Passer au contenu

Introduction

Michaël Blais, directeur du dossier

Revue Fémur
2563-6812
Revue Fémur

Voilà quarante ans cette année que Gabrielle Roy s’est éteinte. En juin 1983, ainsi que le rappelle son biographe François Ricard, elle se rend dans sa maison d’été à Petite-Rivière-Saint-François, même si elle n’en a pas la force. C’est « contre toute raison », écrit-il, qu’on la conduit sur les berges du fleuve Saint-Laurent, où elle fuit son appartement de Québec et visite une dernière fois ce lieu qui lui aura offert la paix nécessaire afin d’écrire une part considérable de son œuvre. Parmi ses pages les plus ferventes, on compte celles du recueil Cet été qui chantait (1972) qui décrivent justement cet espace idyllique, et on y rencontre le personnage de Martine qui, après une vie péniblement menée à Montréal, cloîtrée dans un appartement d’Hochelaga à servir sa famille, vient couler ses derniers jours à Charlevoix où elle a passé son enfance. Toute sa vie durant, Martine aura attendu cette journée où elle reverrait enfin le fleuve. La narratrice et une certaine Berthe exaucent l’ultime vœu de la vieille femme et la portent dans leurs bras jusqu’à la grève où il semble plus facile à la mourante de sonder les mystères de l’éternité :

Elle se tenait au seuil de l’immensité, avec le regret de ses enfants morts et le souvenir des peines endurées, avec ses deuils et ses chagrins, avec la mémoire de l’attente sans fin de ce retour au fleuve. Et tout était pesé dans une mystérieuse balance : l’attente cruelle et cet instant radieux aujourd’hui. Et qui sait si ce n’était pas l’instant qui l’emportait ! […] Elle était devenue soudain toute présente à l’invisible, comme si derrière cette journée attendue toute sa vie elle en percevait une autre infiniment plus radieuse encore1.

Plusieurs fois, Gabrielle Roy aura décrit des personnages qui en accompagnent d’autres qui se trouvent eux-mêmes à la dernière extrémité de leur parcours, tant et si bien que ces scènes de sollicitude se présentent comme un motif important de son écriture. Au surplus, ces passages où se profile l’agonie comptent aussi – et étrangement – parmi ses pages les plus espérantes2. Quoiqu’il en soit, après avoir souvent décrit ces accompagnements, c’était au tour de Gabrielle Roy d’être menée jusqu’au seuil de l’existence. Après quelques jours passés à Charlevoix auprès de sa très bonne amie Berthe Simard qui en prend grand soin, Gabrielle Roy est conduite par ambulance à Québec. Elle passe encore quelques jours dans son appartement sur Grande Allée (j’aime penser que du haut de cette grande tour où elle habitait, qui surplombe les plaines d’Abraham, elle parvient toujours à apercevoir le fleuve depuis la fenêtre), puis elle est hospitalisée. Le 10 juillet 1983 à 21 h 45, un infarctus l’emporte.

* * *

Quand je relis la nouvelle « Martine descendit au fleuve », je ne peux m’empêcher – de façon un peu facile, sans doute – de transposer le sort de Martine à celui de son autrice, comme si à travers l’écriture cette dernière avait prémédité sa fin, qui n’en est peut-être pas une si l’on se fie à l’intuition de celle qui s’apprête à mourir :

Tout à coup, pieds nus au bord du ciel d’été, elle se prit à poser des questions – les seules sans doute qui importent :

– Pourquoi est-ce qu’on vit ? […] Pourquoi est-ce qu’on souffre et qu’on s’ennuie ? Qu’est-ce qu’on attend ? Qui est-ce qui est au bout ? Hein ? Hein ?

Le ton n’était pas triste. Inquiet peut-être au départ. Mais peu à peu il se faisait plus confiant. C’était comme si, sans connaître tout à fait la réponse, elle la savait déjà bonne. Et elle était contente enfin d’avoir vécu3.

