Emily Gula, 3e cycle, Université McMaster
Résumé : Le roman Bonheur d’occasion (1945) de Gabrielle Roy dépeint la situation politique au Québec pendant la Deuxième Guerre mondiale ainsi que les épreuves individuelles qui affligent les membres de la famille Lacasse et leur entourage. Les protagonistes Florentine Lacasse et Jean Lévesque résistent aux valeurs traditionnelles et favorisent l’ambition et leurs propres objectifs aux dépens des autres personnages. Ils agissent donc en faveur d’eux-mêmes, et leur désir de s’échapper de leur condition actuelle les pousse à faire des choix moralement discutables. Cependant, le lectorat parvient à sympathiser avec Florentine et Jean en dépit de leur faillibilité. Dans cet article, nous constatons que l’accès continuel aux pensées intimes au cours de la lecture permet la compréhension des motivations, des décisions et des actions de ces personnages. L’interaction entre les facteurs synthétiques, mimétiques et thématiques (James Phelan) construit des personnages quasi réalistes avec qui le lectorat peut établir une relation affective. La représentation textuelle de l’intériorité et de la souffrance humaine peut expliquer pourquoi Florentine et Jean, des personnages dits ambivalents, incitent toutefois un·e lecteur·ice à la sympathie.
Introduction
En tant que roman de mœurs urbaines qui représente la réalité sans ambages, Bonheur d’occasion (1945) de Gabrielle Roy dépeint vivement les misères de la famille Lacasse ainsi que les conséquences de la guerre, avec la culture québécoise de l’époque comme toile de fond. En ce sens, c’est à la fois une œuvre d’émotions et une œuvre d’idées1, dans laquelle Roy traite des épreuves qui affligent intimement ses personnages. Selon Gilles Marcotte, les personnages « sur l’axe de la transition [sociale]2 » créent l’effet de réalisme. Il décrit le réalisme comme étant « une réponse [polémique] à quelque provocation de l’Histoire3 » ou bien une « abolition souhaitée de l’écran verbal entre le récit et la vie4 ». Effectivement, ces deux définitions reconnaissent l’intégration des événements historiques ou des perspectives idéologiques lors de la création littéraire. À l’égard de Bonheur d’occasion, la frontière vague entre récit et réalité de même que la complexité des personnages sont en grande partie ce qui a séduit le lectorat contemporain et continue à séduire celui de nos jours. Dans l’ensemble, Roy construit des « êtres vivants et variés5 » que le lectorat parvient à évaluer sur le plan éthique ou émotif. Si l’écriture intimiste crée un rapprochement affectif au récit6, il faut considérer que la lecture devient un processus actif où les lecteur·ice·s joignent leurs propres jugements et expériences à l’interprétation du texte.
En comparaison des héros et des héroïnes précédent·e·s de la littérature québécoise, qui représentent pour la plupart des modèles romanesques à suivre pour assurer le bonheur des paysan·ne·s canadien·ne·s-français·e·s, Florentine Lacasse et Jean Lévesque sont prêt·e·s à tout faire pour atteindre leurs propres objectifs. Même à l’intérieur de l’œuvre, on peut les distinguer de Rose-Anna, la mère honnête et loyale qui se sacrifie pour sa famille, et d’Emmanuel, l’incarnation de « l’humanisme7 », car les portraits de Florentine et de Jean s’éloignent de ces modèles moraux. Il est davantage possible de poser des jugements sur le jeune couple si on reconnaît leur statut ambivalent. Les deux s’avèrent égoïstes et ambitieux·e·s, souvent au détriment des autres personnages qui les entourent. En particulier, l’abandon de Florentine par Jean et la manipulation d’Emmanuel par Florentine les séparent des héros traditionnels qui cherchent le bonheur collectif au lieu d’un bonheur individuel. Malgré leurs choix moralement discutables, il est possible de dire que « le personnage autonome, doué d’une existence propre, est aussi, paradoxalement, celui dont on peut se sentir le plus proche8 ». Ce type de personnage provoque des réactions variables chez un lectorat, et il faut toutefois admettre la possibilité d’une réception négative concernant leur comportement. Cependant, Florentine et Jean sont des personnages multidimensionnels non restreints par une éthique prédéterminée. Ils sont donc, selon Isabelle Daunais, « libre[s] de ne pas être adéquat[s]9 ». Au fil de la lecture, la représentation textuelle de l’intériorité de ces personnages imparfaits cherche à faire comprendre leurs actions et leurs motivations. Ainsi, la question qui dirige le présent article est la suivante : quels facteurs construisent la relation intime entre lectorat et personnage en vue de susciter la sympathie envers Florentine et Jean, en dépit de leurs défauts ?
La théorie de l’esprit et la catégorisation des personnages
Dans le domaine de la psychologie, la théorie de l’esprit (ou theory of mind) est une habileté cognitive-sociale qui nous permet de comprendre la mentalité d’autrui, soit de « lire dans ses pensées ». Cette aptitude décrit le processus d’attribuer un état mental à quelqu’un pour expliquer son comportement en termes de ses croyances, de ses émotions et de ses désirs10. Lors de la lecture, la théorie de l’esprit est en partie responsable de notre capacité d’interpréter l’état mental d’un personnage afin de prédire ses actions éventuelles et de donner un sens au texte11. Pour comprendre les personnages de fiction, le lectorat doit d’abord constituer une représentation mentale de ceux-ci12. Cela nous amène à leur attribuer des caractéristiques, à comprendre leur comportement, à formuler des attentes et à réagir sur le plan affectif13. Dans Bonheur d’occasion, lorsque Florentine achète à sa mère un repas cher au restaurant, la transparence de ses pensées permet au lectorat de lire son état mental pour ensuite expliquer son comportement et porter un jugement :
Elle avait aidé sa mère jusque-là par un sentiment de justice, de fierté, mais sans douceur à vrai dire, et parfois même en se croyant lésée. Pour la première fois de sa vie, elle goûta un instant de paix à songer qu’elle ne s’était pas montrée mesquine envers les siens […]. Et, soudain, elle comprit pourquoi ce désir inaccoutumé […] ; c’est qu’elle apercevait la vie de sa mère comme un long voyage gris, terne, que jamais elle, Florentine, n’accomplirait […] ; ainsi elle s’aperçut au même moment qu’elle aimait sa mère14.
