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Adaptations de L’Île au trésor en bande dessinée : mises en images d’un texte imagé

Marie Enriquez, chercheuse et membre associée du 3.LAM de l’Université d’Angers

Résumé : Dès sa parution en 1883, L’Île au trésor, premier roman de Robert Louis Stevenson, se trouve mis en images : d’abord avec des illustrations, puis très vite, par des adaptations dans les media naissants de l’image. Si la pratique de l’adaptation n’est pas rare, le cas de L’Île au trésor est manifestement à part, puisqu’on recense des dizaines d’adaptations au cinéma et en bande dessinée à travers le monde.

Quelles sont les raisons d’un tel engouement des media de l’image pour ce petit roman ? L’écriture de Stevenson, très visuelle, suscite chez le lecteur des images mentales puissantes, qui peuvent favoriser sa transposition en images. Mais ces projections mentales ont-elles pu être influencées par les mises en images, que ce soit les illustrations ou les adaptations ? Il s’agit également de revenir sur le rôle de l’image dans le processus de création artistique chez Stevenson lui-même, puisque c’est bien une image, la carte au trésor, qui est le point de départ de l’écriture du roman.

En ce qui concerne les adaptations en bande dessinée, quels sont les procédés qui permettent de transposer l’intrigue originale d’un medium uniquement textuel à un medium hybride, composé de textes et d’images ? L’entreprise d’adaptation s’apparente à celle de traduction, la langue d’arrivée étant le langage de la bande dessinée. Quant au texte du roman, quelle est sa place dans les adaptations en bande dessinée ? La diversité des adaptations permet d’observer et de comparer des choix très hétérogènes, qui ont des effets variés et témoignent de visions différentes de l’œuvre, mais aussi du rôle de l’adaptation, entre effacement derrière l’œuvre originelle, et appropriation personnelle.

Revue Fémur
2563-6812
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Introduction : Un roman fréquemment mis en image

Dès sa parution, en 1883, L’Île au trésor, de Robert Louis Stevenson, a bénéficié d’une importante mise en image : illustrations d’abord, puis dès le début du XXe siècle, adaptations dans les media de l’image naissants, cinéma et bande dessinée. Cette pratique n’est pas rare, de nombreuses œuvres littéraires ayant été adaptées à l’écran ou en cases. Cependant, le cas de L’Île au trésor est manifestement à part puisqu’on recenserait une quarantaine d’adaptations filmées à travers le monde et une trentaine d’adaptations en bande dessinée. De plus, tous les romans ne sont pas adaptables en images, car trop indissociables de leur medium d’origine. Par conséquent, qu’est-ce qui explique la tendance récurrente d’une œuvre à être transposée dans un medium différent de celui pour lequel elle a été créée ? Thierry Groensteen crée le terme « adaptogénie », pour parler de cette « propension que manifestent certaines œuvres à susciter des adaptations en grand nombre1 ». Pour que la transposition vers un medium de l’image soit réussie, il faudrait que l’œuvre source ait une certaine proximité avec le medium d’arrivée, qu’elle entretienne « des rapports immanents avec l’image2 » selon les propos de Benoît Berthou. S’intéressant plus particulièrement au phénomène d’adaptations d’œuvres littéraires en bande dessinée, ce dernier remarque que les romans du XIXe siècle sont majoritaires parmi les œuvres adaptées, et il explique cela par la place importante qu’ils font aux images. Il est vrai que grâce au développement des techniques d’imprimerie, le XIXe siècle voit augmenter considérablement la place occupée par les images dans les ouvrages imprimés. Qu’elle occupe une pleine page ou qu’elle soit intégrée dans la mise en page, l’image occupe une place de plus en plus importante, en particulier dans les publications destinées à la jeunesse, comme les romans de Jules Verne ou de la comtesse de Ségur. L’image envahit également les pages des publications populaires, feuilletons et autres périodiques, où elle occupe parfois une place plus importante que le texte lui-même. On pense aussi à un ersatz du genre théâtral, vendu chez les marchands de journaux, et très prisé de Stevenson lui-même : le théâtre de Skelt, ou théâtre de papier3. On peut supposer que ces publications furent à l’origine chez le futur écrivain d’une conscience du pouvoir des images, tant paraissent fortes les émotions qu’il ressentit à l’époque, lorsqu’il jouait à découper les petites figurines :

Chaque planche de dessin que nous touchions était comme un coup de projecteur, trop bref, dans une obscure et passionnante histoire, un peu comme si nous plongions dans la matière première des contes. Je ne connais rien de comparable à cette sensation, sauf, de loin en loin quand j’ai le privilège de lire en rêve certains romans d’aventure jamais écrits4

Stevenson se souvient également de ses émotions de jeune lecteur face aux illustrations des romans d’aventure publiés en feuilleton, comme il le raconte dans son essai consacré aux écrivains populaires :

Chaque samedi, je courais d’une vitrine à l’autre jusqu’à épuisement de toute la panoplie hebdomadaire, […] tant et tant de fragments d’histoires à jamais inconnues, d’images entrevues de héros mystérieux suggérés par les étalages ! Je crois que jamais je n’ai tant apprécié la fiction5.

Ce sont certainement ces souvenirs qui pousseront Stevenson à chercher à associer ses écrits à des images. Il fut occasionnellement son propre illustrateur, lorsqu’en 1882, il s’essaya à l’impression d’images avec son beau-fils Lloyd Osbourne : ils réalisèrent à l’aide d’une simple presse un recueil de poèmes et d’illustrations gravées sur bois, nommé Moral Emblems. Tirée à un nombre très limité d’exemplaires, cette petite œuvre témoigne de l’intérêt particulier éprouvé par Stevenson pour les images. Le plus souvent, il chercha à collaborer avec des illustrateurs en vogue, comme Walter Crane, qui réalisa les frontispices de Croisière à l’intérieur des terres et du Voyage avec un âne dans les Cévennes. Étonnamment, la première publication de L’Île au trésor fut pourtant pauvre en images. Parues en feuilleton dans le magazine Young Folks, du 1er octobre 1881 au 28 janvier 1882, les pages consacrées à L’Île au trésor ne bénéficièrent que d’une seule illustration, une gravure sur bois représentant Billy Bones et Chien Noir. Au grand regret de Stevenson, il semble que le jeune auteur n’était pas encore assez connu pour prétendre à des illustrations, réservées aux auteurs les plus vendeurs. C’est encore pire pour la première édition en volume en 1883 par Cassel et Company of London qui n’en comporte aucune. Il faut attendre l’édition américaine du roman en 1884 pour voir apparaître quatre illustrations signées par Franck T. Merrill, mais surtout la première édition française chez Hetzel en 1885, qui propose une vingtaine d’illustrations de Georges Roux, graveur connu pour ses illustrations de romans de Jules Verne. Cependant, la plupart des éditions illustrées de L’Île au trésor seront posthumes. Le plus célèbre des illustrateurs du roman est certainement Newell Convers Wyeth, avec ses peintures de plus d’un mètre de haut. Peintre habitué des illustrations sur le sud-ouest américain, il se voit confier en 1911, par Chapin, l’illustration de L’Île au trésor pour une nouvelle édition prestigieuse chez Scribners’ Sons. Lecteur, non seulement du roman, mais également des essais de Stevenson consacrés à l’art de la fiction, le peintre se découvre une certaine affinité avec l’écrivain dans sa manière de concevoir le rôle des images : « Dès lors, ce fut son parti pris : à chaque fois que possible, mettre le lecteur dans la position du jeune Jim Hawkins, lui faire voir les scènes par ses yeux6. » Son Billy Bones colossal et intimidant, ses pirates escaladant la palissade du fortin dans un désordre de corps et d’armes, son Silver tour à tour figure débonnaire fumant sa pipe et brute épaisse traînant Jim vers le trésor, ont accompagné et marqué des générations de jeunes lecteurs. Michel Le Bris dit à propos des tableaux de Wyeth qu’ils ont « une puissance de fascination égale à celle du texte qu’ils servent7 ». Loin de cette esthétique spectaculaire, Edmond Dulac propose en 1927 pour Ernest Benn des vues très larges, éloignées, souvent en plongée.