* * *

Voilà quarante ans cette année que Gabrielle Roy s’est éteinte. Mais on n’a pas à remonter aussi loin pour dresser le bilan des départs qui ont assombri l’actualité des études royennes. Dans la dernière année (à peu près le temps consacré à l’élaboration de ce dossier), le milieu littéraire a été ébranlé par la disparition de plusieurs voix, parmi les plus vibrantes, qui ont accompagné l’œuvre de Gabrielle Roy en s’en faisant l’écho. Ainsi, après avoir longtemps relayé la sienne, ces voix qui se sont tues, qui sont entrées dans leur propre silence, laissent l’impression d’amplifier celui de l’autrice dont elles avaient jusque-là prolongé l’existence. Dernièrement, au sujet du claquement répété de ces disparitions qui l’ont elle aussi secouée, une amie poète m’écrivait en privé que le silence que laisse la mort des écrivain·es retentissait d’une bien curieuse façon, comme si le vide laissé par ces existences consacrées à l’écriture sonnait plus creux. Peut-être parce que leurs phrases restées en suspension dans nos esprits et leur voix qui se ressuscitent artificiellement par la lecture rappellent avec trop de constance la texture, épaisse, de leur silence.

Ces voix qui se sont récemment jointes au chœur de l’absence, ce sont celles de Lori Saint-Martin, de Jacques Brault et de François Ricard dont la disparition, rapprochée les unes des autres, laisse l’étrange impression que la vigueur de la mémoire de Gabrielle Roy s’abîme un peu, même si nous continuerons bien sûr de lire et relire leurs travaux avec l’avidité qu’ils méritent ; que nous continuerons de profiter de la lumière qu’ils ont jetée sur l’œuvre et le parcours de Gabrielle Roy mais aussi sur la littérature de façon plus générale.

Gabrielle Roy et son œuvre ne sont pas près d’être oubliées. Tant s’en faut. Cela dit, il n’apparaissait pas inutile, ici, de prendre acte de la menace qui guette cette œuvre. Comme souligné dans l’appel à communication de ce numéro, l’écriture de Gabrielle Roy, grand classique de la littérature canadienne, fait face à des enjeux particuliers au-devant de la postérité, dans la mesure où, entourée d’un épais « nuage de discours critiques » (Italo Calvino), l’œuvre risque de s’effacer derrière cette masse de commentaires et même de se scléroser derrière les interprétations et les lectures éblouissantes qu’il semble parfois difficile de dépasser. À cet effet, les quarante dernières années ont été bien riches en commentaires critiques. Or, récemment, les études royennes ont pu donner une impression de ralentissement qui révèle moins un manque de vigueur qu’un contraste, un creux qui se dessine nécessairement ces années-ci à la suite de décennies où la critique de Gabrielle Roy a été particulièrement effervescente.

* * *

L’œuvre de Gabrielle Roy appelle à l’humilité. C’est du moins ce que je retiens des exemples que laissent derrière elles les trois grandes figures intellectuelles que je viens de citer. Avec La voyageuse et la prisonnière (2002) notamment, Lori Saint-Martin a en partie initié un mouvement de lectures féministes afin d’approcher cette écriture dont la critique avait longtemps ignoré l’engagement. Elle a ainsi ouvert un sentier en éclaireuse, tendant la main aux générations de chercheur·ses qui l’ont suivie et qui continueront de la suivre4. De façon similaire, dans l’un des plus beaux commentaires portant sur l’œuvre de Gabrielle Roy, Jacques Brault a éclairé la « tonalité intimiste » qui se dégage de ses textes, mais comme à demi, laissant la sensibilité de ses lecteurs et lectrices prolonger le fil de sa pensée. Il explique donc sans expliquer tout à fait, moulant sa prose à celle qu’il tente d’éclairer et il laisse ainsi croire qu’enfermer l’écriture de Gabrielle Roy dans des explications et des analyses trop sûres d’elles-mêmes, ce serait trahir le doute et le mystère qu’accueille volontiers la prose toute en nuance de l’écrivaine5. Enfin, la modestie n’est pas la moindre des qualités qui émerge du travail de François Ricard qui s’est lui-même mis au service de Gabrielle Roy « à son corps défendant », écrit-il dans l’épilogue de la biographie qu’il lui consacre. Dans cette conclusion, au terme de nombreuses années de recherche, il soutient que même s’il a « tâché de ne rien négliger pour tout savoir sur Gabrielle Roy, en réalité [il] ne sai[t] rien d’elle, de la femme, de l’écrivain qu’elle a été. » Il renchérit : « On a beau dépouiller toutes les archives, interroger tous les témoins, lire tout ce qui a été écrit sur un être, il manque toujours quelque chose, et ce quelque chose, en particulier s’il s’agit d’un artiste, ne peut être que l’essentiel6. »