Ce passage démontre que le comportement externe de Florentine ne provient pas de la simple générosité, mais qu’il est plutôt fondé sur une juxtaposition de la réticence et de l’obligation. La compréhension de l’esprit d’un personnage est une interaction complexe qui comporte les informations que le texte révèle et les connaissances du monde réel, soit les facteurs ascendants (bottom-up) et descendants (top-down), des concepts empruntés de la psychologie cognitive15. Dans le contexte de Bonheur d’occasion, un facteur ascendant pourrait être la perspective narrative du récit, alors que la connaissance de la situation politique au Québec en 1945 serait un facteur descendant. La capacité à sympathiser avec les personnages de fiction repose ainsi sur une combinaison d’éléments inhérents à la fiction et d’autres liés aux expériences vécues d’un·e lecteur·ice ou d’une époque particulière. Certain·e·s chercheur·euse·s font appel aux notions de la cognition sociale pour expliquer comment les lecteur·ice·s réagissent aux personnages de fiction comme s’ils étaient des êtres de chair et de sang, mais les techniques narratives influencent également l’engagement du lectorat16.
Dans son livre Reading People, Reading Plots (1989), James Phelan propose que la théorisation des personnages de fiction incorpore trois composants : mimétique, thématique et synthétique. L’aspect mimétique conçoit la quasi-humanité d’un personnage, comme si une vraie personne figurait dans le récit. L’aspect thématique est souvent lié à une idée plus large de l’œuvre ; par exemple, un personnage qui sert à la représentation d’une valeur sociétale. L’aspect synthétique considère que le personnage équivaut à un objet textuel, uniquement une création littéraire de l’auteur·ice17. L’analyse synthétique est une approche structuraliste qui se concentre plutôt sur la construction du récit, alors que l’analyse mimétique met de l’avant sa fonction communicative. Le thématique ressort du mimétique quand les attributs et les actions d’un tel personnage démontrent une idée qui s’étend à la totalité de l’œuvre ou du commentaire social18. L’écriture intimiste de Roy se prête à une construction synthétique des personnages et de leurs états mentaux, et le récit affirme également une fonction mimétique et thématique parce que les personnages partagent des désirs et des traits semblables aux vraies personnes. Il est donc clair que les personnages de Roy sont des figures indépendantes et réalistes qui représentent l’évolution sociale de l’époque, comme l’ambition de Jean Lévesque et son intériorisation des nouvelles valeurs19 et la ténacité de Florentine Lacasse prise « dans un système de valeurs qu’elle respecte et défie à la fois20 ». Bien entendu, les personnages peuvent invoquer les trois fonctions à différentes reprises21 : chacune contribue alors au lien entre lectorat et personnage, et mène à une compréhension globale de sa psychologie.
Comme c’est le cas dans la pensée de Phelan, la compréhension d’un personnage revient sur deux principaux facteurs : l’expérience réelle que les lecteur·ice·s apportent au texte ainsi que les éléments textuels qui les persuadent de ressentir certaines émotions. Nous avançons que la représentation narrative de la conscience des personnages et la description des conditions misérables du quartier de Saint-Henri contribuent à la relation affective entre lectorat et personnage dans Bonheur d’occasion. L’accès aux pensées intimes de Florentine et de Jean ainsi que la caractérisation réaliste ou mimétique qui en résulte offrent la possibilité de sympathiser avec eux, peu importe leurs défauts et les conséquences éventuelles de leurs choix. Afin de montrer la façon dont les éléments synthétiques, mimétiques et thématiques entrent en jeu dans le récit, nous commenterons d’abord l’intimité de la narration et la construction de l’esprit fictif, nous étudierons par la suite dans quels sens les personnages de Jean et de Florentine sont imitatif·ve·s des êtres humains, puis nous déterminerons quelles sont les implications thématiques dans un roman qui représente habilement la pauvreté et la transformation sociale au Québec. Enfin, il faut noter que la réception de Bonheur d’occasion a suivi historiquement l’idéologie dominante de chaque époque22 et qu’à partir de 1980, les études critiques « ont renouvelé les questionnements sur l’éthique et le politique et sur le sujet intime et social23 », y compris le paradigme identitaire et les perspectives féministes24. Notre analyse apportera surtout une réflexion sur les réactions possibles d’un public actuel et une application des théories critiques récentes.
La construction synthétique de l’esprit fictif
La focalisation, la narration homodiégétique, le discours rapporté et le discours indirect libre sont des techniques narratives qui diminuent la distance esthétique entre le lectorat et le texte25. De cette façon, il est plus probable de sympathiser avec un personnage grâce à un accès transparent aux informations sur leur vie, leurs motivations et leurs soucis, même si ce personnage est jugé antipathique26. Dans son étude critique, Gerald Mead remarque que plusieurs chapitres de Bonheur d’occasion s’attardent sur les pensées et réflexions des personnages focalisés au lieu de propulser l’intrigue27. Par exemple, après la soirée que Jean passe avec Florentine, un chapitre entier est consacré au partage de sa conscience, où il « march[e] au hasard, saisi de haine contre lui-même » (BD, 239) en réfléchissant à son attitude vis-à-vis de Florentine et à sa décision de partir. Un autre chapitre décrit les pensées de Florentine à la découverte de sa grossesse, errant dans le quartier, « accablée par son malheur, éperdue de crainte » (BD, 284). Ce procédé narratif qui favorise l’introspection révèle la psychologie des personnages et les raisons pour lesquelles ils agissent d’une manière ou d’une autre. À cet égard, le roman de Roy se repose sur des techniques narratives qui soutiennent une plus grande proximité afin de présenter aux lecteur·ice·s les pensées intimes des personnages et de construire l’état de leur psyché.
