Résumé : Dans la pièce Ines Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme, deux « enfants-poètes » errent, à la recherche d’un accueil et surtout d’amour : « Nous allons de porte en porte, comme des colporteurs. Nous disons : “Prenez-nous et aimez-nous.” Personne ne répond oui. » (p. 36) Or Ines et Inat se retrouvent rapidement à propager une critique virulente du monde qui les entoure, dénonçant la propriété privée et le mode de production capitaliste, vecteurs d’aliénation de tout et de tous·tes. Ainsi, porteur d’une parole qui refuse de cautionner quelconque aliénation, que ce soit celle de la nature, des animaux ou des humain·e·s, le texte de cette pièce dresse une critique virulente des mécanismes sur lesquels repose le capitalisme, à savoir l’accumulation de richesses et le travail salarié.
Et que l’ennui pousse au suicide ne prouve-t-il pas que l’oisiveté est au moins aussi douloureuse que le travail1?
Personne ne me mettra dans la tête que c’est gagner sa vie que de la donner à un propriétaire d’usine. La vie est gratuite. Je ne l’ai pas payée et je ne la paierai pas2.
Réjean Ducharme, Ines Pérée et Inat Tendu
Surtout connu en tant que romancier, Réjean Ducharme fut aussi scénariste, parolier et dramaturge. Comme ses romans, son théâtre est porteur d’une critique ambigüe du monde des adultes et de la société de consommation ainsi que d’un constat de la fragilité des relations interpersonnelles et du lien social. Dans Ines Pérée et Inat Tendu3, pièce en trois actes4, deux « enfants-poètes » en « déficit d’amour5 » errent, à la recherche d’hospitalité et d’affection :
INES PÉRÉE – Nous allons de porte en porte, comme des colporteurs. Nous disons : « Prenez-nous et aimez-nous. » Personne ne répond oui. (p. 36)
Iels incarnent, selon Laurent Mailhot, des « messagers d’aucune idéologie, d’aucun dieu, contestataires résolument individualistes, subversifs plutôt que révolutionnaires6 ». Autrement dit, et à la lumière du reste de la production littéraire de l’auteur, Ines et Inat sont des personnages avant tout ducharmiens, porteurs d’une « quête de tendresse et d’hospitalité7 », qu’ils partagent avec les autres créatures de papier8. Leur quête existentielle est non pas matérielle, mais fondamentalement symbolique et, bien qu’iels concrétisent leur recherche d’un accueil en tentant de se faire adopter par Isalaide, leur souhait le plus cher n’est pas autant celui d’avoir une véritable « mère » que celui de s’établir sous l’aile d’une figure maternelle symbolique : « La mère qu’ils recherchent, c’est la Terre ; et ils ne veulent pas l’accaparer mais la rendre, une et indivisible, à tous ses enfants. “Toute la terre est cadastrée ! Est-ce qu’on cadastre une mère9 ?” » Là réside, encore une fois, le déploiement de toute la poétique de l’enfance ducharmienne – à savoir une opposition entre les valeurs fantasmées de l’enfance et la souillure du monde adulte10 – dans une œuvre qui cherche d’abord et avant tout à montrer « la complexité des rapports humains11 », à poser « la question si cruciale » de leur « qualité12 ». Ainsi, dans Ines Pérée et Inat Tendu « défil[ent], à tour de rôle, des représentants du monde adulte, organisé, structuré, aseptisé, dont les fonctions officielles de vétérinaire, infirmière, psychiatre, religieuse et sapeur-pompier devraient engendrer un mieux-être social13. » Il n’en est pourtant