L’attaque du fortin, vue par N. C. Wyeth et Edmond Dulac.

Depuis, les éditions illustrées de L’Île au trésor n’ont cessé de fleurir, chaque éditeur et chaque décennie voyant arriver sa nouvelle version. La liste est très longue, et sans aucun doute incomplète : Georges Beuville (1946, Gründ), Henry Varade (1946, Georges Guillot), Gisèle Vallerey (1953, Fernand Nathan), Cattaneo et Maraja (1959, Fabbri), Jacques Poirier (1972, Hachette), Sandro Chiarolla et Spartaco Ripa (1979, Éditions du Bois de Boulogne), Ralph Steadman (1985, Harrap Limited), Pierre Joubert (1992, Fleurus), Robert Ingpen (1992, Penguin Books), François Place (1994, Gallimard), François Roca (1999, Nathan), Scott McKowen (2004, Sterling Juvenile), Vincent Dutrait (2010, Tourbillon), René Follet (2013, Dupuis), Fran Parrero (2014, Usborne), Liz Catchpale (2018, Penguin Random House), Etienne Friess (2020, Albin Michel), Mauricio Quarello (2021, Sarbacane), Carlo Molinari (2021, Classic Adventures), Arthus Pilorget (2022, Gallimard Jeunesse), Riff Reb’s (2022, Daniel Maghen), auxquels il faut ajouter les multiples illustrateurs qui ont réalisé des illustrations de couverture pour les innombrables éditions de poche du roman. Comme on le voit, l’intérêt pour la mise en images du roman ne faiblit pas, et on observe même une multiplication des versions illustrées ces dernières années.

Les versions cinématographiques sont également très nombreuses. Dès le début du XXe siècle, le cinéma naissant s’est intéressé au roman de Stevenson : Maurice Tourneur est le premier à s’y risquer en 1920, dans une version muette en noir et blanc aujourd’hui disparue, avec une jeune actrice, Shirley Mason, dans le rôle de Jim. Il est suivi par Victor Flemming en 1934, puis par Byron Haskin, qui livre la première version en couleurs pour Walt Disney en 1950 (c’est aussi le premier film de Walt Disney en prises de vue réelles), puis une suite, Le Pirate des mers du Sud (Long John Silver en VO), en 19548. En 1971, le Britannique John Hough offre à Orson Welles le rôle de Silver ; en 1985, Raoul Ruiz en propose une adaptation modernisée, avec le jeune Melvil Poupaud dans le rôle du jeune héros, tandis qu’en 1999, la version de Peter Rowe avec Jack Palance prend des libertés avec le scénario. On compte également des téléfilms, comme la version de Fraser Heston en 1990, avec son père Charlton Heston dans le rôle de Silver, et le jeune Christian Bale dans celui de Jim, ou encore celle de 2012 par Steve Barron, avec Donald Sutherland et Elijah Wood. Citons encore des relectures comiques, comme L’Île au trésor des Muppets, de Brian Henson en 1996, ou le film français L’Île aux trésors, d’Alain Berbérian, avec Gérard Jugnot. L’animation n’est pas en reste, avec le film de Walt Disney La Planète au trésor, sorti en 2003, qui propose une transposition du roman dans un univers de science-fiction, et plusieurs séries d’animation pour la télévision européenne ou japonaise.

Comme le cinéma, la bande dessinée se tourne très tôt vers L’Île au trésor : la première adaptation connue (par Sven Elven) date de 1936, et la plus récente (le troisième tome de Jim Hawkins) de 2021, ce qui permet une sorte de panorama de l’histoire du neuvième art. De plus, les origines géographiques de ces œuvres sont très variées : Europe (France, Belgique, Angleterre, Espagne, Italie), mais aussi États-Unis et Japon, témoignant de l’universalité de l’intérêt pour l’intrigue imaginée par Stevenson. On note également une grande diversité des styles graphiques et des ambitions des auteurs et éditeurs : certaines adaptations semblent être de fidèles transpositions en images du roman, tandis que d’autres cherchent à apporter un regard plus personnel et original sur l’œuvre. Nous y reviendrons plus longuement par la suite et nous proposerons en fin d’article une chronologie de ces adaptations pour rendre leur appréhension plus aisée.

Ainsi, il s’agira d’essayer de comprendre la raison de cette impressionnante postérité iconographique de L’Île au trésor. Dans un premier temps, il semble que la nature visuelle de l’écriture de Stevenson constitue une piste à explorer, mais, dans un second temps, il s’avère également que certaines mises en images ont subi l’influence d’adaptations visuelles antérieures, outre celle du roman, comme si les images s’affranchissaient peu à peu du texte. Pour finir, il conviendra aussi de s’interroger sur les adaptations en bandes dessinées – derniers « maillons de la chaîne », après les illustrations et les adaptations cinématographiques – et sur les liens qu’elles entretiennent avec le texte.

L’Île au trésor de Stevenson : une écriture de l’image

Quelles sont les raisons d’un tel engouement des media de l’image pour ce petit roman ? Non seulement il semble concentrer tous les ingrédients d’un récit d’aventure, mais surtout, l’écriture de Stevenson, avec ses descriptions étonnantes et ses scènes iconiques, est très visuelle. Ceci suscite chez le lecteur des images mentales puissantes, qui peuvent favoriser sa transposition en images. Il faut également revenir sur le rôle de l’image dans le processus de création artistique chez Stevenson lui-même, puisque c’est bien une image, la carte au trésor dessinée lors d’un jeu avec son beau-fils, qui est le point de départ de l’écriture du roman.