L’œuvre de Gabrielle Roy appelle donc à l’humilité, celle-là même qu’exige toute posture d’accompagnement, c’est-à-dire la posture de celui ou celle qui veut se rendre disponible, sensible et qui veut donc se mettre au service de l’autre. C’est dans un tel esprit, dans un esprit d’accompagnement, et avec cette ambition, celle de n’en avoir pas trop, que ce numéro a été initialement pensé. Il s’agissait en quelque sorte d’encourager les questions, sans trop insister sur la prétention des réponses. Pour ces raisons, il nous apparaissait judicieux, aux rédactrices en chef de la revue et à moi, de parler d’échos et d’expériences de l’œuvre, termes qui chapeautent le dossier et qui invitent à replacer la lecture de Gabrielle Roy dans l’ordre du sensible et depuis un point de vue qui ne nie pas (complètement) sa subjectivité. C’était du moins l’intention qui nous animait au départ.

* * *

Les quatre articles qui composent ce dossier thématique se subdivisent finalement en deux catégories évidentes, deux tendances orientées par le choix des textes qu’ils étudient.

Les deux premiers articles tendent à renouveler les études sur l’œuvre de Gabrielle Roy dans la mesure où ils abordent la correspondance de l’écrivaine, un versant de son œuvre qui a été largement moins commenté que sa prose narrative. L’originalité de ces deux premiers articles ne se limite toutefois pas au choix de leur corpus ; elle repose aussi sur des approches critiques neuves qui permettent d’aborder à nouveaux frais l’écriture de Gabrielle Roy. Ces études rappellent une fois de plus que son œuvre trouve des échos dans chacune des époques (et des tendances critiques) qu’elle traverse. Dans l’article qui ouvre le dossier, Gabrielle Flipot Meunier emploie plus particulièrement l’éthique du care afin de relire les lettres que Gabrielle Roy a adressées à sa sœur Bernadette au moment où celle-ci vivait ses derniers jours. Quittant le chevet de sa sœur mourante, Gabrielle Roy promet de lui envoyer une lettre par jour, comme pour l’aider à apaiser la douleur et à apprivoiser la mort, et comme si l’écriture parvenait à « se substituer à la présence physique » de l’écrivaine. Outre la pratique de la sollicitude qui trouve un cas exemplaire dans ces quarante-neuf « lettres mortuaires » (François Ricard), ce très bel article, cet article émouvant même, qui éclaire autant les lettres analysées que l’éthique de la sollicitude, met aussi en lumière les possibles retombées, bien concrètes, qui découlent de l’écriture et du travail de l’imaginaire, démonstration qui me paraît plutôt rare en études littéraires. Les lettres qu’analyse Laurianne Thibeault révèlent pour leur part une autre forme de soin ou, en tout cas, une certaine préoccupation, d’ordre social celle-là. L’objet de la sollicitude se déplace ainsi de la sphère intime à la sphère collective dans cette étude où l’on considère « l’espace épistolaire » comme un lieu où peuvent se déployer plus librement les prises de positions politiques de Gabrielle Roy. Dans l’article, il est plus spécifiquement question des « sentiments politiques » de l’autrice, formule particulièrement heureuse afin de nommer les opinions politiques qui, finalement, ne s’expriment qu’en privé et qui ne se dessinent qu’en filigrane dans l’œuvre publiée de la romancière et nouvelliste. Ces remarques s’avèrent d’autant plus précieuses que Gabrielle Roy a longtemps été considérée, à tort, comme une figure désengagée vis-à-vis des enjeux politiques de son temps, ce qui lui a attiré de nombreux reproches si ce n’est, de manière plus pernicieuse et souterraine encore, une forme de mépris poli de la part de la critique et de la communauté québécoises.