rien alors qu’Ines et Inat n’ont que faire de cet ordre social où chacun·e se présente suivant sa fonction dans la force de travail – patron·ne, travailleur·euse, chômeur·euse – et est conséquemment réduit·e à son rôle dans la hiérarchie capitaliste14, que le personnage du docteur Escalope assimile au « degré dans l’échelle de la société » (p. 9). À cet égard, Ines et Inat constituent, avec la religieuse dont la fonction est explicitée seulement par la description de son habillement – elle porte « tout le gréement noir des anciennes religieuses » (p. 4) – les seul·e·s à ne pas être décrit·e·s par la mention de leur emploi dans la liste des personnages : on mentionne simplement que ce sont des enfants « de vingt ans », suivi du détail de leurs vêtements (p. 3). Ce que les deux enfants cherchent, c’est plutôt un idéal de pureté15, d’où leur quête incessante d’une figure maternelle, elle aussi fonction, mais hors du système de monétisation des relations par le travail16. S’iels souffrent, ce n’est donc pas de ne rien posséder ou de ne pas travailler. Plutôt, abhorrant toutes les inégalités que perpétue la société, iels souffrent à la simple idée que certain·e·s possèdent et que les autres achètent, que certain·e·s travaillent alors que d’autres les font travailler. En ce sens, c’est l’inadéquation entre les valeurs capitalistes – accumulation, croissance, profit17 – et la primauté d’un amour absolu prônée par Ines et Inat qui les mènent à leur perte. À la recherche d’un idéal qui ne semble pouvoir être atteint que par la « libération » de la terre – qui serait « rendue » à tous·tes cell·eux qui l’habitent, dans une économie de partage –, iels se retrouvent à porter en eux une critique virulente du monde qui les entoure, dénonçant d’une part la propriété privée, d’autre part la place du travail salarié au sein du mode de production capitaliste, résultant en l’aliénation de tout et de tous·tes, objets comme humain·e·s.
L’aliénation de la nature : critique de la propriété privée
À la fin du deuxième acte, alors qu’il est déjà évident que la quête d’amour absolu d’Ines Pérée et d’Inat Tendu demeurera vaine, Isalaide, la vétérinaire matérialiste et capitaliste du premier acte – elle avait notamment fait encadrer son propre poème dans un cadre à dix dollars, afin de lui donner de la valeur à ses propres yeux (p. 30) – réapparaît au moment où les enfants quittent la scène. Elle est vêtue comme Ines – maillot de bain, bottes et (un seul) gant de vaisselle, ce qui correspond à « l’idée qu’en tombant ici [cette dernière] avai[t] de la femme », à la fois séductrice « qui fait la belle » et ménagère « qui fait […] la vaisselle » (p. 48) – et porte les accessoires, papillon et violon, volés aux deux enfants. Subitement transformée sous l’influence des deux enfants18, celle-là même qui avait auparavant refusé de donner de l’eau à une Ines assoiffée sous prétexte qu’elle en avait « juste assez pour les besoins de [s]on business » (p. 33) décrie avec véhémence le concept même de propriété privée :
ISALAIDE […] – Ils ont acheté la terre, toute la terre. Ils en ont acheté une moitié, puis une autre moitié, le quart plus les trois quarts. Ils se la sont tapée, envoyée. Ils se la sont payée et les autres les ont laissés faire. Cette pierre est à celui-ci. Ces concombres à celui-là. Ce marais à cet autre. À la plupart des autres : un salaire !