La carte : une image comme point de départ du roman

C’est une image, un objet visuel et non narratif, qui est à l’origine de l’écriture du roman : la carte au trésor réalisée par Stevenson et son beau-fils Lloyd Osbourne. Stevenson relate cet épisode dans « Mon premier livre » :

A l’occasion d’une de ces séances, je dessinai la carte d’une île. Elle était très soigneusement et (du moins le pensais-je) très joliment coloriée. Sa forme, en particulier, accapara mon imagination au-delà de toute expression. Il y avait là des criques, des ports, qui m’enchantaient autant que des sonnets, et avec l’inconscience des prédestinés, je baptisais mon œuvre Treasure Island9.

La présence de cartes dans les livres du XIXe siècle n’est pas inédite ; abondamment diffusées à cette époque grâce aux progrès de la cartographie, elles accompagnent les récits de voyages, retraçant l’itinéraire suivi par l’auteur, et s’invitent dans les romans d’aventure pour représenter des territoires réels ou imaginaires. Sylvain Venayre y voit le reflet d’une époque où l’ensemble du monde se trouve colonisé par les pays européens, mais aussi une sorte de « fantasme de la nomination10 ». On retrouve cette volonté de nommer le monde dans la carte de l’île Lincoln dans L’Île mystérieuse de Jules Verne. Dans un article consacré à l’usage des cartes dans les romans d’aventure de l’époque victorienne11, Sally Bushell semble ranger la carte de L’Île au trésor parmi ces cartes traduisant une volonté impérialiste de possession de terres vierges par l’homme européen. Pourtant, la carte de Stevenson n’a, de toute évidence, pas la même fonction. Le flou entretenu concernant la localisation de l’île interdit d’y voir un quelconque territoire colonial et l’île elle-même ne se laisse jamais posséder par les explorateurs, malgré la possession de la carte. Loin de l’exactitude des cartes contemporaines, cette dernière mime les représentations cartographiques anciennes (illustrations, rose des vents), qui vont provoquer des associations d’idées chez le lecteur et faire surgir de son imagination des images de trésor, galions, pirates…

La carte de L’Île mystérieuse, dessinée par Jules Verne12
La carte de L’Île au trésor, dessinée par Stevenson13

De plus, là où Verne réalisait une carte pour accompagner son roman, c’est bien le roman qui surgit de la carte dessinée par Stevenson. L’image est source d’imaginaire, la première étape de la création, un déclencheur narratif :

Je l’avais écrit [son roman] en suivant la carte. La carte était un élément essentiel de mon intrigue. Par exemple, j’avais nommé un îlot l’Île du Squelette, un peu au hasard, sans autre souci que le pittoresque – et c’est pour justifier cette appellation que je dus pénétrer par effraction dans le magasin d’accessoires d’Edgar Poe, où je lui dérobai le moyen de pointer sur le trésor de Flint. Et de la même façon, c’est parce que j’avais dessiné deux mouillages possibles que j’envoyai l’Hispaniola à l’aventure avec Hands14.

La carte est également le premier élément que découvre le lecteur en ouvrant le roman ; il est alors mis dans la même situation que le jeune Jim au début du chapitre XII : il va projeter ses rêves sur la carte, anticiper sur l’histoire, se faire son propre roman avant la lecture. Toutefois, alors que le jeune Jim et ses amis ont accès à la « véritable » carte, avec toutes les indications données par Flint, le lecteur est face à une carte caviardée, dont les informations importantes, notamment la position de l’île, ont été effacées. Une pratique qui s’avère être source de frustration, mais aussi d’imaginaire : c’est au lecteur de combler les interstices.

Images marquantes

Stevenson, dans ses essais, pense le romanesque comme l’art de créer des images. Il analyse d’ailleurs ses émotions de lecteur face à des scènes qui « marquent le récit comme une illustration » :

Ce sont là des moments cruciaux de la légende, et chacun restera à jamais gravé dans les mémoires. […] Ces scènes qui font date marquent une histoire du sceau de la vérité et comblent, d’un seul coup, notre capacité d’adhésion, nous les recueillons au plus profond de notre esprit, là où ni le temps ni le monde ne peuvent en effacer, ou atténuer, la trace15.

En tant qu’auteur, il n’a de cesse de chercher à créer la même émotion chez ses lecteurs, grâce à un style très visuel, ponctué de scènes frappantes dotées d’un fort pouvoir de suggestion. C’est le cas, par exemple, de la métamorphose de Jekyll en Hyde dans L’Étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde, ou encore du duel sous la lune des frères Durie dans Le Maître de Ballantrae, mais surtout, de nombreuses scènes de L’Île au trésor. Paradoxalement, l’écriture de Stevenson acquiert une grande visibilité par l’économie de moyens, préférant se concentrer sur quelques détails marquants plutôt que de se livrer à des descriptions exhaustives. Les mots de Stevenson se dotent alors d’un fort pouvoir de suggestion qui fait surgir des images chez le lecteur, chargé d’un rôle actif. Dans son essai « À bâtons rompus sur le roman », Stevenson évoque son ennui de lecteur face à des descriptions interminables et fastidieuses16. Au contraire, il opère pour ses évocations de lieux et de personnages de manière similaire : pas de longues descriptions, mais quelques lignes qui doivent venir s’imprimer dans l’imaginaire du lecteur. Ainsi, Long John Silver n’est décrit que par ces quelques mots (tandis que d’autres personnages centraux de l’intrigue ne sont pas du tout décrits) :

Sa jambe gauche avait été amputée à la hanche et il portait sous l’épaule gauche une béquille qu’il manœuvrait avec une stupéfiante dextérité, sautillant de-ci, de-là à la manière d’un oiseau. Il était d’une taille et d’une force peu communes, avec un visage en forme de gros jambon – pâle et sans relief, mais intelligent et souriant17.

Ici, pas de longue description détaillée et organisée, mais quelques détails marquants et des comparaisons étonnantes, car, comme le résume Jean-Yves Tadié, « ce qui compte, c’est moins l’image précise, qu’un halo, une atmosphère, une impression, non à rendre, mais à produire18 ».