Les deux articles suivants se consacrent quant à eux au roman Bonheur d’occasion (1945), peut-être l’ouvrage le plus commenté de Gabrielle Roy, voire de l’histoire de la littérature québécoise. En dépit de cet encombrement critique, les autrices de ces études parviennent à renouveler le regard qu’on pose sur ce roman, qui n’a vraisemblablement pas fini d’exercer son charme sur les chercheur·ses en qui il continue d’éveiller les passions. Dans son article, Emily Gula propose une lecture qui s’appuie en partie sur la théorie de l’esprit (theory of minds). Cette approche critique qui, sauf erreur, n’avait pas encore été employée afin d’interpréter ce roman particulier favorise une lecture minutieuse du flux de conscience de ses principaux personnages. Ce faisant, Emily Gula parvient à montrer les contradictions qui les habitent, aussi bien que les bégaiements de leurs pensées et de leurs sentiments qu’ils peinent parfois à identifier distinctement. Mais surtout, elle montre l’attachement et l’empathie que les lecteurs et lectrices peuvent développer à l’égard de Jean Lévesque et Florentine Lacasse, malgré leur caractère parfois égoïste, cruel, désagréable, et même irascible, et malgré leurs ambitions qui « les pousse[nt] à faire des choix moralement discutables ». Sans délaisser complètement les errements de l’esprit, Patti Germann se penche enfin sur les différentes déambulations auxquelles se prêtent quelques personnages importants de Bonheur d’occasion, lesquels sont, selon la formule du philosophe Michel de Certeau, des « pratiquants de la ville ». Suivant à la trace le parcours de ces marcheur·ses à travers la grille que représente le faubourg Saint-Henri, l’analyse suggère que les « usagers de la ville » adoptent souvent un regard extérieur vis-à-vis de ce quartier qui leur est pourtant familier et dans lequel ils circulent cependant. Si on a souvent le réflexe de penser qu’Emmanuel Létourneau parvient à percevoir la condition sociale des habitant·es de Saint-Henri de manière plus abstraite que les autres personnages du roman (parce que, issu de la petite bourgeoisie canadienne-française, il n’est pas lui-même engoncé dans la misère), cette étude laisse croire au contraire que la plupart des personnages parviennent, comme lui, à quitter une vision à fleur de terre pour adopter une perception éclairée de leur situation, de sorte que ces personnages ne seraient pas parfaitement aveuglés, aliénés ou avalés par leur condition sociale ou leur position de classe. Ainsi, le travail de Patti Germann rappelle judicieusement « la ruse », autre terme cher à Michel de Certeau, dont font preuve les personnages de Bonheur d’occasion, révélant par là leur agentivité qu’on a tendance à sous-estimer en raison de la misère qui les enserre et qui invite plus commodément à penser leur relative passivité au-devant du sort.

