez Salomon, il y a intervention d’une narration sur une image et cette voix narrative, moteur de l’action, en est souvent indissociable lorsqu’instaurée dans un cadre de références, qu’il soit cinématographique ou pictural. Ce style cinématographique actualise donc l’indissociabilité entre les toiles comportant à la fois texte et image et consacre le caractère intermédial de cette rencontre.

Habiter une narrativité spatiale

D’autant plus, cette œuvre considérable relève d’un travail de mémoire (Erinerrungsarbeit), dans lequel s’articule toute une métaréflexion autour de sa propre filiation (filleliation). Sa peinture narrative permet à Salomon de faire sens de la place qu’elle occupe dans le monde, puisqu’en effet « [n]arratives teach us where we come from and where we are going, allowing us to understand the meanings of our own lives26 ». Dans cette logique, il n’est pas banal que Leben? oder Theater? s’ouvre sur la mort de Charlotte Knarre, la tante de l’artiste-narratrice, de qui elle tient d’ailleurs son nom. Par ce geste, Charlotte Salomon se reconnaît dès l’ouverture comme l’héritière d’une fatalité familiale, notamment en datant le début de son œuvre avant sa naissance, « [u]n jour de novembre » 1913 (CS, Prologue, 4156), jour du suicide de sa tante. Surtout, cette planche se trouve être une porte d’entrée nous permettant d’analyser la temporalité et l’espace, représentés en règle générale, et au sens le plus strict, par la succession de cases dans les romans graphiques. Que signifie donc une prolifération du nombre de cases ? Est-ce évocateur d’une plus grande quantité d’informations, d’une meilleure recherche, d’une plus grande fidélité dans le cas de témoignages ? Hillary Chute suggère que « [c]omics, with its proliferation of frames, suggests plenitude27 », une plénitude qui relèverait d’une logique de disposition par cases qui transforme le temps en espace. Toutefois, la séquentialité si caractéristique du roman graphique peut tout aussi bien être matérialisée autrement, ce que confirme la première planche du « Prologue ». Salomon « incorporates multiple moments in a single frame28 » et construit une sorte de linéarité en zigzag, où le·la lecteur·ice participe à la création du mouvement. Normalement, la présence de cases suppose aussi celle de gouttières – l’espace entre les cases – où les lecteur·ice·s « project causality from frame to frame29 ». À ce sujet, beaucoup sont d’accord pour dire que la gouttière représente un espace de collaboration entre l’auteur et le·la lecteur·ice, dès lors « [that] the gutter provides an essential space whereby we are cued to a creative investment[30 ». Que faire dans le cas d’une absence de gouttières ? De quelle manière s’opère cette collaboration ? L’absence de gouttières, il nous semble, ne devrait pourtant pas être synonyme de lacunes ; c’est-à-dire qu’au contraire, cette omission habite un espace, autrement vide. Tel est le cas dans la planche consacrée au suicide de Charlotte Knarre, où l’absence de gouttières élimine les moments d’inférence possible, de pause, et produit autrement une plénitude de l’affect. La simultanéité empêche l’interruption affective et la collaboration est engagée à travers ce pathway visuel, relevant du mouvement des personnages.

Cela dit, l’absence de cases « traditionnelles » à certains moments n’empêche pas d’autres planches d’indiquer que Charlotte Salomon n’était pas perméable aux influences de son temps, comme le remarque Griselda Pollock : « the artist must have had knowledge of a range of visualities and visual narratives found in sources ranging from nineteeth-century children’s illustrated books to medieval manuscripts, from Persian miniatures to stained glass31. » Car il est vrai que sans respecter à la lettre les codes du roman graphique – le but de notre réflexion n’étant pas non plus d’enfermer l’œuvre de Salomon dans le genre – certaines planches révèlent des distinctions naturelles entre les scènes ; par exemple par des changements de couleurs (CS, Partie principale, 4373) ou en compartimentant les pièces d’un intérieur (CS, Prologue, 4168, 4242). Dans sa représentation narrative, Salomon a combiné « several “moments” of a situation, each represented as a single scene, which are locked together compositionally by an ingenious overall design32 ». C’est dans cette relationnalité entre les images et dans la spatialité que l’artiste implique un temps narratif. En fait, ces cloisons naturelles sont peut-être une preuve encore plus concrète que Leben? oder Theater? se situe aux balbutiements du roman graphique contemporain.