À plusieurs reprises, le récit oscille entre la description de la narratrice28 et la subjectivité d’un personnage pour fournir une transcription exacte de sa parole interne29. Cela permet au lectorat d’avoir accès au contenu de son esprit, et même révèle comment l’inconscient — que le lectorat peut lire dans le texte mais que les personnages à l’intérieur de la diégèse ne peuvent pas — influence son comportement30. Mead reconnaît que ce changement est plus évident lorsqu’il s’agit de l’application du conditionnel, du discours indirect ou des points d’interrogation et d’exclamation31. Dans le premier chapitre, le récit illustre l’insatisfaction que Florentine n’ose pas prononcer à haute voix : « Dieu, qu’elle était fatiguée de cette vie ! Servir des hommes mal élevés qui l’offensaient de leurs avances ; ou encore d’autres, comme Jean Lévesque, dont l’hommage n’était peut-être qu’ironie. Servir, toujours servir ! Et ne pas manquer de sourire. » (BD, 18) En général, la construction synthétique ou narratologique du récit capte les réactions immédiates des personnages face aux événements du texte et produit donc une transparence continuelle de l’esprit, ce qui illustre également comment les perspectives se transforment au cours du roman. Après que Jean ait flirté avec Florentine au restaurant, le lectorat accède immédiatement à sa réaction grâce au discours rapporté : « Jean s’était surpris à répéter : “Mais suis-je bête, suis-je assez fou ! Je n’ai aucun désir de commencer une histoire avec cette Florentine. […] Je n’ai aucune intention de la revoir… Qu’est-ce qui m’a poussé à lui proposer une sortie ?” » (BD, 27) Ici, on voit non seulement la frustration de Jean, mais aussi ses intentions et ses incertitudes concernant Florentine. Plus loin, quand Florentine sort avec Emmanuel pour la première fois, le discours indirect libre est utilisé pour expliquer comment elle justifie son aise avec le jeune homme : « Elle s’arrêta brusquement, se demandant pourquoi elle se livrait à ce genre d’explications avec Emmanuel. Saisie par la chaleur de la maison, attendrie, c’était peut-être parce qu’elle avait cru, soudain, à travers le temps, la distance, causer avec Jean. Oui, c’était ça. C’était à Jean qu’elle parlait quand elle se trouvait avec Emmanuel. » (BD, 143) Voici un passage où Florentine se corrige sur-le-champ, ce qui permet au lectorat d’observer l’évolution de ses pensées comme un courant de conscience. À plusieurs reprises, cet effet s’observe dans le discours rapporté que la narratrice introduit par le nom du personnage focalisateur : « Jean : “Je ne la verrai plus. Oh ! Peut-être une fois ou deux encore, pour que je ne garde aucun regret, mais il faut que ça finisse bientôt.” » (BD, 95) De façon similaire, quand Florentine veut croire que Jean l’aime à sa façon, sa voix intérieure interrompt la narration pour démontrer son obstination à ignorer le jeune homme : « […] une voix s’élevât en elle pour lui dire : “Il ne se soucie pas de toi. Tu ne comptes pas pour lui.” Mais elle ne voulait pas écouter ce conseil. » (BD, 209) Les déclarations de Jean et de Florentine, et leurs avis changeants, montrent avec réalisme le fonctionnement de l’esprit — en tenant compte de ses hésitations, de ses rectifications et de son manque de consistance — dans une approche mimétique du réel.
Au niveau de la narration, le regard extérieur est traduit dans l’intériorité des personnages, ou autrement dit, « c’est presque toujours à travers les yeux d’un personnage qu’un autre personnage est vu ou qu’un événement est perçu32 ». Cela diminue la distance narrative entre lectorat et personnage. Dans la scène où Florentine rencontre Emmanuel, par exemple, Jean fait des suppositions en regardant Florentine, et le récit raconte sa perception de la situation : « Jean voyait clairement passer le reflet de souvenirs : la tempête, leur baiser dans la tempête […]. Puis elle se tournait vers Emmanuel et, par coquetterie, par ruse, pour égarer l’attention de Jean, pour lui donner le change, elle s’adressait au jeune soldat avec beaucoup d’amabilité. » (BD, 118) La perspective de Jean prépare donc le lectorat pour la conversation qui suit. Pendant ce même dialogue, le discours rapporté confirme que Florentine cherche l’attention de Jean : « Elle glissa un regard vers Jean. Et des yeux, elle lui disait : “Lui aussi, tu vois, il me trouve de son goût. Y a pas que toi, mais c’est quand même toi que j’aime le mieux. Seulement, je veux bien que tu saches qu’il n’y a pas que toi au monde… Seulement, il n’y a vraiment que toi.” » (BD, 120) D’autres chercheur·euse·s ont déjà évoqué la question thématique du regard33, mais nous constatons que voir le monde à travers la perspective d’un personnage focalisateur établit une relation intime qui incite à la compréhension et à la sympathie. Globalement, on peut décrire les esprits dans Bonheur d’occasion comme « bruyants », puisque les pensées internes sont en mouvement constant. Les motivations, les opinions, les avis et les émotions des personnages changent au fur et à mesure du récit, et le lectorat reste au courant de ces changements grâce à une narration intime. Qui plus est, la divergence entre le comportement externe et les pensées intérieures des personnages donne à voir l’inconstance caractéristique de la psyché humaine. Par exemple, quand Florentine prétend aimer Emmanuel pour assurer son mariage, le discours rapporté révèle la vérité, alors qu’Emmanuel reste ignorant de ses intentions : « Elle se disait : “C’est plus dur que je pensais… de faire comme si je l’aimais… de me faire aimer…” Mais elle savait bien malgré son tourment que sa volonté était faite et ne changerait pas. » (BD, 378) Un autre cas où le comportement externe ne concorde pas avec celui intérieur est observable dans la scène déjà évoquée ci-dessus, lorsque Jean taquine Florentine au restaurant. Le lectorat est encore témoin du discours indirect libre qui démontre le contenu de son esprit :
Le sourire ne quitta pas les lèvres de Florentine, mais ses petites mains fortement veinées, devenues blanches, se serrèrent avec force. Pourquoi lui faisait-il cet affront ? Est-ce qu’elle n’avait pas été gentille avec lui ? Et gentille aussi avec Emmanuel par égard pour lui ? Est-ce qu’elle n’avait pas été aimable tout le temps, s’occupant rien que d’eux quand plusieurs dîneurs attendaient ? Qu’elle le haïssait donc à cette minute ! (BD, 121)
À l’extérieur, elle joue le rôle de la serveuse amicale, alors qu’elle lutte véritablement contre un déluge d’émotions et d’incertitude par rapport à Jean.