L’Île au trésor est construit sur une succession de scènes clefs et d’images fortes : la marque noire, Jim caché dans son tonneau de pommes ou acculé par Hands en haut du mât, Silver jetant sa béquille sur le pauvre Tom, les pirates face à la cachette du trésor, vide… De l’image mentale à la mise en images, il n’y a qu’un pas, qu’ont franchi de nombreux artistes. Il est frappant de constater que d’une version illustrée à l’autre, ce sont souvent les mêmes scènes, voire les mêmes instants qui sont représentés, c’est-à-dire ceux qui sont dotés de la plus grande puissance iconographique. Par ailleurs, un élément graphique marquant structure le récit et lui donne une certaine cohésion, reliant les événements de l’auberge et ceux qui se déroulent sur l’île : la marque noire, donnée à Bones par Pew, puis à Silver par les autres pirates. Un certain mystère entoure cet objet, qui n’est pas décrit immédiatement ; au début, Jim et le lecteur ignorent ce qui a été donné à Bones, l’objet étant volontairement désigné de manière floue : « Je vis le mendiant glisser quelque chose du creux de sa main, qui tenait le bâton, dans la paume de celle du capitaine19. » L’objet est d’autant plus mystérieux qu’il semble doté d’un pouvoir terrible : aussitôt après l’avoir reçu, Bones s’écroule, terrassé par un arrêt cardiaque. Dans le chapitre précédent, Bones avait évoqué devant Jim sa crainte que ses anciens complices ne lui « collent la marque noire20 », ce n’est donc logiquement que lorsque l’objet est enfin dévoilé que Jim peut faire le lien : « Par terre, près de la main du mort, il y avait un petit cercle de papier noirci sur une face. Il ne faisait aucun doute que c’était la marque noire21. » Entretemps, le lecteur s’est représenté mentalement l’objet, tâchant d’imaginer ce qui peut provoquer une telle réaction chez le vieux pirate. C’est donc par le biais de Stevenson que cet objet entre dans la mythologie qui entoure l’univers des pirates, et fait des apparitions dans d’autres œuvres de fiction, comme dans le film Pirates des Caraïbes par exemple (Le Secret du coffre maudit, Gore Verbinski, 2006). Stevenson a réussi à créer des images fortes, qui marqueront durablement les esprits des lecteurs.

Des projections mentales influencées par les mises en images ?

Cependant, on peut aussi se demander dans quelle mesure ces projections mentales ont pu être influencées par les mises en images, que ce soit les illustrations d’un N. C. Wyeth, les films de Flemming ou Haskin, ou encore la bande dessinée d’Hugo Pratt.

En effet, bon nombre de lecteurs qui pensent connaître le roman y ont en réalité eu accès à travers une version adaptée. Michel Le Bris, biographe de Stevenson, raconte sa découverte du roman grâce aux illustrations de Wyeth, dans une édition anglaise qu’il ne pouvait pas lire, mais dont les images l’ont fasciné22. Parfois, c’est aussi par les adaptations filmiques que les lecteurs découvrent L’Île au trésor, comme pour Roy Thomas, le scénariste d’une adaptation du roman en comics23. Est-ce que ces images n’ont pas pu s’imposer dans les esprits des lecteurs et spectateurs, se substituant à ce que contient véritablement le texte de Stevenson ?

Le cas du physique du personnage emblématique, Long John Silver, est à cet égard particulièrement intéressant. On se rend compte que s’est figée dans l’imaginaire collectif une représentation très différente de sa description dans le roman. Les adaptations en bande dessinée sont le dernier maillon de la mise en images, initiée par l’illustration et continuée par le cinéma, elles subissent donc souvent l’influence de leurs prédécesseurs. On remarque que, si le roman décrit Silver avec la jambe coupée au genou, et s’aidant d’une béquille pour marcher, de nombreuses bandes dessinées le montrent affublé d’une jambe de bois. C’est le cas dans la dernière adaptation du roman, parue en 2019, de même que dans Sept Pirates, dans Jim Hawkins, ou encore dans Long John Silver, dans laquelle le personnage est évoqué comme « un marin à la jambe de bois24 » alors que Stevenson parle bien d’un « marin à une seule jambe25 ». Un glissement s’est opéré entre la jambe manquante et la jambe de bois dans la représentation du célèbre pirate. La jambe de bois de Silver semble être passée dans l’imaginaire collectif, ce qui suscite parfois la surprise chez les lecteurs n’ayant pas connaissance du roman lorsqu’ils découvrent un Silver à la jambe amputée ; comme c’est le cas dans le roman, mais également chez Bugg, Hugo Pratt, Chiqui de la Fuente, John Ushler, Woehrel et Lemoine, ou Faure et Corteggiani, qui le représentent avec une jambe de pantalon vide et une béquille sous le bras. Depuis Stevenson et Long John Silver, le pirate « type » doit être mutilé et porter un perroquet sur l’épaule. Or cette mutilation ne doit pas trop gêner ce personnage, décrit par Stevenson comme extrêmement agile ; c’est l’avantage de la jambe de bois : elle est non seulement plus graphique qu’une simple jambe manquante, elle permet de donner au personnage une démarche plus aisée contrairement à la béquille. Elle est devenue une sorte d’accessoire indispensable du parfait pirate. Comme la bande dessinée, le cinéma se laisse parfois influencer par cette représentation venue de l’imaginaire populaire : ainsi, dans le film de Peter Rowe, Jack Palance, qui incarne Silver, porte une jambe de bois. Il se pourrait que ce glissement de la jambe manquante à la jambe de bois ait été influencé par des versions illustrées de L’Île au trésor, où la béquille de John, placée le long de son corps, donne l’impression d’une jambe de bois, ou bien par cette illustration de Wyeth, où le fusil que le pirate porte en bandoulière semble venir en lieu et place de la jambe manquante.

Wal Paget, Cassel and Co., 1899
N. C. Wyeth, Charles Scribners, 1911

De la même manière, dans les adaptations en bande dessinée, Silver est souvent brun, alors qu’il est explicitement décrit comme blond par Stevenson. De plus, Jim est souvent un enfant, alors qu’il est un adolescent dans le roman : les dessinateurs se sont laissé influencer par les versions illustrées ou filmées du roman26, et ont contribué à consacrer ces nouvelles représentations des personnages, certainement sans savoir qu’ils ne « respectaient » pas les indications du texte. En effet, bien que le roman soit générateur d’images, L’Île au trésor et ses personnages semblent avoir pris leur indépendance par rapport aux mots de Stevenson, et acquis une existence iconographique propre.

Les transpositions du roman en bande dessinée : quelle place pour le texte ?

Les transpositions du roman en bande dessinée sont extrêmement diverses, que ce soit en ce qui concerne leur contexte de production (des années 1930 à nos jours, en Europe, mais aussi aux États-Unis), leurs objectifs (qu’il s’agisse de donner accès au roman à un public qui n’y serait pas venu naturellement en transposant sagement le récit en images, ou de proposer une relecture originale et personnelle), ou leurs styles graphiques (d’un réalisme très classique à des recherches graphiques plus originales).

Si le roman de Stevenson a un fort potentiel visuel, la transposition en bande dessinée n’est pas pour autant chose aisée. La bande dessinée a à sa disposition divers procédés qui permettent de passer d’un medium uniquement textuel à un medium hybride, composé de textes et d’images. L’entreprise d’adaptation s’apparente à bien des égards à celle de traduction, à ceci près que la langue d’arrivée est le langage de la bande dessinée, fait de choix de mises en page et de cadrages, de couleurs et de symboles.