Pour Salomon, le moyen le plus efficace de signifier graphiquement cette progression narrative demeure la répétition des figures. Les subdivisions par couleurs ou par compartimentation se subordonnent toutes deux à ce motif de réitération, introduit dès les premières toiles. La toile 4167 (CS, Prologue) fait, entre autres, office d’exemple :

Toile 416733

Le moment peint est celui du départ pour la guerre (la première) d’Albert, le père de Charlotte. Dans ce cas-ci, les quais de gare, qui forment un triangle dans la portion supérieure de la toile, agissent à titre de délimitations et constituent des presque cases. Franziska Knarre, élégamment vêtue de bleu, fait ses adieux à Albert, qui se penche à la fenêtre du wagon. Le principe de reconnaissance est activé dès lors que la femme en bleu peinte sept fois vient signaler le mouvement, donc la progression temporelle, précisément par cette récurrence. De plus, sa dimension augmente avec chaque occurrence, actualisant corollairement la temporalité du plus éloigné au plus récent. D’autant plus, si nous avons considéré une absence de cases, traditionnellement parlant, Charlotte Salomon fait tout de même naturellement usage de séparations. Will Eisner, qui théorise de manière plutôt rigide la bande dessinée, dit que « la gestion du temps et le rythme, créés par l’action et le cadrage, sont intimement liés34 ». Selon lui, ce sont donc les cases mêmes qui signifient le traitement du temps, soit par leur étroitisation35 (temps réduit), soit par une case plus large occupant plus d’espace sur la planche, par exemple. Si l’on suit l’hypothèse que Leben? oder Theater? est un genre de protoroman graphique, Salomon prouve certainement son avant-gardisme en permettant à la figure de répétition de transcender les cloisons.

De toute évidence, la gestion du temps et de l’espace de Charlotte Salomon rejoint bel et bien certains codes du roman graphique, tout en prenant quelques distances avec une certaine rigidité associée au genre dans sa convention. Elle tangue entre la démarcation scénique et la cohérence interne qui peut la négliger. Peut-être que ces démarcations ne traduisent en fait que la compulsion du cerveau humain à tout catégoriser et scinder. Si tel est le cas, ce qui n’est pas condamnable non plus, Salomon le fait ingénieusement, en se référant par exemple à la triangularité des quais de gare précédemment mentionnée. Elle crée en effet une narrativité spatiale, mais ouvre inconsciemment la réflexion relative à la redéfinition d’un genre.

Collaborer à l’émergence d’un temps affectif

D’autre part, s’il s’avère que l’affect est de l’ordre de la surprise, de la rupture, puisque survenant ponctuellement, comment donc le lier à la temporalité ? Par affect, on entend ce qui, au fil de l’histoire, se serait opposé à la pensée rationnelle qui a essayé, et essaie toujours, de se détacher d’une pensée affective, puisque considérée comme dangereuse, insaisissable, fuyante. Cette pensée théorique aime à croire qu’elle peut exclure l’affect de ses considérations, tandis qu’il s’avère qu’ils sont indissociables. L’affect participe, qu’on le veuille ou non, à cette vérité que la raison tente de construire. Certes, il est difficile d’imaginer la coexistence de ces deux modes de pensée, tant ils ont été mis en opposition. S’il est vrai que l’affect semble échapper aux efforts de prouver son existence, il peut tout de même être représenté, perçu, il peut affecter et contaminer.