Le dossier se termine sur un entretien que la cinéaste d’origine acadienne Renée Blanchar a eu la générosité d’accorder à la revue Fémur. Cette discussion permet de revenir sur son travail de scénariste et de réalisatrice de la série Le monde de Gabrielle Roy, occupations qui font d’elle une lectrice attentive de Gabrielle Roy mais aussi une grande spécialiste de son parcours biographique. Le regard que la cinéaste pose sur la vie et l’œuvre de l’écrivaine me paraît particulièrement précieux dans la mesure où il nous déconfine d’un regard strictement littéraire et, surtout, il rappelle l’appartenance canadienne de cette œuvre que la communauté québécoise a tendance à s’approprier. Renée Blanchar confie notamment qu’elle a d’abord refusé ce projet pour lequel on l’avait approchée. Il lui semblait toutefois trop important que cette adaptation soit sensible au sort des communautés minoritaires francophones du Canada dont est issue Gabrielle Roy, tout comme la cinéaste dont « le point de sens », dit-elle dans une belle formule, est l’Acadie. Aussi a-t-elle finalement accepté la responsabilité de cette série, et, depuis, la filiation entre Gabrielle Roy et elle, filiation qui n’aura pas été sans la surprendre, ne cesse de s’étoffer. Comme elle a elle-même été attirée par l’écrivaine franco-manitobaine un peu malgré elle (« si on entre dans la vie de Gabrielle Roy, on est happé·es ! »), Renée Blanchar remarque que l’entourage de Gabrielle Roy s’est aussi mis au service de son talent. Ainsi se déploie une réflexion sur l’intransigeance qu’appelle le talent, plus précisément sur la tension entre « l’adversité » d’un milieu et « l’exigence de l’excellence » auxquelles doivent répondre certain·es artistes issu·es de communautés minoritaires, exigence qui, devine-t-on, se trouve exacerbée pour les artistes femmes. Au sujet de cette « rencontre » avec Gabrielle Roy, Renée Blanchar parle d’une « épiphanie » qui aurait « magnifié » sa démarche artistique.

* * *

Renée Blanchar a raison de parler d’une force mystérieuse qui nous happe dès qu’on s’approche de Gabrielle Roy. Peu d’œuvres ont laissé en moi une impression si vive et si durable, une impression que je peine encore à m’expliquer ; que j’ai même du mal à nommer. Dernièrement, j’ai pensé un peu naïvement que si j’allais marcher dans les pas de Gabrielle Roy, à son chalet de Petite-Rivière-Saint-François, ça me permettrait de mieux comprendre une part du mystère de l’écrivaine. Je n’avais pas tout faux, je crois.

Je me rends donc à Charlevoix. Et quand je me trouve, comme Gabrielle, comme Martine, comme Berthe, au bord du fleuve, en flanc de montagne, à côté de la maison d’été blanche et verte de l’écrivaine, je ressens une sorte de vertige. Cette expérience du sublime au-devant des paysages qu’elle a habités n’est pas sans rappeler ce sentiment qui m’emporte aussi quand je lis certaines de ses pages. Un vertige d’âme, ai-je souvent dit à mes étudiant·es, fautes d’expressions plus justes, à qui j’ai enseigné l’œuvre et à qui j’essayais d’exprimer l’effet qu’avait sur moi sa lecture. Je n’avais pas tout faux, donc : le fleuve et les montagnes me rapprochaient d’une réponse, si ce n’est de Gabrielle Roy elle-même, dans la mesure où ses paysages me rappelaient une lettre dont la formule n’allait plus me quitter : s’adressant à sa sœur Bernadette dans l’une des « lettres mortuaires », Gabrielle Roy explique cette impression de liberté que déposent en nous certains instants de grâce, ceux-là mêmes que nous octroient le fleuve ou l’ampleur d’une phrase bien trouvée : « au mieux la vie n’est-elle pas comme une sorte de cage, écrit-elle. Tout ce que nous aimons le mieux en elle, la vue du ciel profond, des plaines à l’infini, des étendues d’eau immenses, des longs fleuves coulant vers la mer, tout ce que nous aimons le mieux dans la vie, songes-y bien, c’est justement ce qui nous fait oublier la captivité et porte notre âme au rêve de l’absolu7. » Je tenais donc ma réponse, qui revêtait toutefois l’apparence d’une question : comme de longs fleuves coulant vers la mer, comme la vue du ciel profond que je contemple depuis l’humble lot de la maison d’été, l’écriture de Gabrielle Roy, qui rappelle la captivité de l’existence, mais pour mieux nous la faire oublier ensuite, l’écriture de Gabrielle Roy fait-elle autre chose, autre chose que de porter notre âme au rêve de l’absolu ? Hein ?