Remarquons tout d’abord que si le passage du roman à la bande dessinée conduit souvent à une réduction de la pagination, le volume des adaptations est très hétérogène : les adaptations en plusieurs volumes comme celles de Chauvel et Simon ou de Sébastien Vastra sont assez rares. Le plus souvent, l’adaptation tient en un album one-shot de 48 pages, quand ce n’est pas un fascicule d’une trentaine de pages comme les adaptations de John Ushler ou de Cerón. On remarque que ce sont surtout les adaptations les plus anciennes qui offrent le nombre de pages le plus faible, notamment parce que les contraintes liées au coût du papier dans les années 1930 à 1950 obligeaient les revues de bande dessinée à une pagination réduite. Une telle réduction de volume conduit nécessairement à des choix. Dans son ouvrage consacré à l’intertextualité, Gérard Genette27 distingue deux types de réduction : l’expurgation (supprimer les scènes jugées non indispensables) et la concision (abréger un texte, le contracter). Dans nombre des adaptations de L’Île au trésor, certains épisodes sont effectivement supprimés, car jugés facultatifs à la compréhension du récit : la scène où Jim et sa mère vont au village chercher de l’aide avant l’attaque des pirates mais reviennent bredouilles, ou l’errance en mer de Jim après avoir coupé les amarres de l’Hispaniola, et avant de parvenir à se hisser sur le bateau. Chez John Ushler, les premières pages du roman sont tronquées : lorsque le récit commence, Bones est déjà un client habitué de l’hôtel, ce qui permet d’économiser quelques pages. Parfois, les auteurs font le choix de conserver les différents épisodes, mais adoptent un rythme soutenu, comme chez Woehrel et Lemoine, qui se permettent de légers arrangements avec l’intrigue afin de gagner en rapidité : par exemple, lors de la venue de Chien Noir à l’auberge, le docteur est déjà à l’étage pour soigner le père de Jim, ce qui lui permettra d’être sur place pour s’occuper de Bones. Les auteurs et éditeurs ayant opté pour une adaptation en plusieurs volumes ont refusé de faire ce genre de choix et d’arrangements. Ainsi, l’adaptation de Chauvel et Simon est très exhaustive. On le voit par exemple dans cette scène où Jim, comme dans le roman, décrit le fortin, son intérieur, la source, le foyer, avec une vignette s’attardant sur chacun de ces éléments. Le rythme du roman est respecté, faisait alterner moments de tension et moments de relâchement. Ces comparaisons sont révélatrices des différences de conception de l’adaptation, entre celles qui cherchent à donner au lecteur un aperçu de l’œuvre, même succinct, et celles qui s’illustrent par leur grande fidélité. Par ailleurs, les différentes adaptations utilisent de manière variée les instruments de la bande dessinée : la mise en séquence des planches, la symbolique des couleurs, tout comme la composition des vignettes font l’objet de traitements variés, oscillant entre traditionalisme et prise de risque. On peut observer des similitudes entre les adaptations dans les choix de mise en page, de colorisation, de composition, mais également des choix très divers suivant les époques de réalisation ou l’ambition des auteurs, qui vont influencer la manière dont le lecteur perçoit le récit. À partir d’un même roman, l’éventail de possibilités au moment du passage à l’image est frappant. Transposer un texte en un récit graphique n’a rien de mécanique, et chaque parti pris est personnel, même s’il subit l’influence du roman et des mises en images précédentes.

Si les éléments précédemment évoqués – composition, couleurs… – rapprochent la bande dessinée des autres arts graphiques, notamment la peinture, le neuvième art est également caractérisé par la présence de texte. Depuis ses débuts et sa définition par Rodolphe Töpffer en 1837, la bande dessinée est définie par son caractère hybride : « Ce livre est d’une nature mixte. […] Les dessins, sans ce texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien28 ». La bande dessinée forme un langage cohérent par l’alliance du visuel et du verbal, de l’image et du texte. On peut donc se demander quelle place est réservée au texte du roman dans le cas des adaptations de L’Île au trésor en bande dessinée. Dans le cadre d’une adaptation, la tutelle du texte est souvent assumée, puisqu’il sert de point de départ à la bande dessinée. Le texte originel est donc omniprésent, qu’il soit traduit en dessin, reproduit dans des récitatifs ou distribué aux personnages dans des phylactères. Ces derniers, les fameuses « bulles » si indissociables de la bande dessinée, ne font pourtant leur apparition que tardivement, dans les années 1920, et peineront à s’imposer : longtemps, c’est le texte en légende du dessin qui prévaut, et les premiers « illustrés » ne mélangent pas texte et image. Par la suite, les bulles auront tendance à envahir l’image, la jeune bande dessinée cherchant souvent une caution littéraire en faisant une place excessive au texte. Ainsi, dans l’adaptation de Robert Bugg, la présence importante de dialogues a tendance à nuire au réalisme, comme lorsque les personnages se mettent à discourir en se battant, dans un dialogue inventé de toutes pièces (« The cabin boy, with a cutlass! Prop it, or I’ll split ye open like a herring! – Not without a fight, Job Anderson29! »). Dans les bandes dessinées récentes, l’utilisation des bulles est plus minimaliste, évitant les redondances entre les textes et les images. Cependant, les auteurs peuvent créer des effets de style, comme pour la logorrhée interminable de Desnos dans la transposition de Stassen et Venayre.

Jean-Philippe Stassen et Sylvain Venayre, L’Île au trésor, Paris, Futuropolis, 2012, p. 11. La reproduction d’extraits de l’œuvre à des fins de recherche et de critique est un usage équitable prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Tous les droits appartiennent aux auteurs et aux éditions Futuropolis.

Il s’agit de la traduction du passage où Bones demande à Jim de monter la garde et de veiller à l’arrivée d’un boiteux. Dans l’adaptation, le flot de parole semble interminable, ininterrompu, bien plus important que dans le roman où les mots de Bones ne sont même pas retranscrits au discours direct. Dans l’album, les bulles sont à l’image du contenu, occupant une place disproportionnée par rapport à la taille de la case, envahissant l’espace, étouffant le décor, associées à des plans de plus en plus rapprochés sur le visage du personnage. Il s’agit d’une exception, car, le plus souvent, dans les adaptations, les bulles sont une sorte de version abrégée des dialogues du roman. Elles peuvent également contenir les réflexions du personnage-narrateur, racontées au discours direct dans le roman, comme chez Faure et Corteggiani, où les mots de Jim, « Je vous assure que j’étais tout à fait de l’avis du seigneur et que j’exécrais profondément le capitaine30 » sont transposés dans une bulle de pensée, « Quel sale type !… Le chevalier a bien raison de ne pas l’aimer31 ! » dans une habile transposition du style écrit des mémoires au style oral d’un adolescent.