Relatif à la temporalité, l’affect, associé à une certaine discontinuité, peut, à l’inverse, mettre en mouvement des images, construire et reconstruire des compositions. Chute mentionne à cet effet « the enormous narrative and affective faculty of the visual expressed in comics form36 ». Chez Charlotte Salomon, comme nous l’avons déjà mentionné, la temporalité est marquée par cet effet de répétition qui hante l’œuvre et vient bouleverser une continuité systématisée. L’affect apparaît donc sous le sigle de l’intersubjectivité et dépend de plusieurs niveaux. Il y a tout d’abord la subjectivité de Charlotte qui relève d’une forme d’attention au monde, affective et sensorielle. Il est aussi possible d’avancer que l’acte de lier peinture et écriture est performatif, surtout dès lors que la performance est précisément acte d’itération. En effet, il s’agit là du traitement expressionniste d’une intériorité qu’elle nous renvoie via l’art. Le processus affectif se construit donc ainsi : extérieur-intérieur-extérieur (intérieur travaillé). L’affect du·de la spectateur·ice/lecteur·ice intervient au cours de cette troisième étape, bien qu’il soit impossible de le mesurer de manière tangible. L’effet visé par l’artiste (si une telle chose existe) ne possède aucune garantie quant à l’effet produit. Malgré tout, l’ouverture d’un espace affectif, rendue par ce traitement itératif du temps, a comme point de départ notre mémoire visuelle, « laquelle est vraiment un déclencheur d’affects et induit à son tour un travail cognitif, un désir de connaissance37. » Le chemin vers une émergence de l’affect se situe dans l’« effet citationnel de l’image38 » et dans la convocation répétée de l’Autre. Dessiner, peindre, impliquent bien sûr en première instance l’artiste, mais non moins une conscience intense de l’Autre, de soi-même dans le regard de l’Autre, qui « experience bodily echoes of the motions and actions they observe39 » et qui s’apparente à un genre d’embodied simulation. Ce faisant, Salomon témoigne d’une volonté d’articuler les paramètres physiques de l’espace et les paramètres affectifs.

Benveniste, quant à lui, distingue deux niveaux de temps susceptibles d’influencer la production affective : le « temps physique du monde et […] son corrélat psychique, la durée intérieure [et le] temps chronique qui est le temps des événements40 ». Autrement dit, le temps vécu excédera toujours ce temps chronique, les deux ne pouvant coïncider. Or, cette non-coïncidence postule justement la place même de l’affect, qui excède toujours la fixité du temps chronique. S’il est vrai que la prose conditionne une manière de lire identique de fois en fois, le roman graphique, quant à lui, la déjoue en offrant souvent la possibilité de lire de bas en haut, de droite à gauche, de choisir quelles cases lire en premier et à quelle vitesse passer ou observer les dessins. À ce propos, Benoît Peeters explique dans Lire la bande dessinée que la bande dessinée « doit […] jouer de deux paramètres très différents : la linéarité de la succession des cases – induite par le découpage – et la tabularité de la planche – suscitée par la mise en pages41. » Le premier parcours de lecture repose sur une lecture commandée par l’enchaînement conventionnel et régulé de tableaux, alors que le second demande un travail interprétatif plus complexe, sans être pour autant problématique. Ce qui nous intéresse tout particulièrement à ce niveau est sa conception quant à l’« utilisation productrice42 » de l’organisation de la planche, sur laquelle « [u]ne disposition particulière engendre un morceau de narration43 » et qui influence le sens de la lecture. Effectivement, « [n]ous retrouvons dans la “composition productrice” les conditions initiales d’une mise en page “labyrinthique”, où le lecteur doit retrouver son chemin44. » Il nous semble qu’il s’agit en majorité de cela chez Salomon. L’implication visuelle et presque corporelle du·de la lecteur·ice/spectateur·ice a la capacité d’enclencher une contamination affective par l’œuvre. Prenons la toile 4175 (CS, Prologue), laquelle met en scène l’explication que donne Franziska à sa fille, Charlotte Kann, à propos du « devenir-ange » après la mort.

Toile 417545

L’action se déroule du bas vers le haut (l’au-delà) et la progression est portraiturée par la répétition de l’ascendance de Franziska, de même que le mouvement visuel du lecteur. Le texte, sur une feuille superposée au dessin, mimique ladite progression ascendante. Une fois cette toile analysée, observée, il est possible de passer à la suivante. Or, le·la lecteur·ice n’en reviendra jamais vraiment, puisque son importance dans sa compréhension, faisant suite à un travail collaboratif, est cruciale. La toile subsiste un peu en lui (excède la fixité de l’objet physique) afin de rendre cohérent le temps du récit, cette fois-ci, de page en page, de toile en toile.