Dans cette volte-face, Isalaide tient un propos qui aurait facilement pu être attribué à Inat ou même à Ines, donnant non seulement une voix supplémentaire à la critique de la propriété, mais dépossédant au surplus le discours matérialiste – contre-discours qui, au début de la pièce, servait de repoussoir au propos des enfants – de sa principale porte-parole. Par sa critique construite sur une opposition entre un « ils » désignant les propriétaires terrien·ne·s, « ceux qui ont acheté la terre », « se la sont tapée, envoyée » et « payée », et « les autres » référant à tous·tes les autres habitant·e·s de la terre, opposition qui rappelle celle entre « propriétaires » et « ouvriers non-propriétaires » de la pensée de Marx19, elle dénonce les pratiques des « possesseurs » qui empêchent les autres de toucher à la terre, bref d’en avoir l’usage. Dans ce cri du cœur d’une terre véritablement « possédée » par les plus riches – au sens où elle leur appartient de façon exclusive – Isalaide met en évidence l’injustice causée par le système de la propriété privée où les « possesseurs de la terre » en monnaient l’accès. L’indignation d’Isalaide se perçoit également par la gradation des affronts faits à la terre par les « possesseurs », qui en ont « acheté une moitié, puis une autre moitié, le quart plus les trois quarts », donc un peu, puis le tout. Puis, iels ont empêché les « autres » – cell·eux qui ne possédaient pas la terre – de l’utiliser, dans ce qui est décrit par Isalaide comme une défaite non seulement pour ces « autres », mais pour la terre elle-même : « La terre est vaincue, envahie ; et occupée comme par une armée. » (p. 88-89) La superficie de la terre – ou plutôt l’espace qu’elle offre à habiter – étant limitée, son accaparement n’est pas sans conséquences : ce que l’un·e possède, les autres ne peuvent le posséder, ni l’utiliser. Ainsi, la vétérinaire, ralliée aux valeurs des enfants, poursuit en décrivant les effets pervers de ce monopole de la propriété terrestre :
Il n’y a plus de place : les hommes tombent sur la terre comme des chiens dans un jeu de quilles. Les propriétaires ont tellement de bouches à nourrir qu’ils doivent les empiler, les ranger verticalement. Ils ont déjà tellement de chèques de paie à distribuer qu’ils inventent chaque jour une machine plus rapide pour y suffire. (p. 89)
Les propriétaires terrien·ne·s étant devenu·e·s possesseur·euse·s d’à peu près toute la superficie habitable de la terre, l’espace vient donc à manquer pour les non-propriétaires. De même, les propriétaires s’étant mis·e·s à exploiter la terre pour en tirer les ressources – absolument toutes les ressources, comme cherche à le montrer l’hyperbole qui suit – iels ne laissent aux autres qu’un salaire à débourser pour se procurer le produit de cette exploitation : « [I]l n’y a pas une motte de terre, pas une fleur, pas un brin de laine ou de coton, pas une chaise, pas une cuiller qui n’appartiennent déjà à quelqu’un » (p. 89), bref pas un élément naturel ou produit d’un travail qui ne leur appartienne et « dont on puisse se servir sans la permission des possesseurs de la terre, sans tant de travail ou tant de monnaie » (p. 89). Par leur statut de propriétaires du bien d’absolue nécessité que constitue la terre, cell·eux-ci ont donc non seulement le contrôle sur leur propre bien, mais exercent de facto une domination sur cell·eux qui ne sont pas propriétaires puisque ces dernier·ère·s n’ont pas le choix de négocier afin d’avoir accès aux ressources matérielles – un espace où vivre et où produire de quoi subsister :
Ceux qui ont acheté la terre, lient les pieds et les mains des autres pour ne pas qu’ils touchent à trop de pieds carrés de la terre, ou ils les chassent à coups de lois et de contrats. La terre est fermée comme un salon de barbier le dimanche, interdite comme un concert à guichet fermé. (p. 88)
Critiquant ainsi la propriété privée et la concentration de celle-ci aux mains d’un nombre restreint de propriétaires, Isalaide se retrouve à décrier le contrôle – sur la terre et son usage – et la domination – envers les non-propriétaires – qui en résultent.