Bibliographie

BRAULT, Jacques, « Tonalités lointaines », in Chemins perdus, chemins trouvés, Montréal, Boréal, 2012, (« Papiers collés »), p. 99‑115.

RICARD, François, Gabrielle Roy. Une vie, Montreal, Boréal, 2000 [1996], (« Boréal Compact »).

ROY, Gabrielle, Cet été qui chantait, Montréal, Boréal, 2018 [1973], (« Boréal compact »).

ROY, Gabrielle, La détresse et l’enchantement, Montréal, Boréal, 2013 [1984], (« Boréal compact »).

ROY, Gabrielle, Ma chère petite sœur. Lettres à Bernadette, 1943-1970, Éds. François Ricard, Dominique Fortier et Jane Everett, Montréal, Boréal, 1999 [1988], (« Les cahiers Gabrielle Roy »).

SAINT-MARTIN, Lori, La voyageuse et la prisonnière. Gabrielle Roy et la question des femmes, Montréal, Québec, Boréal, 2002, (« Les cahiers Gabrielle Roy »).


  1. Gabrielle Roy, Cet été qui chantait, Montréal, Boréal, 2018 [1972], (« Boréal compact »), p. 130‑131.

  2. J’emprunte cette formule adjective, qui tient du néologisme, à Gabrielle Roy. Elle l’emploie d’ailleurs dans un extrait de son autobiographie où elle décrit les derniers jours de son père : « Sans doute maman y avait-elle installé mon père [dans son bureau, au rez-de-chaussée de la maison de la rue Deschambault] par commodité, pour le soigner sans avoir à monter sans cesse l’escalier, mais peut-être aussi avait-elle pensé qu’il était convenable que sa vie s’achevât ici, où il avait connu ses heures les plus espérantes. » Gabrielle Roy, La détresse et l’enchantement, Montréal, Boréal, 2013 [1984], (« Boréal compact »), p. 98.

  3. Gabrielle Roy, op. cit., p. 132.

  4. Lori Saint-Martin, La voyageuse et la prisonnière. Gabrielle Roy et la question des femmes, Montréal, Québec, Boréal, 2002, (« Les cahiers Gabrielle Roy »).

  5. Jacques Brault, « Tonalités lointaines », in Chemins perdus, chemins trouvés, Montréal, Boréal, 2012, (« Papiers collés »), p. 99‑115.

  6. François Ricard, Gabrielle Roy. Une vie, Montreal, Boréal, 2000 [1996], (« Boréal Compact »), p. 520.

  7. Gabrielle Roy, Ma chère petite sœur. Lettres à Bernadette, 1943-1970, Éds. François Ricard, Dominique Fortier et Jane Everett, Montréal, Boréal, 1999 [1988], (« Les cahiers Gabrielle Roy »), p. 217.


Michaël Blais poursuit des études de troisième cycle à l’Université de Montréal, où il a d’ailleurs été chargé de cours. Sa thèse, dirigée par Martine-Emmanuelle Lapointe, s’intéresse aux phénomènes de la mémoire et de l’histoire dans les romans québécois contemporains, notamment ceux de Marie-Claire Blais, de Louis Hamelin, d’Éric Plamondon et de Maxime Raymond Bock. Il enseigne aussi la littérature au Cégep de Sherbrooke, et il collabore régulièrement à l’émission Il restera toujours la culture à Radio-Canada.

Articles récents