Représentation de soi(s)

Qui plus est, le principe de répétition est primordial lorsqu’il est question de la représentation de soi dans le roman graphique. Candida Rifkind l’explicite ainsi dans Drawn from Memory: Comics Artists and Intergenerational Auto/biography : « It is important to recognize, moreover, that comic auto/biographies rely on the sequential repetition of this self-image: the cartoonist must draw multiples of her- or himself to create continuity over a series of frames42. » Comme il a été soulevé en début d’analyse, Leben? oder Theater? se penche sur la filiation tragique de l’artiste. Ainsi, de se raconter implique certainement « a restoration of identity43 » et une forme d’embodiment en guise de défiance. Cependant, cet embodiment est différent d’une narration autobiographique-autofictive où la relation entre le référent auctorial (l’auteur·rice réel·le) et son existence purement littéraire est bien moins étroite. Dans un tel cas, la perception et le traitement de soi sont signifiés exclusivement par le biais de mots, alors que dans le roman graphique, la composante visuelle vient ajouter une couche au self-depiction des artistes. Charles Hatfield le remarque dans son analyse du cartoon self44 : « Unlike first-person narration, which works from the inside out, describing events as experienced by the teller, cartooning ostensibly works from the outside in, presenting events from an (imagined) position of objectivity, or at least distance45. » En fait, le roman graphique fonctionne selon un ensemble de relations entre référentialité et représentation qui diffèrent de celui des autobiographies classiques en prose. En effet, l’autobiographie en bande dessinée exige de l’artiste qu’il extériorise une image de lui-même sous forme graphique, qu’il sorte de lui-même. Il faut qu’il y ait « auto-caricature » permettant au·à la lecteur·ice d’examiner la manière dont l’artiste se perçoit lui-même ou elle-même. Rifkind ajoute à cela que « [t]his self-objectification demands that the cartoonist externalize an interior sense of self in a visual sign at once intimate and drawn at a critical distance46 ». Pour Salomon, la représentation de soi passe par un autoportrait démultiplié tout au long de l’œuvre, en ce qu’il est nécessaire de s’examiner et de se voir comme un objet étranger ; il s’agit d’une image de soi externalisée que l’artiste crée presque de toutes pièces.

Dans cette perspective, la distance critique est sans doute l’élément le plus important dont Charlotte Salomon fait usage dans ce geste d’autoreprésentation. D’une part, sa propre matérialisation rend son existence incarnée dans une Allemagne retirant progressivement aux Juifs leurs droits. D’autre part, grâce à cette distanciation, elle réussit à se moquer du régime nazi en dessinant en sens inverse la croix gammée sur un drapeau (CS, Prologue, 4304), le texte accompagnant la toile disant : « C’est pleins d’espoir qu’ils fixent la croix gammée. Le jour de la liberté et du pain s’est levé. » (Ibid.) Si dans ce contexte certaines bandes dessinées rendaient compte d’un antisémitisme évident, via journaux et magazines, la subversion de l’artiste, qui utilise un genre similaire, est encore plus significative. Ariela Freedman observe que « [t]he sloe-eyed, sometimes fair-haired women Salomon likes to draw are nothing like the racist cartoons published by Nazi papers like Der Stürmer47 ». D’ailleurs, Charlotte Salomon est obsédée par l’idée de ne pas avoir l’air juive, « she sits on benches and at cafes that are Judenrein (free of Jews), and is undetectable48 » ; elle écrit elle-même que « [ç]a ne saute pas aux yeux que je suis juive » (CS, Partie principale, 4786). À cet effet, le roman graphique est un des lieux propices à questionner la taxonomie, Chute allant en ce sens, considérant « [that the] [c]omics raises productive issues of taxonomy and classifiability49 ». En se dessinant comme au-dessus de la loi, Salomon incarne l’absurdité du racisme et vient ridiculiser l’illusion d’un référent universel « Juif ». Elle se risque à l’illégalité en re-figurant les représentations ; « Salomon draws her figures to emphasize the ironic failure of racial profiling and racist representation50 ». À plus forte raison, l’extrême violence taxonomique est représentée par le dépouillement progressif du décor par rapport aux individus : allant d’intérieurs luxueux et denses, montrant un bonheur aisé (CS, Prologue, 4168, 4193, 4196), vers des scènes où les personnages sont dépourvus de décor et ne sont plus que des silhouettes (CS, Partie principale, 4675), symbolisant un temps où les Juifs d’Europe se sont retrouvés dépouillés de leurs biens et de leur identité. Par voie de conséquences, au fil de l’œuvre, la vision à vol d’oiseau (bird’s eye view) disparaît au profit de plans plus rapprochés et serrés sur les personnages, pouvant vraisemblablement témoigner de l’isolement des Juifs dans la société.