Son propos vient d’ailleurs appuyer et reprendre ceux tenus au préalable par d’autres personnages de la pièce. Ainsi, au début du deuxième acte, les enfants font irruption – par une trappe (p. 63) – dans une cellule de couvent et dissertent sur la liberté. C’est alors que la jeune religieuse entre en scène et leur souhaite la bienvenue. Après avoir affirmé que les enfants avaient « l’air sympathique » et qu’iels « ne voler[aient] pas une mouche » (p. 67), la religieuse se lance dans une longue diatribe contre la propriété privée. Ainsi, et bien que l’articulation de sa réflexion soit très explicitement rendue confuse20 par la présence de jeux de mots – soulignons la polysémie du terme « voler », d’autant plus lorsqu’il est question d’un insecte ailé comme la mouche – Sœur Saint-New-York-des-Ronds-d’Eau – nommée Saint-New-York de Russie dans la version étudiée par Laurent Mailhot21 – affirme l’impossibilité de « posséder » les animaux :
Les mouches s’offrent à tous, sont données à tous. Prendre une mouche, ce n’est pas la voler, c’est l’accepter. Ce n’est pas comme prendre un œuf, puis un bœuf. Excusez encore : l’œuf et le bœuf sont du même règne. Quand on prend un bœuf, on enlève au bœuf sa liberté, on n’enlève rien d’autre à personne, ce n’est donc pas un vol. (p. 68)
Par un jeu à partir du proverbe « qui vole un œuf vole un bœuf », la religieuse semble proposer que, puisqu’ils appartiennent au règne animal, l’œuf et le bœuf – et même la mouche, par extension – ne peuvent être volés parce qu’ils ne peuvent être possédés ; ils ne peuvent en fait qu’être brimés, c’est-à-dire qu’ils peuvent tout au plus voir leur liberté être révoquée. Ainsi, bien que la domestication de certains animaux soit une pratique millénaire, la religieuse refuse de reconnaître que les bœufs puissent appartenir à quiconque. Selon elle, les animaux, y compris les animaux de ferme ou d’élevage comme le bœuf, n’appartiennent à personne. De même, elle affirme ensuite que la nature n’appartient à personne, sinon à elle-même ou à tout le monde :
Or, les roches appartiennent aux plages et à ceux qui s’étendent au bord de l’eau l’été, à moitié nus, pour prendre à moitié le soleil, cette autre grâce, cette autre générosité. Et le bois appartient aux forêts et les forêts ne sont pas faites pour ceux qui défont les arbres… non ! Elles sont faites pour pousser, pour donner de plus en plus d’ombre, aux amoureux, ils ont si chaud, et pour que les oiseaux qui ont peur puissent rebâtir leur nid plus haut. (p. 68)
La nature telle qu’envisagée par Sœur Saint-New-York semble ainsi destinée à l’usage – dans la mesure des seuls besoins vitaux – plutôt qu’à l’exploitation – dans un objectif de tirer profit –, préfigurant le propos tenu ultérieurement par Inat : « Elle leur a été donnée, pas en morceaux mais tout entière, pour manger et pour marcher, pour s’asseoir dessus et se coucher dessus comme à Ines et à moi. » (p. 72). Ainsi, alors qu’il s’était assoupi pendant une grande partie du premier acte – ce qui est indiqué par les commentaires d’Inès et d’Isalaide, qui l’entendent ronfler (p. 37), puis par une didascalie qui indique qu’il est « endormi dur » (p. 43) –, Inat revigoré reprend dans le deuxième acte la thématique initiée par la religieuse et y va d’un discours virulent à propos de l’égalité des individus devant la terre. S’adressant à Ines et à Sœur Saint-New-York, il se fait particulièrement dénonciateur là où la religieuse énonçait surtout de grands principes. Selon lui, la terre devrait appartenir à tout le monde puisque tous·tes, pauvres ou riches et petit·e·s ou grand·e·s, sont fait·e·s de la même source, de la même matière, et sont donc égale·aux :
INAT TENDU – D’accord, nous sommes pauvres, et ça nous donne une sorte de petite taille, mais il ne nous manque rien qui ne nous soit pas dû. Nous sommes nés de la même eau que les autres, nous avons vu le même jour avec dans les os les mêmes minéraux. La terre nous revient autant qu’à eux. Ils ne l’ont pas fabriquée ; ils ne l’ont pas gagnée. Elle leur a été donnée, pas en morceaux mais tout entière, pour manger et pour marcher, pour s’asseoir dessus et se coucher dessus comme à Ines et à moi.
NEW-YORK – Oui ! Oui ! Oui !