Outre le discours interne habilement incorporé dans le récit, les personnages eux-mêmes commentent parfois l’état de leur esprit. Cela se produit lorsque Florentine accoste Jean à son travail : « Diable, qu’il était fatigué ! À peine capable de rassembler ses idées. Pourtant, elles bouillonnaient et s’offraient à lui avec une abondance presque irritante. » (BD, 208) Alors que le récit construit la conscience des personnages, pour eux, leurs réactions aux événements sont plutôt réelles au niveau intradiégétique. D’une manière similaire, ils sont également distraits par leurs pensées, ce qui interrompt la fluidité du récit. Ce phénomène se voit chez une Florentine qui a la tête dans les nuages en présence d’Emmanuel : « Elle n’écoutait rien autre [sic] qu’un mauvais pressentiment. Jean… il n’était pas venu… exprès… Pour ne pas la revoir… Il avait décidé de ne plus la voir… » (BD, 153) Cela éloigne le lectorat de l’événement présent pour favoriser l’intériorité des personnages qui y participent. Dans la citation ci-dessus, Florentine fait également des suppositions à propos de Jean, ce qui indique que les personnages portent des jugements pour comprendre l’esprit de l’autre. Ce qui est particulièrement intéressant lors de ce genre de jugements est que le lectorat se trouve davantage capable de lire dans les pensées des personnages que les personnages eux-mêmes. Comme dans la réalité, les personnages qui appartiennent au même niveau diégétique sont ignorants du contenu de l’esprit d’autrui et ils doivent se fier à une logique qui n’est pas toujours juste : en effet, les personnages se trompent. Florentine essaie de définir sa relation avec Jean sans vraiment connaître ses intentions : « Une pensée était éclose en elle. “Il ne me haït pas, s’était-elle dit. Il veut être mon ami de garçon.” » (BD, 94) Puisque le lectorat peut aussi accéder aux pensées de Jean, on comprend aisément que Florentine est en train de faire une supposition inexacte.
Gerald Mead affirme que le déplacement de la narration externe vers l’intériorité est une des raisons pour lesquelles les critiques de Bonheur d’occasion expriment de la sympathie pour les personnages de Roy, surtout parce que « les affects langagiers déterminent la lecture des œuvres littéraires34 ». À vrai dire, de nombreux·es critiques commentent la subjectivité des personnages et son effet sur le lectorat. Par exemple, Albert Legrand écrit que le lectorat est invité à adopter les émotions des personnages pendant sa lecture et que l’identification et l’empathie découlent de la vie intérieure que les personnages dévoilent au lectorat35. De façon similaire, Gilles Marcotte exprime que « la possible empathie du lecteur […] semble reliée […] à la caractérisation des personnages36 ». Cette construction littéraire des particularités et des traits d’un être fictif peut se faire de façon directe — indiquée explicitement par les figures dans le texte — ou indirecte — le lectorat fait des déductions en réponse aux actions, aux pensées et aux émotions des personnages37. Gérard Bessette, quant à lui, constate un engagement du lectorat avec les personnages : « Il s’agit de ressentir les contradictions chez les personnages, d’éprouver les contrastes entre leurs rêves et la réalité, mais aussi de “mesurer”, par exemple, l’antithèse de deux scènes et sa fonction romanesque38 ». Même Guy Laflèche, qui critique assez durement Bonheur d’occasion, insiste pour dire que les personnages sont libres de narrer et que leur présence efface une narration objective pour favoriser leur propre vision du monde39. Pour lui, la transparence psychologique des personnages crée une désorientation narrative qui empêche le·la narrataire de porter un jugement idéologique, car les personnages étouffent la voix de la narratrice, qui est « incapable de toute analyse40 » en raison de son refus de prendre une position spécifique. Laflèche avance qu’une rhétorique de la misère et de la sentimentalité met en relief la complexité des comportements, des sentiments et des pensées. Encore, il postule que la sympathie de la narratrice « larmoyante » entraîne la sympathie du lectorat41. Même si les critiques mentionnés sont pour la plupart issus de l’époque de publication, leurs commentaires sur le style d’écriture de Roy et la sympathie qu’elle provoque sont toujours pertinents lorsqu’appliqués à un lectorat de nos jours. Selon une perspective purement synthétique ou structuraliste, qui ne prend pas en compte l’expérience hors du texte, la narration est quand même apte à développer la caractérisation des personnages et à communiquer leurs états mentaux. Cependant, nous croyons qu’un jugement moral et éthique est possible en dehors de l’orientation du récit et que la subjectivité du lectorat entre en jeu lorsqu’il s’agit de la réception. Il ne faut donc pas envisager que l’aspect synthétique d’un personnage ou d’un récit fonctionne indépendamment du mimétique. La construction narrative de l’esprit arrive à créer la qualité mimétique ou réaliste des personnages, ce qui ouvre la voie à l’établissement d’une relation affective entre lectorat et personnage. Autrement dit, c’est grâce à ces éléments synthétiques qu’une caractérisation réaliste des personnages peut se faire. La construction synthétique crée donc une version d’un personnage qui peut être jugé comme étant mimétique, ou représentatif d’une vraie personne.