Les récitatifs permettent d’exprimer ce qui ne peut pas être retranscrit dans les bulles ni exprimé grâce au dessin. Ces textes narratifs placés dans des bandeaux en haut des cases fonctionnent comme la voix off au cinéma, et font entendre la voix du narrateur. Dans les adaptations les plus anciennes, les récitatifs occupent une place importante, allant jusqu’à décrire la scène présentée dans l’image, comme dans les « illustrés » de la préhistoire de la bande dessinée32. Ces textes conséquents offraient également une sorte de caution littéraire à la bande dessinée, comme le préconisent les recommandations pratiques pour faire appliquer la loi de 1949 sur les « publications destinées à la jeunesse » : « Faire précéder ou suivre le “ballon”, le plus souvent possible, d’un texte explicatif ou descriptif, afin de donner à l’enfant le goût de la lecture33. » Les récitatifs se font plus discrets dans les adaptations les plus récentes (ainsi, ils sont presque totalement absents de la réécriture de Stassen et Venayre), mais il faut reconnaître que l’exercice de l’adaptation se prête à leur utilisation, les auteurs ayant tendance à vouloir faire entendre les mots de Stevenson. Chez Chauvel et Simon par exemple, le volume textuel est partagé presque équitablement entre bulles et récitatifs. Ces derniers fonctionnent comme une sorte de condensé des mots du roman. C’est le cas pour la description du navire dans la baie au chapitre XII :

Derrière moi, il y avait la mer, et devant, le mouillage. La brise de mer était déjà retombée, à croire que sa violence inhabituelle l’avait comme épuisée ; un léger vent instable, du sud, sud-est, lui avait succédé, amenant d’épaisses nappes de brouillard. Le mouillage, abrité du vent par l’île du Squelette, était lisse et couleur de plomb, comme lors de notre arrivée. Dans ce miroir inviolé, l’Hispaniola se reflétait exactement, de la pointe des mâts à la ligne de flottaison, sans oublier le drapeau à tête de mort pendant au pic de brigantine34.

Ce passage devient : « La brise de mer était déjà tombée et la baie était lisse et plate, comme au jour de notre arrivée. L’Hispaniola se reflétait depuis le haut de son mât jusqu’à sa ligne de flottaison, pavillon noir compris35. »

Malgré le résumé, on est frappé de la fidélité au sens et au style, notamment dans la reprise de certaines expressions. Cependant, le texte descriptif n’est-il pas superflu dans la mesure où il accompagne une image qui retranscrit avec une grande précision la description du roman ? N’est-ce pas nier la spécificité de la bande dessinée, c’est-à-dire la narration par l’image, que d’utiliser des récitatifs redondants par rapport au dessin ? Pourtant, le récitatif est un outil qui peut s’avérer très utile : explicitation des liens entre vignettes, évocation d’éléments non visuels (pensées, sentiments, bruits, odeurs…), rôle méta-discursif, contextualisation, retour en arrière… Ainsi, à la fin de l’adaptation de Chauvel et Simon, un long récitatif permet au lecteur et au personnage de prendre connaissance de ce qui s’est passé en l’absence de Jim. Les auteurs auraient pu placer ce récit dans des bulles dans la mesure où c’est le docteur qui le raconte à Jim, mais le choix de conserver le discours direct, comme dans le roman, permet de continuer de faire avancer la narration, puisque l’image, sans lien avec le récitatif, montre les personnages dans leur progression sur l’île.

David Chauvel et Fred Simon, L’Île au trésor, Paris, Delcourt, 2008, (« Ex-libris »), nº 2, p. 44. La reproduction d’extraits de l’œuvre à des fins de recherche et de critique est un usage équitable prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Tous les droits appartiennent aux auteurs et aux éditions Delcourt.
David Chauvel et Fred Simon, L’Île au trésor, Paris, Delcourt, 2009, (« Ex-libris »), nº 3, p. 41. La reproduction d’extraits de l’œuvre à des fins de recherche et de critique est un usage équitable prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Tous les droits appartiennent aux auteurs et aux éditions Delcourt.

De plus, L’Île au trésor étant raconté à la première personne, le texte donne à lire les réflexions de Jim, qu’il serait malaisé de traduire uniquement par des bulles de pensée et qui trouvent naturellement leur place dans des récitatifs. Mentionnons également le travail de Sébastien Vastra, qui dans Jim Hawkins, ne cherche absolument pas à restituer le texte de Stevenson, mais est constamment dans la reformulation, comme dans cette évocation des journées de Bones à l’auberge :

Il passait ses journées à traîner autour de la crique ou sur les falaises, muni d’une longue-vue de cuivre […]. Chaque jour, au retour de sa promenade, il nous demandait s’il était passé quelque marin sur la route. Nous crûmes d’abord qu’il posait la question parce que la compagnie de ses semblables lui manquait, mais nous finîmes par comprendre qu’il était plutôt désireux de la fuir39.

Les mots du roman deviennent chez Vastra :

Les jours suivants, il prit l’habitude de marcher au bord de la falaise, sa longue-vue en cuivre sous le bras.

Il errait ainsi durant des heures en observant les bateaux passer l’horizon.

À l’évidence il attendait la venue de quelqu’un, ou plutôt la redoutait-il.

Il scrutait la mer avec l’angoisse qu’émerge des profondeurs je ne sais quel fantôme du passé40.

Les récitatifs de Vastra, tout comme ses dialogues, sont sur le fil entre respect du texte et réappropriation. On observe quelque chose de similaire dans l’adaptation modernisée de Stassen et Venayre. On y trouve peu de récitatifs, et si les dialogues respectent le sens du texte, la forme est modifiée pour l’adapter au nouveau contexte donné au récit.

On aurait pu penser que le passage du roman à la bande dessinée se traduirait par un effacement du texte au profit de l’image. Or la plupart de nos adaptations se distinguent par une forte présence du texte originel dans les récitatifs. Les dialogues sont souvent synthétisés, mais les albums qui en proposent une réécriture font figure d’exception. On peut y voir le signe de la tutelle toujours présente de l’œuvre source sur des albums qui revendiquent leur statut d’adaptation.