INAT TENDU, s’enhardit – La terre n’est pas plus sortie de leurs mains que des nôtres. Ils sont tombés dessus, par hasard, sans même avoir eu le temps de le vouloir, en le voulant si peu que s’ils avaient voulu tomber à côté ils n’auraient pas pu. (p. 71-72)
Inat semble donc prôner une forme de collectivisme, à savoir un système où les moyens de production et les ressources appartiennent à tous·tes afin que chacun·e puisse avoir sa part de la nature et en profiter – par l’usage –, mais pas en tirer profit. Ainsi, alors que la religieuse déconstruit certaines expressions figées pour mener à bien sa réflexion sur la notion de propriété privée, le discours d’Inat est non seulement dénonciateur du fait que la terre est possédée par certains, mais également revendicateur par l’énonciation au « nous » de ses propres attributs – « pauvres » et « de petite taille » – et par l’affirmation d’un principe d’égalité – parce que « nés de la même eau […] avec dans les os les mêmes minéraux ». En ce sens, il concrétise par sa virulence la réflexion plus abstraite – ou théorique – de la religieuse. C’est aussi ce que fera Isalaide lorsqu’elle réfléchira à son tour la question en opposant le « ils » très concret des propriétaires terrien·ne·s aux « autres » dans sa propre dénonciation de la propriété privée.
L’aliénation de l’individu par le travail salarié : critique du mode de production capitaliste
Poursuivant sa déconstruction d’expressions populaires en réfléchissant à la possibilité de posséder – et donc de voler – un bœuf ou un œuf, Sœur Saint-New-York en vient finalement à critiquer le capitalisme industriel, basé sur la propriété privée, l’accumulation de richesse et l’exploitation du travail d’autrui :
Je vais prendre un meilleur exemple : les balles de tennis et les balles de ping-pong. Elles ne se font pas toutes seules, elles, par miracle ou ovulation… non ! Ce sont des gens qui les font et elles leur appartiennent jusqu’à ce que d’autres gens les leur achètent. Mais ce n’est pas juste non plus comme comparaison. Car, traditionnellement, ce n’est pas aux gens qui fabriquent les balles que les balles appartiennent, mais à ceux qui les font travailler : les propriétaires de la fabrique. (p. 68)
Affirmant d’abord erronément que les balles de tennis ou de ping-pong – comparées puis distanciées des œufs par l’emploi du mot « ovulation », qui n’est finalement pas leur mode de reproduction puisqu’elles sont le produit du travail humain – appartiennent, après avoir été fabriquées, aux « gens qui les font », la religieuse se rétracte puis décrit les rapports de production dans le système capitaliste : les balles appartiennent non pas à cell·eux qui les fabriquent, mais aux personnes qui font travailler ces artisan·e·s. Par ce propos, la Sœur met en lumière la nature capitaliste du fonctionnement de la structure industrielle : ainsi, l’idée selon laquelle le produit du travail des ouvrier·ère·s appartient en bout de ligne aux propriétaires des usines est en correspondance avec la logique capitaliste soutenue par « la propriété privée des biens de production22 ». Revenant sur son propos écologique, Sœur Saint-New-York souligne aussi que les usines sont fabriquées de matériaux naturels comme les roches et le bois, qui par essence n’appartiennent pas aux propriétaires d’usine ou à quiconque, mais plutôt aux plages et aux forêts. Elle explique donc comment toute la structure industrielle repose sur la prémisse de la propriété privée : cell·eux qui possèdent la terre peuvent en extraire les matériaux nécessaires à la construction d’une usine, dans laquelle iels feront travailler des ouvrier·ère·s dont iels s’accapareront les fruits du travail. Il ne manquerait finalement, pour que le portrait de la spirale du capitalisme soit complet, qu’à expliquer comment les propriétaires d’usine revendent les produits – aux ouvrier·ère·s qui les ont ell·eux-mêmes fabriqués ! – afin de s’enrichir pour acheter ce qui leur manque de la terre.