La qualité mimétique des personnages et les considérations thématiques
Le réalisme de l’esprit fictif représenté dans le récit explique pourquoi les personnages de Roy sont particulièrement vraisemblables, et cela mène aux interprétations associées au composant mimétique. Dans une étude empirique de Polvinen et Sklar, les chercheur·euse·s ont administré des questionnaires aux adolescent·e·s pour identifier le degré de sympathie et d’empathie qu’ils ressentaient pour le narrateur mentalement handicapé dans le roman Flowers for Algernon (1966) de Daniel Keyes42. Les réponses les plus pertinentes en lien avec l’hypothèse mimétique se sont basées sur les connaissances du vrai monde. Une approche de lecture mimétique repose sur le fait que si l’existence d’un tel personnage est possible hors de la fiction, alors le jugement sur la vraisemblance du contenu se base sur les connaissances de la réalité43. Si on lit Florentine et Jean en tant que personnages mimétiques, il est compréhensible qu’on les traite comme des « personnes » avec des esprits à déchiffrer. Puisque les détails fournis à propos d’un personnage dans un récit sont fragmentés, le lectorat doit combler les vides avec ses impressions et ses expériences personnelles44. Plus la caractérisation d’un personnage capte la complexité de l’humanité, plus le composant mimétique devient important dans sa réception, car il produit des échos entre les personnages et des personnes réelles que le lectorat pourrait rencontrer dans sa propre vie. Plusieurs éléments de caractérisation de Florentine et de Jean les définissent comme des personnages complexes, ce qui suscite la sympathie à l’égard de leur situation respective. Quand Jean arrive à la maison de Florentine et découvre que ses parents sont absents, son désir pour elle grandit malgré l’indifférence qu’il éprouvait auparavant : « Mais non, au fait, pourquoi était-il venu sinon parce que cette jeune fille en larmes, la veille, l’avait un instant désarmé, qu’elle l’avait amené à un peu de compassion. Stupidité de sa faiblesse ! » (BD, 235) De façon similaire, Florentine est remplie d’appréhension quant à son mariage, qui est ordinairement un événement associé au bonheur : « […] la pensée de l’épreuve qu’elle aurait à subir la remplit d’une atroce indignation. Oh, qu’elle haïssait le piège dans lequel elle était tombée ! » (BD, 396) La complexité des émotions et l’individualité vraisemblable de ces personnages manifestent de nombreuses interprétations possibles de la part du lectorat.
Si l’on garde à l’esprit la perspective rhétorique de Phelan où le récit est un acte de communication45, il est clair que le lectorat peut se servir des éléments synthétiques et mimétiques pour faire ressortir les grands thèmes de l’œuvre. Quand les personnages occupent une fonction mimétique, comme on l’a vu précédemment, leurs traits et leurs actions influencent aussi la fonction thématique et, par la suite, la manière dont le·la lecteur·ice leur répond46. Nous ne cherchons pas à entreprendre une discussion sur les thèmes nombreux dans Bonheur d’occasion, mais il faut toutefois reconnaître que la compréhension des thèmes est liée à la sympathie ressentie envers Florentine et Jean. Rappelons que le réalisme du roman montre « une vision de l’histoire qui à la fois contient et transcende les forces sociales à l’œuvre dans une époque donnée47 ». Pour cette raison, les connaissances de l’histoire et de l’époque entrent en jeu quand il s’agit de l’analyse de la dimension mimétique des personnages. Par exemple, la souffrance de Florentine en raison de sa situation familiale, ainsi que son désir d’appartenir à une classe plus élevée, sont deux aspects qui touchent à la représentation réaliste de la culture dans sa totalité et qui semblent en partie justifier les défauts de la jeune femme. Selon Marcotte, la situation commande les décisions individuelles de Florentine, qui intériorise les valeurs de la petite bourgeoisie nationaliste pour améliorer sa vie48. Lorsqu’elle participe à la fête à la maison d’Emmanuel, par exemple, son ambition d’atteindre un certain statut social se manifeste dans sa parole interne :
Ce qu’elle aimait encore mieux que la danse, c’était d’être ainsi le point de mire de toute une assemblée. Autour d’eux, les invités s’étaient tus ; tous les regardaient. Et elle croyait les entendre se demander : « Qui est cette jeune fille ? » […] Et bien, elle leur montrerait qu’elle savait plaire à Emmanuel, et pas seulement à Emmanuel si elle le voulait, à tous les jeunes gens si elle le voulait, elle leur montrerait qui c’était donc que Florentine ! (BD, 151)
La motivation de Florentine est dirigée par la vie imaginaire à laquelle elle songe, notamment son rêve d’être aimée et de sortir de sa misère :
Elle se voyait recherchée par tous les jeunes gens, la lumière convergeait vers elle, elle était au centre d’une grande pièce, les jeunes gens l’entouraient, car c’était ainsi que Jean la distinguerait vraiment… quand tous les jeunes la remarqueraient, elle, Florentine. Comme elle aimait ces rêveries paresseuses ! (BD, 131)
De ce fait, les décisions prises par Florentine sont intrinsèquement liées aux grands thèmes de l’œuvre. Lori Saint-Martin commente la caractérisation complexe de Florentine ainsi : « Florentine, qui paraît se conformer au stéréotype de la jeune femme frivole, obsédée par sa beauté, est, en réalité, ambitieuse, ferme et décidée ; seulement, puisqu’elle ne peut réussir qu’à condition de s’attacher un homme, elle est obligée de transiter par la ruse et la manipulation49 ». En considérant la représentation globale du thème de la pauvreté et de l’ascension sociale dans Bonheur d’occasion, la souffrance que le lectorat observe chez Florentine en particulier incite à la sympathie, et il devient davantage difficile de diaboliser son comportement.