Une implication aussi personnelle fait naître, il nous semble, une subjectivité texturée, matérielle, à la fois chez l’artiste et chez le·la lecteur·ice. Pour Chute, « [a] textured subjectivity emerges in the space of the relationship of caption to image51 » ; précisément, le point de vue très situé de Charlotte Salomon produit une connaissance imagée, une documentation artistique, d’enjeux réels et dramatiques. D’une manière complètement subjective, elle commente l’actualité et l’usage qu’elle fait des mots pour à la fois émettre ce dit commentaire et pour rendre compte de son ressenti en amont, fait jaillir cette subjectivité texturée, dont le lecteur prend connaissance. Si elle parle et peint à partir d’un lieu marginal et met en lumière la liminarité de l’Être allemand juif, la répétition du soi confirme qu’une planche/toile peut contenir plusieurs sois, au même titre que ledit soi peut muter et se transformer de toile en toile. Cette idée rejoint certainement la réflexion autour de l’autofiction de Philippe Gasparini, qui parle de la démultiplication « [d]es récits possibles de soi52 ». À cet égard, Mary Lowenthal Felstiner cite Charlotte lorsqu’elle se dit être tous ses personnages en même temps : « “I was my mother my grandmother indeed I was all the characters in my play. I learned to walk all paths and became myself”53 ». Le roman graphique exige de fait que le sujet soit toujours divisé et généralement multiple.

En guise de dernière analyse, le ressenti selon lequel Leben? oder Theater? pourrait s’ériger au rang d’œuvre d’art total (Gesamtkunstwerk), projet élaboré par Wagner, doit se buter à certaines réserves. Michael Steinberg considère que l’œuvre de Salomon, bien qu’elle se réclame de plusieurs arts – visuel, musical, textuel – est à la fois « a thorougly Wagnerian and anti-Wagnerian work54 ». L’extrême hybridité de Leben? oder Theater? rend caduque toute tentative de catégorisation trop pointue, tant les possibilités de réflexion sont nombreuses. Certainement, l’élément le plus wagnérien concerne la musique en ce qu’il est vrai que dans ce Singspiel se déploie un leitmotiv musical susceptible d’être « reprodui[ts] à volonté55 ». Et pourtant, les spécialistes de l’œuvre de Salomon trouvent problématique de lui accoler cette étiquette de Gesamtkunstwerk, ce qui a à voir avec le fait qu’il s’agit d’une comparaison insuffisante et réductrice, Leben? oder Theater? ne prétendant à aucune totalisation. Si certains commentateurs du travail de Wagner, dont Antonin Artaud, étaient en faveur d’une rupture avec le texte, donc d’une certaine hiérarchisation des arts dans la structure interne de l’opéra, Salomon « uses the interplay of the registers to cancel each other one’s authority over representation56 ». Qui plus est, l’élément le plus subversif de cette caractéristique anti-wagnérienne a à faire avec l’héritage et les mythes allemands mis de l’avant par les opéras wagnériens, par exemple L’anneau du Nibelung. Norman Rosenthal va dans le même sens que Steinberg et voit dans Leben? oder Theater? « a reversal of the Gesamtkunstwerk; in turning to singspiel, Salomon imagines a tradition of hybridized German music without Richard Wagner. Salomon’s use of singspiel rejects the epic turn of German opera, its totalizing fervor, and its subliming turn to racial myth57. » L’œuvre de Salomon, qui s’inscrit sous les sigles de la subversion, de l’affirmation et de la rébellion, refuse de se plier à la Kunstpolitik (la politique artistique) du régime Nazi, empêchant les Juifs de participer à la vie culturelle, et réclame sa légitimité vis-à-vis de la langue allemande et sa tradition artistique.

Somme toute, l’œuvre de Charlotte Salomon, ce Künstlerroman, aborde des enjeux qui lui sont à la fois extrêmement contemporains, mais qui argumentent également en faveur de l’ouverture des codes du roman graphique. En effet, suite aux considérations précédentes, l’envie de considérer Leben? oder Theater? comme un roman graphique avant l’heure n’est pas inconcevable. Le destin tragique de Salomon a certes pu influencer cette urgence artistique, mais il n’est pas non plus souhaitable de lui attribuer la prémonition de sa destinée. Salomon incorpore dans son œuvre un affect débordant tant par le biais d’une temporalité collaborative et participative qu’à travers un don de soi total et répété. Elle a su dessiner en courbes émotionnelles plutôt qu’en lignes dirigées et contraignantes. Artistiquement parlant, elle n’a été soumise à rien d’autre qu’à son génie créatif.