Puisque le travail en usine représente, dans cet esprit anti-capitaliste, l’aliénation des individus23, il va de soi que la pièce critique la survalorisation du travail. Lorsqu’elle lave les mains d’Inat, Sœur Saint-New-York remarque qu’elles ne sont pas abîmées et en fait l’éloge : « Tu as des mains douces d’homme qui n’a jamais rien fait, sinon aimer et caresser ce qu’il aime. » (p. 75-76). Allant à contre-courant des autres personnages qui se félicitent d’occuper un travail – au début de la pièce, Isalaide se targue de porter un « stéthoscope qui ne [lui] sert jamais, juste pour faire plus entière » (p. 49) et afficher sa fonction de vétérinaire –, la religieuse affirme ses propres valeurs : à l’instar d’Ines et d’Inat, elle préfère l’amour pur à l’ardeur au travail. Le propos le plus virulent par rapport au labeur provient toutefois d’Inat Tendu, qui exprime promptement à Soeur Saint-New-York son dégoût envers le travail manuel :
INAT TENDU, querelleur – À quoi voudriez-vous voulu que je travaille? À faire des balles dans une manufacture de tennis et de ping-pong? Personne ne me mettra dans la tête que c’est gagner sa vie que de la donner à un propriétaire d’usine. La vie est gratuite. Je ne l’ai pas payée et je ne la paierai pas. (p. 76)
Déconstruisant l’expression populaire « gagner sa vie » qui est associée au travail, Inat l’associe à son exact opposé : puisque l’ouvrier·ère n’est même pas propriétaire de ce qu’iel produit, travailler en usine revient bien plus à donner sa vie au propriétaire d’usine qu’à la gagner comme le veut le syntagme. Ainsi, il revendique la gratuité de la vie, sorte de façon de refuser l’asservissement par le travail pour autrui. De la même façon, questionnant ce « qu’a le travail de si méritoire » (p. 73), Inat Tendu retourne le raisonnement à l’envers et affirme qu’il est plus difficile de ne pas travailler que l’opposé :
INAT TENDU – Ce n’est pas la douleur puisque ce sont précisément ceux qui se décarcassent le plus que j’ai vu mériter le moins. Et que l’ennui pousse au suicide ne prouve-t-il pas que l’oisiveté est au moins aussi douloureuse que le travail? (…) N’ayez pas peur ; moi non plus je ne comprends pas. (p. 73)
Par l’expression de son refus du travail tel que pensé par la société capitaliste, Inat propose du même souffle une réflexion beaucoup plus large. En ne voulant pas « donner sa vie » à un propriétaire de manufacture, il se retrouve en fait à refuser un « travail aliéné », qui apporte peu aux travailleur·euse·s et tout à le·la propriétaire24. Ainsi, quand il refuse de participer à titre de travailleur à ce système dont il souligne la propension aliénante, Inat s’inscrit dans une ligne de pensée qui s’oppose entre autres à l’aliénation des humain·e·s par le travail, et aussi aux autres formes d’aliénation – de la Terre, des ressources naturelles et des animaux – dont se nourrit le capitalisme.
Le refus de toutes les aliénations
En conclusion, par la critique de l’exploitation de la terre par les humains, mais surtout par la dénonciation virulente du monde capitaliste basé sur le travail – et l’exploitation – des individus, Ines Pérée et Inat Tendu déploie, par le contenu et la dynamique des discours tenus par les personnages, un important sous-texte anti-capitaliste. Portée par les discours d’Ines, d’Inat et des autres personnages entraînés dans leur sillon qui vont à l’encontre des valeurs matérialistes de leur époque, mais surtout par l’expression de leur refus de cautionner quelconque aliénation – que ce soit celle de la nature, des animaux ou des humain·e·s – la pièce dresse une critique virulente des rapports de production. Parce que le fait de posséder implique forcément l’aliénation de quelque chose ou de quelqu’un, et que travailler revient à se faire posséder, Ines et Inat refusent en bloc toute la dynamique du capitalisme reposant sur la primauté de la propriété privée et sur le travail industrialisé au profit d’un·e propriétaire d’usine. Or, leur quête initiale d’un amour pur, véritable et absolu sera vaine. Dépouillé·e·s de leurs accessoires respectifs – leurs « petites idées », violon pour Ines et ailes de papillon pour Inat – par Isalaide qui les leur a finalement volés de même qu’elle avait repris leur dénonciation de la propriété privée, les enfants s’écrouleront, fatigué·e·s, inanimé·e·s, dans la scène finale de la pièce. Malgré cet échec – lequel fait d’ailleurs écho aux quêtes qui achoppent des autres personnages ducharmiens – Ines Pérée et Inat Tendu invite à remettre en question les principales valeurs d’un monde capitaliste puisque, par son propos, la pièce de Réjean Ducharme dénonce les mécanismes d’aliénation – propriété privée, travail salarié – qui constituent l’engrenage par lequel se maintient et se développe, aujourd’hui encore et peut-être même plus que jamais, la machine capitaliste.