Florentine et Jean partagent tous·tes les deux le désir de mobilité sociale, mais chacun·e répond à ce désir différemment50. Pour Florentine, l’amour est un divertissement, un moyen d’échapper à l’ennui et à la pauvreté et, par extension, à son sentiment vif d’être prisonnière de son milieu51. Le lectorat comprend que Florentine ne veut absolument pas plonger dans la même misère que sa mère, et Emmanuel est la clé pour sortir de sa pauvreté. Vers la fin du roman, elle est caractérisée par Emmanuel de la façon suivante : « Florentine essayant mille fois par jour les robes, les chapeaux qu’il lui avait achetés ! Florentine voulant toujours sortir, se promener dans la rue, s’attardant à toutes les vitrines ! Florentine si coquette pour lui et, parfois, si triste, si amère ! » (BD, 432) Même si ce jugement est filtré par la perspective d’Emmanuel, le lectorat prend conscience des traits caractéristiques qui guident Florentine dans ses choix. De plus, l’émotion que Florentine rapporte devant sa maison familiale ajoute à l’aspect mimétique de son personnage : « Elle s’ennuyait dans cette pièce silencieuse. Et plus que l’ennui encore, la haine de ce pauvre logis, comme un clos où venaient mourir toutes leurs tentatives d’évasion, la tourmentait. » (BD, 190) La vivacité des émotions qui pourraient appartenir à n’importe quelle personne en réalité est un facteur qui inspire l’affection, car le lectorat est amené à faire un jugement fondé sur ses connaissances de la vraie vie, notamment de la souffrance humaine.
En comparaison à Florentine, Jean « est tout entier tourné vers un ailleurs qui l’attire bien plus pour l’inconnu qu’il représente que pour le simple changement de condition qu’il permet52 ». Pour lui, son attachement émotif à Florentine est un piège dont il doit se libérer pour ne pas tomber en ruine. Jean Lévesque est un personnage difficile à comprendre tant et aussi longtemps que le récit évite de raconter son passé. Le chapitre XVI, consacré à l’enfance de Jean, fournit une explication de son comportement ambivalent envers Florentine depuis leur rencontre. Jean craint tellement de se perdre qu’il résiste à tout ce qui peut nuire à sa liberté et à son indépendance, y compris à l’établissement d’une liaison affectueuse avec Florentine : « De quel prix pouvait lui être ce soir l’admiration éperdue de cette jeune fille qui venait le harceler ? […] Car s’il devait sacrifier ses soirées d’études, ce ne serait pas au détriment de son avancement. » (BD, 208) Le moment où Jean reconnaît enfin le sentiment qu’il éprouve pour Florentine est particulièrement important pour sa caractérisation et pour la compréhension de son comportement :
Il savait maintenant que la maison de Florentine lui rappelait ce qu’il avait par-dessus tout redouté : l’odeur de la pauvreté, cette odeur implacable des vêtements pauvres, cette pauvreté qu’on reconnaît les yeux clos. Il comprenait que Florentine elle-même personnifiait ce genre de vie misérable contre laquelle tout son être se soulevait. Et dans le même instant, il saisit la nature du sentiment qui le poussait vers la jeune fille. Elle était sa misère, sa solitude, son enfance triste, sa jeunesse solitaire ; elle était tout ce qu’il avait haï, ce qu’il reniait et aussi ce qui restait le plus profondément lié à lui-même, le fond de sa nature et l’aiguillon puissant de sa destinée. (BD, 236)
Dans cette scène, l’analepse offre enfin une explication de sa conduite, qui semble être liée aux aspects mimétiques et thématiques. Selon Smart, l’enfance de Jean explique son mépris à l’égard des femmes et sa tendance à « posséder » et à « se faire voir »53. De plus, Mead voit en Jean une représentation de la jeune génération de l’époque de l’urbanisation, qui est appelée à nier ses émotions pour favoriser l’ambition et le progrès, alors que Jean est convaincu que son attachement à Florentine le vouera à l’échec et à la pauvreté54. L’influence du discours duplessiste, qui suggère paradoxalement de conserver une culture traditionnelle et d’avancer vers une progression économique55, mène à un conflit interne chez Jean qui transparaît dans son comportement contradictoire envers Florentine. Cela dit, le lectorat peut toujours juger le choix de Jean d’abandonner Florentine sur le plan moral, bien que la révélation de ses pensées intimes, de ses motivations et de ses émotions permette la sympathie.