Bibliographie

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  1. Charlotte Salomon, Vie  ? ou Théâtre  ?, Paris, Le Tripode, 2015 [1981].↩︎

  2. Ariela Freedman, « Charlotte Salomon, Graphic Artist », in Sarah Lightman, (éd.), Graphic Details: Jewish Women’s Confessional Comics in Essays and Interviews, Jefferson, North Carolina, McFarland & Company, Inc., 2014, p. 38-50, p. 38.↩︎

  3. Mary Lowenthal Felstiner, To Paint Her Life: Charlotte Salomon in the Nazi Era, San Francisco, Harper Perennial, 2011, p. 212.↩︎

  4. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 44.↩︎

  5. Thierry Groensteen, « Why Are Comics Still in Search of Cultural Legitimization ? », in Anne Magnussen, Christiansen Hans-Christian, (éds.), Comics and Culture: Analytical and Theoretical Approaches to Comics, Copenhague, Museum Tusculanum Press, 2000, p. 29-42.↩︎

  6. Matt Hambro, « German Comics. Form, Content, and Production », in Novel Perspectives on German-Language Comics Studies: History, Pedagogy, Theory, Lanham, Maryland, Lexington Books, 2016, p. 19-36, p. 21.↩︎

  7. Ibid.↩︎

  8. « en fusionnant les styles de la caricature et de l’histoire picturale ayant déjà fait leurs preuves en quelque chose d’entièrement nouveau » [nous traduisons], Sylvia Kesper-Biermann, « Geschichte des Comics und seiner (pädagogischen) Rezeption im deutschsprachigen Raum », in Heinrich Ammerer, Markus Oppolzer, (éds.), Was kann der Comic für den Unterricht leisten ? Fachdidaktische Perspektiven auf ein subversives Erzählmedium, Münster, Waxmann, 2022, (« Salzburger Beiträge zur Lehrer/innen/bildung »), p. 43.↩︎

  9. Benoît Peeters, Lire la bande dessinée, Paris, Flammarion, 2002, (« Champs »).↩︎

  10. Ibid., p. 45.↩︎

  11. Matt Hambro, op. cit., p. 31.↩︎

  12. Ibid.↩︎

  13. « [l]es dessinateurs allemands […] se sont en grande partie contentés de la séquence traditionnelle avec sous-titres » [nous traduisons], Joanne Hebert, « Die Geschichte des Comics in Deutschland », 2022, [En ligne : https://cle.ens-lyon.fr/allemand/arts/bande-dessinee/die-geschichte-des-comics-in-deutschland]↩︎

  14. Hillary L. Chute, Disaster Drawn: Visual Witness, Comics, and Documentary Form, Cambridge, Massachusetts, The Belknap Press of Harvard University Press, 2016, p. 5.↩︎

  15. Ibid., p. 7.↩︎

  16. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 46.↩︎

  17. Sarah Lightman, The Book of Sarah, University Park, Pennsylvania, The Pennsylvania State University Press, 2019, (« Graphic Medicine »).↩︎

  18. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 46.↩︎

  19. La numérotation des toiles de l’œuvre de Charlotte Salomon suit celle émise par le Jewish Cultural Quarter d’Amsterdam et les hyperliens proviennent également du site web du musée.↩︎

  20. Edward van Voolen, Charlotte Salomon, “Vie ? ou Théâtre ?”, Édition française du catalogue, Munich et Paris, Prestel et Musée d’art et d’histoire du judaïsme, 2005, p. 50-51. ↩︎

  21. Charlotte Salomon, op. cit., p. 50-51.↩︎

  22. « Nous te tressons une couronne virginale », Ibid., p. 25.↩︎

  23. « C’est donc cela la vie », Ibid., p. 51.↩︎

  24. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 43.↩︎

  25. « Vie ? ou Théâtre ? [est] clairement marqué par l’esthétique de film. » [nous traduisons], Sarah Schmidt, « Die Masken des Orpheus oder Wie man in die Unterwelt steigt, um am Leben zu bleiben : Überlegungen zum intermedialen Bilderwerk ’Leben? oder Theater?’ von Charlotte Salomon », in Claudia Gronemann, (éd.), Autofiktion, Hamburg, Textem Verlag, 2008, (« Kultur & Gespenster »), p. 183.↩︎