Conclusion

On ne peut qu’être frappé par le nombre très important de transpositions en images de L’Île au trésor, qui a connu des dizaines de versions illustrées, d’adaptations au cinéma et en bande dessinée. Ce nombre de mises en images surpasse celui d’autres romans d’aventures pour la jeunesse du XIXe siècle – genre qui voit pourtant fleurir les illustrations en accompagnement de la narration. Ce goût des media de l’image pour le roman de Stevenson s’explique en partie par l’utilisation très consciente des images dans l’écriture de l’écrivain écossais. C’est bien un élément iconographique, la carte, qui est le point de départ de la narration. De plus, au cours de la narration, les mots de l’auteur cherchent constamment à faire surgir des images chez les lecteurs. Finalement, transposer L’Île au trésor au cinéma ou en bande dessinée, c’est passer d’une narration qui fait surgir des images à des images qui créent de la narration. Cependant, dans le cas de L’Île au trésor, il ne s’agit pas d’un simple lien binaire entre œuvre source et œuvre cible : l’adaptant doit composer avec une constellation de mises en images qui l’ont précédé. Nous nous sommes particulièrement intéressés aux transpositions en bande dessinée, pour voir comment l’on passe d’un medium textuel à un medium hybride, composé de textes et d’images. Il s’agissait de se demander ce qui restait du texte du roman, une fois mis en images. On note tout d’abord une certaine réduction du volume, entre les quelque 200 pages du roman, et les albums de bande dessinée, peut-être parce que, comme le dit l’adage, une image vaut mille mots. Toutefois, la bande dessinée n’est pas qu’image. On a pu remarquer que le texte occupait toujours une grande place, que ce soit dans les bulles ou dans les récitatifs, ce qui laisse à penser que dans le cas d’une adaptation, les auteurs de bande dessinée ont tendance à vouloir faire lire le texte original à leurs lecteurs. Cependant, dans certaines adaptations, le texte est davantage traduit en images, voire reformulé, dans une entreprise de réappropriation qui dépasse la démarche du simple « classique illustré » et de la transposition, pour aller vers des œuvres plus personnelles, comme le Jim Hawkins de Sébastien Vastra, où l’auteur n’hésite pas à inventer des épisodes, à en réécrire d’autres, pour proposer sa vision de l’histoire. De plus, l’adaptation n’est pas le seul exemple de la postérité de L’Île au trésor en bande dessinée. Le roman a en effet connu une autre vie dans le neuvième art, avec des suites imaginant le devenir des personnages, ou des réécritures transposant son intrigue dans un autre univers : la bande dessinée affranchit alors le récit de la tutelle du texte originel, et l’ouvre à d’autres publics.

Corpus chronologique des adaptations de L’Île au trésor en bande dessinée

1936 :

– ELVEN, Sven, Treasure Island, New Fun Comics, DC Comics, août 1935 à juillet 1936 (inachevé).

1942 :

– BUGG, Robert, Treasure Island, coll. « Famous Stories », nº 1, Western Publishing, 1942.

1945 :

– HUBBARD, Mike et CLARKE, Percy, Treasure Island, Knockout (nº 333 à 350), UK Comic Books, juillet 1945 à novembre 1945.

1946 :

– JACKSON, Peter, L’Île au trésor, Spirou magazine nº 565 à 606, Dupuis, 1949 [1946 Sydney Morning Herald].

1947 :

– TEZUKA, Osamu, Shin Takarajima, Paris, Isan Manga, 2014 [1947].

1949 :

– BLUM, Alex A., L’île au trésor, Mondial aventures, coll. « Les plus grands auteurs d’aventure du monde », Société Parisienne d’Édition, janvier 1954 [1949 Classics Illustrated].

1951 :

– MENDOZA, Philip, Treasure Island, Thriller Comics Library nº 3, UK Comic Books, 1951.

1955 :

– USHLER, John, Treasure Island, USA, Dell Four Comics and Walt Disney Studio, 1955.

1956 :

– Anonyme, Long John Silver and the Pirates, nº 30 à 32, Charlton Comics, août 1956 à mars 1957.

1965 :

– PRATT, Hugo et MILANI, Mino, L’Île au trésor, Paris, Casterman, 2010 [1965 Corriere dei Picoli].

1966 :

– BUTTERWORTH, Mike et MILLAR WATT, John, Treasure Island, United Kingdom, Bear Alley Books, 2013 [1965 Ranger].

1967 :

– CERÓN Alfonso et VIDAL SALES, José Antonio, La Isla del tesoro, El País, coll. « Joyas literarias juveniles », Madrid, 2010 [1967].

1973 :

– DE LA FUENTE, Ramón, L’Île au Trésor, Paris, Fernand Nathan, 1980 [1973].

1976 :

– NINO, L’Île au trésor, Paris, M.C.L., 1976.

– MANTLO, Bill et CASTRILLO, Dino, Treasure Island, USA, Marvel Classics Comics, 1976.

1982 :

– DE LA FUENTE, Chiqui et SORIA, Carlos R., L’Île au trésor, Paris, Larousse, 1982.

1991 :

– FAURE, Michel et CORTEGGIANI, François, L’Île au Trésor, Paris, Dargaud, 1991.

1995 :

– MEDDOUR, Fabrice, Hispañola, 4 tomes, Paris, Vents d’ouest, 1995 à 2000.

1998 :

– BRAVO, Émile, L’Île au trésor, Je Bouquine, nº 173 et 174, Paris, Bayard Presse, juillet et août 1998.

2005 :

– HAMILTON, Tim, Treasure Island, United Kingdom, Puffin Books, 2005.

2006 :

– COLEMAN, Wim et PERRIN, Pat, Treasure Island, Minnesota, Stone Arch Books, 2006.

– GELEV, Penko et MACDONALD, Fiona, Treasure Island, Manchester, Book House, Salariya Book Company, 2006.

2007 :

– CHAUVEL, David et SIMON, Fred, L’Île au Trésor, 3 tomes, Paris, Delcourt, coll. « Ex-libris », 2007 à 2009.

– DORISON, Xavier et LAUFFRAY, Mathieu, Long John Silver, 4 tomes, Paris, Dargaud, 2007 à 2013.

– BERTHO, Pascal et MCBURNIE, Tim, Sept Pirates, Paris, Delcourt, coll. « Sept », 2007.

2008 :

– GULLY, Mario et THOMAS, Roy, Treasure Island, Marvel, coll. « Marvel Illustrated », 2008.

– LEMOINE, Christophe et WOEHREL, Jean-Marie, L’Île au trésor, Paris, Glénat, coll. « Les Incontournables de la littérature en BD », 2010 [2008, Adonis éditions].

2010 :

– HARRAR, Andrew et KOHLRUS, Richard, Treasure Island, India, Campfire, 2010.

2012 :

– STASSEN, Jean-Philippe et VENAYRE, Sylvain, L’Île au trésor, Paris, Futuropolis, 2012.

2014 :

– RADICE, Teresa et TURCONI, Stefano, L’Isola del Tesoro, Firenze, Panini Comics, 2014.

2015 :

– VASTRA, Sébastien, Jim Hawkins, 3 tomes, Paris, Ankama Éditions, 2015 à 2021.

2019 :

– BACHELIER, Benjamin et D’ALMEIDA, Aurélien, L’Île au trésor, Paris, Casterman, 2019.

Images : Tous droits réservés. Remerciements aux éditions Delcourt et Futuropolis pour leur aimable autorisation de reproduction d’images.

Bibliographie

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BUTTERWORTH, Mike et MILLAR WATT, John, Treasure Island, Bear Alley Books, 2013.

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CHAUVEL, David et SIMON, Fred, L’Île au trésor, Paris, Delcourt, 2008, (« Ex-libris »), nº 2.

CHAUVEL, David et SIMON, Fred, L’Île au trésor, Paris, Delcourt, 2009, (« Ex-libris »), nº 3.