Jean est capable de réaliser son ambition parce qu’il ne montre aucune obligation à l’égard des gens qui peuvent l’empêcher d’accomplir ses buts. Il est prêt à ignorer les considérations éthiques de ses gestes si cela favorise son sort, alors que l’égoïsme de Florentine est mêlé de compassion pour ses proches56. Sa loyauté envers sa famille, spécifiquement sa mère, est un aspect de sa caractérisation fréquemment observable dans son esprit : « Cette pensée la conduisit à évoquer sa mère. […] Oui, désormais, elle serait pour sa mère un sûr soutien. Qu’importe qu’Azarius et Eugène ne fissent pas leur part ? Elle n’abandonnerait jamais sa mère à leur insouciance. » (BD, 294) Alors qu’elle cherche à améliorer la qualité de sa propre vie, elle veut également que sa mère en tire un bénéfice. Nous suggérons que la générosité et la détermination sont des éléments plus positifs de son caractère qui la rendent plus aimable et ses actions, plus compréhensibles. En somme, la combinaison des forces et faiblesses crée des personnages réalistes avec qui le lectorat peut naturellement sympathiser. La caractérisation liée à la fonction thématique offre au lectorat une image globale des personnages qui semble justifier les décisions qu’ils prennent.
Conclusion
La communication narrative, aussi désignée comme la rhétorique de la fiction, est une partie intégrale de l’affectivité que le lectorat éprouve pour des personnages de fiction. Les techniques narratives persuadent les lecteur·ice·s de partager les émotions d’un personnage57, ou au moins de comprendre ou de sympathiser avec son état mental. En effet, le récit exerce un degré de maîtrise sur les jugements éthiques et les réflexions du lectorat, même si ce dernier apporte son expérience personnelle à la lecture58. Cela prend en compte non seulement le rôle de l’auteur·ice dans la construction d’un état mental d’un personnage, mais aussi le schéma d’interprétation59. Que cela soit conscient ou pas, le lectorat accepte d’être manipulé par le texte — il reconnaît la fictionnalité du récit, tout en faisant semblant qu’il ne s’agit pas de fiction60.
Même si Florentine et Jean sont des personnages de fiction, la construction synthétique de leurs esprits, la caractérisation représentative des personnes réelles et la façon dont leurs motivations personnelles sont liées à l’aspect thématique se chevauchent afin de permettre au lectorat de bâtir une relation émotive avec eux. Comme le constatent Polvinen et Sklar, les personnages sont soit des constructions littéraires qui s’approchent de la réalité, soit des fabrications textuelles qui ressemblent à un·e lecteur·ice en chair et en os. Autrement dit, les aspects mimétique, synthétique et thématique ne sont pas des entités distinctes, mais composent une question multidimensionnelle où il faut considérer l’interaction entre tous les éléments pour créer un lien affectif avec des personnages vraisemblables61.
L’esprit d’un·e lecteur·ice est un espace fermé, impossible à lire, comme celui d’un personnage au sujet de qui on peut faire des suppositions et des interprétations inexactes et variables. Il n’est évidemment pas réalisable de prédire la réaction de tous·tes les lecteur·ice·s, et il faut donc considérer que l’identité et l’idéologie du lectorat entrent en jeu dans la compréhension d’un personnage. D’autres études à l’avenir doivent examiner la subjectivité inhérente à l’interprétation littéraire, dont le rôle de l’identité de le·la lecteur·ice et du personnage. Par exemple, une perspective féministe suggère que l’ambition et l’égoïsme sont partagés par Jean et Florentine, mais que l’expérience diffère nettement pour une femme dans un monde patriarcal62. Nous ajoutons que le patriarcat est plus enclin à laisser passer le comportement ambivalent d’un homme que d’une femme, ce qui s’applique également à la littérature et aux personnages de fiction. Par conséquent, une analyse de l’expérience genrée sur la réception des personnages ambivalents est envisageable. Peu importe la variation possible dans la réponse du lectorat, Florentine Lacasse et Jean Lévesque ne sont plus des étranger·ère·s à la fin du roman. Iels deviennent plutôt des ami·e·s que le lectorat croit connaître intimement, ou à tout le moins des connaissances tolérables.
Bibliographie
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-
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-
Gilles Marcotte, « Bonheur d’occasion et le “grand réalisme” », Voix et Images, Vol. 14 / 3, 1989, p. 408‑413, p. 410.↩
-
Ibidem, p. 408.↩
-
Gilles Marcotte, « “Restons traditionnels et progressifs”, disait Onésime Gagnon », Études françaises, Vol. 33 / 3, 1997, p. 5‑13, p. 7.↩
-
Mathieu Bélisle, « Les romanciers québécois et la “définition idéale” du roman autour de 1960. Le cas de Robert Charbonneau », University of Toronto Quarterly, Vol. 79 / 4, octobre 2010, p. 1013‑1022, p. 1017.↩
-
Jacques Brault, « Tonalités lointaines (sur l’écriture intimiste de Gabrielle Roy) », Voix et Images, Vol. 14 / 3, 1989, p. 387‑398, p. 389.↩
-
Gilles Marcotte, op. cit., p. 411.↩
-
Mathieu Bélisle, op. cit., p. 1019.↩
-
Isabelle Daunais, « Éthique et littérature : à la recherche d’un monde protégé », Études françaises, Vol. 46 / 1, 2010, p. 63‑75, p. 74.↩