  26. Rita Charon, Narrative Medicine: Honoring the Stories of Illness, Oxford, New York, Oxford University Press, 2006, p. 42.↩︎

  27. Hillary L. Chute, op. cit., p, 16.↩︎

  28. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 48.↩︎

  29. Hillary L. Chute, op. cit., p. 16.↩︎

  30. Kate Polak, Ethics in the Gutter: Empathy and Historical Fiction in Comics, Columbus, The Ohio State University Press, 2017, (« Studies in Comics et Cartoons »), p. 12.↩︎

  31. Griselda Pollock, Charlotte Salomon and the Theatre of Memory, New Haven, Yale University Press, 2018, p. 224.↩︎

  32. Ibid., p. 222.↩︎

  33. Edward van Voolen, op. cit., p. 36.↩︎

  34. Will Eisner, Les clés de la bande dessinée, Paris, Delcourt, 2009, (« Contrebande »), p. 31.↩︎

  35. Ibid.↩︎

  36. Hillary L. Chute, op. cit., p. 223.↩︎

  37. Geneviève Deschamps, Réinventer l’ethnographie : pratiques imaginatives et méthodologies créatives, Presses de l’Université Laval, 2021, p. 42.↩︎

  38. Ibid.↩︎

  39. Kate Polak, op. cit., p. 7.↩︎

  40. Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, 2, Paris, Gallimard, 1980 [1974], (« Tel »), p. 70.↩︎

  41. Benoît Peeters, op. cit., p. 51.↩︎

  42. Ibid., p. 68.↩︎

  43. Ibid.↩︎

  44. Maxime Galand, « Chris Ware, architecte de la mémoire. La projection spatiale de la mémoire dans la bande dessinée », Montréal, Université du Québec à Montréal, 2013, p. 30.↩︎

  45. Edward van Voolen, op. cit., p. 41.↩︎

  46. Candida Rifkind, « Drawn from Memory: Comics Artists and Intergenerational Auto/Biography », Canadian Review of American Studies, Vol. 38 / 3, 2008, p. 403.↩︎

  47. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 44.↩︎

  48. Chris Hatfield, Alternative Comics: An Emerging Literature, Jackson, University of Mississippi Press, 2005.↩︎

  49. Ibid., p. 115.↩︎

  50. Candida Rifkind, loc. cit., p. 403.↩︎

  51. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 44.↩︎

  52. Ibid.↩︎

  53. Hillary L. Chute, op. cit., p. 38.↩︎

  54. Ariela Freedman, op. cit., 2014, p. 44.↩︎

  55. Hillary L. Chute, op. cit., p. 8.↩︎

  56. Philippe Gasparini, « Autofiction vs autobiographie », Tangence, no97, 2012, p. 15.↩︎

  57. Mary Lowenthal Felstiner, op. cit., p. 141.↩︎

  58. Michael p. Steinberg, « Reading Charlotte Salomon: History, Memory, Modernism », in Michael p. Steinberg, Monica Bohm-Duchen, (éds.), Reading Charlotte Salomon, Ithaca, New York, Cornell University Press, 2006, p. 6.↩︎

  59. Antonin Artaud, « Le théâtre de la cruauté », Le théâtre et son double ; suivi de Le théâtre de Séraphin, Paris, Gallimard, 1964, p. 145.↩︎

  60. Michael p. Steinberg,  op. cit., p. 6.↩︎

  61. Ariela Freedman, « Charlotte Salomon’s Life ? Or Theater ? A Melodrama ? », Criticism, « A Dossier of Essays on Melodrama », Vol. 55 / 4, 2013, p. 624.↩︎


Béatrice Chagnon est étudiante à la maîtrise en littérature comparée à l’Université de Montréal. Son mémoire porte sur la mascarade de la féminité en tant que stratégie de survie dans le roman Malina (1971) d’Ingeborg Bachmann. En 2023, au Texas (Houston), elle a présenté, dans le cadre du colloque « Fashion, Culture and the Literary and Media Arts », une communication intitulée « Between Schein and Sein: Inhabiting Clothing to Inhabit the World in Ingeborg Bachmann’s short story Problems Problems », qui fera partie d’un chapitre de son mémoire. Depuis 2020, elle fait partie du comité éditorial de la revue Fémur.

 

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