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  1. Thierry Groensteen, « La Transécriture : le processus adaptatif (tentative de récapitulation raisonnée) », in André Gaudreault, Thierry Groensteen, (éds.), La transécriture. Pour une théorie de l’adaptation, Québec, Nota bene, 1998, (« Colloque de Cerisy »), p. 276.↩︎

  2. Benoît Berthou, « Médiation, figuration, traduction : trois conceptions de l’adaptation d’œuvres littéraires en bande dessinée », in Benoît Mitaine, David Roche, Isabelle Schmitt-Pitiot (éds.), Bande dessinée et adaptation : littérature, cinéma, TV, Presses universitaires Blaise Pascal, 2015, p. 67.↩︎

  3. Apparu en Angleterre au milieu du XIXe siècle avant de gagner l’Europe entière, il s’agit d’un petit théâtre de table, avec des figurines de papier à découper et colorier soi-même, afin de reproduire les grands classiques du théâtre, mais aussi des romans d’aventure ou des contes pour enfants.↩︎

  4. Robert-Louis Stevenson, Essais sur l’art de la fiction, Trad. France-Marie Watkins et Michel Le Bris, Paris, Payot, 1992, p. 67.↩︎

  5. Ibidem, p. 302.↩︎

  6. Michel Le Bris, L’esprit d’aventure. N. C. Wyeth, Paris, Hoëbeke, 2008, p. 71.↩︎

  7. Michel Le Bris, « Préface », in Hippolyte, Le Maître de Ballantrae, Paris, Denoël Graphic, 2006, p. 7.↩︎

  8. Robert Newton reprendra également son rôle de Silver dans une série télévisée, The Adventures of Long John Silver, diffusée jusqu’en 1957.↩︎

  9. Robert-Louis Stevenson, op. cit., p. 325‑326.↩︎

  10. Sylvain Venayre, Rêves d’aventures. 1800-1940, Paris, La Martinière, 2006, p. 61.↩︎

  11. Sally Bushell, « Mapping Victorian Adventure Fiction: Silences, Doublings, and the Ur-Map in Treasure Island and King Solomon’s Mines », Victorian Studies, Vol. 57 / 4, 2015, p. 611‑637.↩︎

  12. Jules Verne, L’Île mystérieuse, Paris, Le Livre de Poche, 2002, p. 268.↩︎

  13. Robert Louis Stevenson, « L’Île au trésor », in Œuvres I, Trad. Marc Porée, Paris, Gallimard, 2001, (« Bibliothèque de la Pléiade »), p. 491.↩︎

  14. Ibidem.↩︎

  15. Robert-Louis Stevenson, op. cit., p. 210.↩︎

  16. Ibidem.↩︎

  17. Robert Louis Stevenson, op. cit., p. 532.↩︎

  18. Jean-Yves Tadié, Le roman d’aventures, Paris, Presses universitaires de France, 1982, p. 118.↩︎

  19. Robert Louis Stevenson, op. cit., p. 509.↩︎

  20. Ibidem, p. 506.↩︎

  21. Ibidem, p. 512.↩︎

  22. « Les ombres formidables de John Silver, de Billy Bones, de Chien Noir se glissaient hors des pages que je tournais en tremblant, sous les toiles d’araignée luisaient les pièces de huit et la peur me coupait bras et jambes quand les pirates aux yeux fous, couteaux entre les dents déferlaient par-dessus la palissade du fortin. » (Michel Le Bris, op. cit., p. 4).↩︎

  23. « I first met all of them in the 1950 Walt Disney film version of Robert Louis Stevenson’s Treasure Island, well over half a century ago, when it first played on the big silver screen. For me, the one-legged pirate will always look, in my mind’s eye, like actor Robert Newton… and Bobby Driscoll will always seem the personification of young Jim », « Je les ai tous rencontrés pour la première fois dans l’adaptation cinématographique de Walt Disney en 1950 de Treasure Island de Robert Louis Stevenson, il y a bien plus d’un demi-siècle, lors de sa première diffusion sur grand écran. Pour moi, le pirate à une jambe ressemblera toujours, dans mon esprit, à l’acteur Robert Newton… et Bobby Driscoll apparaîtra toujours comme la personnification du jeune Jim » (je traduis), (Roy Thomas, « A Personal Introduction by Roy Thomas », in Mario Gully. Treasure Island, New York, Marvel, 2008, « Marvel Illustrated », p. 4‑5).↩︎

  24. Xavier Dorison et Mathieu Lauffray, Long John Silver. Lady Vivian Hastings, Paris, Dargaud, 2007, p. 19.↩︎

  25. Robert Louis Stevenson, op. cit., p. 495.↩︎

  26. Concernant les influences mutuelles entre les différentes adaptations visuelles de L’Île au trésor, et le physique donné à Jim et à Silver, nous vous invitons à lire : Richard J. Hill et Laura Eidam, « From Braemar to Hollywood: The American Appropriation of Robert Louis Stevenson’s Pirates », Humanities, Vol. 9 / 10, 2020, p. 1‑14 et Marie Enriquez, « L’Île au trésor : histoires d’échanges entre les adaptations cinématographiques et en bande dessinée du roman de Stevenson », Transcr(é)ation, mars 2023.↩︎

  27. Gérard Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982, (« Poétique »).↩︎

  28. Rodolphe Töpffer, « Les maîtres de la bande dessinée européenne », À suivre, nº 230, 2000.↩︎

  29. « Le garçon de cabine, avec un couteau ! Lâche-le, ou je te fends comme un hareng ! – Pas sans combattre, Job Anderson ! » (je traduis), (Robert Bugg, Treasure Island, Racine, Western Publishing, 1942, [« Famous Stories »], nº 1, p. 30).↩︎

  30. Robert Louis Stevenson, op. cit., p. 542.↩︎

  31. Michel Faure et François Corteggiani, L’Île au trésor, Paris, Dargaud, 1991, p. 16.↩︎

  32. Il est d’ailleurs surprenant de trouver des exemples récents de cette pratique. C’est notamment le cas de l’adaptation de Gelev et Macdonald, parue en 2006.↩︎

  33. Compte-rendu de 1950 sur la loi de 1949 sur les « publications destinées à la jeunesse », cité par Pierre Michel, La bande dessinée, Paris, Larousse, 1976.↩︎

  34. Robert Louis Stevenson, op. cit., p. 607.↩︎

  35. David Chauvel et Fred Simon, L’Île au trésor, Paris, Delcourt, 2008, (« Ex-libris »), nº 2, p. 44.↩︎

  36. Robert Louis Stevenson, op. cit., p. 494.↩︎

  37. Sébastien Vastra, Jim Hawkins. Le Testament de Flint, t. 1, Roubaix, Ankama, 2009, p. 10.↩︎


Marie Enriquez est enseignante agrégée de Lettres Modernes dans le secondaire, docteure en Littérature Comparée, chercheuse et membre associée du 3.LAM de l’Université d’Angers. Elle a soutenu fin 2020 une thèse intitulée Nouvelles îles au trésor : postérité du roman de Stevenson dans l’univers de la bande dessinée. Elle consacre actuellement ses travaux de recherche aux genres du roman d’aventure et de la bande dessinée, et aux notions de réécriture, adaptation, intertextualité et intermédialité.

 

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