-
Lisa Zunshine, Why We Read Fiction: Theory of Mind and the Novel, Ohio State University Press, 2006, p. 6.↩
-
Ibidem, p. 9.↩
-
Ralf Schneider, « Toward a Cognitive Theory of Literary Character: The Dynamics of Mental-Model Construction », Style, Vol. 35 / 4, 2001, p. 607‑639, p. 608.↩
-
Ibidem, p. 610.↩
-
Gabrielle Roy, Bonheur d’occasion, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2009 [1945], p. 134. Désormais les citations apparaissent dans le corps du texte comme BD, suivi par le numéro de page.↩
-
Ibidem, p. 611.↩
-
Merja Polvinen, « Being Played: Mimesis, Fictionality and Emotional Engagement », in Sari Kivistö, Pirjo Lyytikäinen, Riikka Rossi, Sanna Nyqvist, Saija Isomaa, Merja Polvinen, (éds.). Rethinking Mimesis: Concepts and Practices of Literary Representation, Éds. Sari Kivistö, Pirjo Lyytikäinen, Riikka Rossi, Sanna Nyqvist, Saija Isomaa et Merja Polvinen, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2012, p. 93‑112, p. 103.↩
-
James Phelan, Reading People, Reading Plots: Character, Progression, and the Interpretation of Narrative, Chicago, University of Chicago Press, 1989, p. 2.↩
-
Ibidem, p. 13. « In works that strive to give characters a strong overt mimetic function, thematic functions develop from thematic dimensions, as a character’s traits and actions also demonstrate, usually implicitly, some proposition or propositions about the class of people or the dramatized ideas. »↩
-
Gilles Marcotte, op. cit., p. 410.↩
-
Ibidem, p. 412.↩
-
James Phelan, op. cit., p. 9.↩
-
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Max Roy, « Les positions critiques dans les lectures successives de Bonheur d’occasion », in Bonheur d’occasion au pluriel. Lectures et approches critiques, Montréal, Nota bene, 1999, p. 189‑227, p. 217.↩
-
Patricia Smart et Lori Saint-Martin traitent la question de féminisme dans Bonheur d’occasion.↩
-
Howard Sklar, The Art of Sympathy in Fiction, Amsterdam, John Benjamins, 2013, p. 48.↩
-
Mark Currie, Postmodern Narrative Theory, 2, New York, 2011 [1998], (« Transitions »), p. 27.↩
-
Gerald Mead, « The Representation of Solitude in Bonheur d’occasion », Quebec Studies, Vol. 7, octobre 1988, p. 116‑136, p. 130.↩
-
Dans la perspective féministe de Patricia Smart, c’est effectivement une narratrice qui donne une voix aux personnages et tisse les fragments ensemble. Les références à la narratrice de Bonheur d’occasion qui suivent seront au féminin. Patricia Smart, op. cit, p. 206.↩
-
Ibidem, p. 130.↩
-
Ibidem, p. 132.↩
-
Ibidem, p. 130.↩
-
Annie Pronovost, « Exercices de style avant Bonheur d’occasion : les premières nouvelles 1938-1945 », in Gabrielle Roy inédite, Montréal, Nota bene, 2000, p. 99‑114, p. 112.↩
-
Parmi lesquel·le·s sont Brigitte Faivre-Duboz, André Brochu et Lori Saint-Martin.↩
-
Jacques Brault, op. cit., p. 397.↩
-
Max Roy, op. cit., p. 199.↩
-
Ibidem, p. 202.↩
-
Gerald Prince, « Characterization », in A Dictionary of Narratology, Lincoln, University of Nebraska Press, 1989, p. 24, p. 24.↩
-
Max Roy, op. cit., p. 205.↩
-
Guy Laflèche, « Les Bonheurs d’occasion du roman québécois », Voix et Images, Vol. 3 / 1, 1977, p. 96‑115, p. 107.↩
-
Ibidem, p. 110.↩
-
Ibidem, p. 111.↩
-
Merja Polvinen et Howard Sklar, « Mimetic and Synthetic Views of Characters: How Readers Process “People” in Fiction », Cogent Arts & Humanities, Vol. 6 / 1, Éd. Anezka Kuzmicova, janvier 2019, p. 1‑15, p. 1‑15.↩
-
Ibidem, p. 8.↩
-
Howard Sklar, op. cit., p. 11.↩
-
Le schéma rhétorique du récit est élaboré par James Phelan.↩
-
James Phelan, op. cit., p. 13.↩
-
En élaborant les idées de Georg Lukács, Gilles Marcotte [1989], op. cit, p. 409.↩
-
Gilles Marcotte, op. cit., p. 412.↩
-
Lori Saint-Martin, « Réalisme et féminisme : une lecture au féminin de Bonheur d’occasion », in Bonheur d’occasion au pluriel. Lectures et approches critiques, Montréal, Nota bene, 1999, p. 63‑99, p. 78.↩
-
Brigitte Faivre-Duboz, « Seuils de la modernité: Trente arpents et Bonheur d’occasion », Quebec Studies, Vol. 32, 2001, p. 71‑85, p. 77.↩
-
Ibidem, p. 77.↩
-
Ibidem, p. 77.↩
-
Patricia Smart, op. cit., p. 222.↩
-
Gerald Mead, op. cit., p. 117.↩
-
Gilles Marcotte, op. cit., p. 10.↩
-
Paul J. Perron, « History and the Urban Novel: Bonheur d’occasion (The Tin Flute) », in Narratology and Text: Subjectivity and Identity in New France and Québécois Literature, Toronto, University of Toronto Press, 2003, p. 208‑229, p. 215.↩
-
Howard Sklar, op. cit., p. 52.↩
-
Ibidem, p. 58‑59.↩
-
James Phelan conçoit un schéma qui inclut l’auteur·ice implicite, les ressources textuelles, et le lectorat.↩
-
Merja Polvinen, op. cit., p. 108.↩
-
Merja Polvinen et Howard Sklar, op. cit., p. 11.↩
-
Lori Saint-Martin, op. cit., p. 83.↩
Emily Gula est étudiante au doctorat à l’Université McMaster. Elle s’intéresse à la littérature québécoise des XXe et XXIe siècles, à la narratologie, aux théories de la réception et aux perspectives queers, particulièrement l’asexualité. Ses recherches portent surtout sur la transgression dans le roman québécois et la relation affective qui se construit entre lectorat et personnage. Elle est aussi écrivaine de romans réalistes en anglais et en français.
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