Bibliographie
ALBERTINI, Jean-Marie, Capitalismes et socialismes à l’épreuve. Initiation aux régimes économiques, Paris, Les Editions Ouvrières, 1976, (« Initiation économique »).
ANDRÈS, Bernard, « Sur notre scène. Des enfants au pouvoir », Voix et Images, Vol. 2 / 3, 1977, p. 447‑450, [En ligne : https://www.erudit.org/en/journals/vi/1977-v2-n3-vi1414/200080ar/].
BEAUD, Michel, Histoire du capitalisme : 1500-2010, Paris, Seuil, 2010, (« Points »).
BIRON, Michel, DUMONT, François et NARDOUT-LAFARGE, Élisabeth, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2014, (« Boréal compact »).
CENTRE DES AUTEURS DRAMATIQUES, « Ines Pérée et Inat Tendu », Répertoire du Centre des auteurs dramatiques, [En ligne : https://www.cead.qc.ca/_cead_repertoire/id_document/1609].
DUCHARME, Réjean, Ines Pérée et Inat Tendu, Ottawa, Leméac/Parti pris, 1976, (« Théâtre »).
GIRARD, Gilles, « Du ludique au tragique. Le théâtre ducharmien », Québec français, Dossier : Réjean Ducharme, 1983, p. 44‑47.
GUAY, Hervé, « Voix résonnant dans la nuit / Caligula (remix) d’après Albert Camus / Ines Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme », Spirale, 2012, p. 84‑86, [En ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/spirale/2012-n241-spirale0185/67248ac/].
JAUBERT, Claire, De l’emprunt à l’empreinte. Les dramaturgies ducharmiennes, thèse de doctorat, Université Michel de Montaigne – Bordeaux III ; Université de Montréal, 2013, [En ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00994475].
MAILHOT, Laurent, « Le théâtre de Réjean Ducharme », Études françaises, Vol. 6 / 2, 1970, p. 131‑157, [En ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/etudfr/1970-v6-n2-etudfr1718/036438ar/].
MARX, Karl, Manuscrits de 1844. Économie politique & philosophie, Trad. Emile Bottigelli, Paris, Les Éditions Sociales, 1969.
PONTAUT, Alain, « Pour une place sur la terre », in Réjean Ducharme. Ines Pérée et Inat Tendu, Ottawa, Leméac/Parti pris, 1976, p. vii‑xix.
SAINT-JACQUES, Denis, « Le théâtre qu’on publie. Inès Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme », Lettres québécoises : La revue de l’actualité littéraire, 1977.
VIGEANT, Louise, « Le rêve inassouvi. Ines Pérée et Inat Tendu », Jeu : revue de théâtre, 1999, p. 35‑37, [En ligne : https://Www.erudit.org/en/journals/jeu/1999-n92-jeu1074471/16463ac/].
WICKHAM, Philip, « Compte rendu d’Ines Pérée et Inat Tendu », Jeu : revue de théâtre, 1992, p. 133‑135, [En ligne : https://www.erudit.org/fr/revues/jeu/1992-n63-jeu1070379/27992ac/].
-
Réjean Ducharme, Ines Pérée et Inat Tendu, Ottawa, Leméac/Parti pris, 1976, (« Théâtre »), p. 73.↩
-
Ibidem, p. 76.↩
-
D’abord montée en juin 1968 au Théâtre de la Sablière dans le cadre du Festival de Ste-Agathe (Centre des auteurs dramatiques, « Ines Pérée et Inat Tendu », Répertoire du Centre des auteurs dramatiques ; Gilles Girard, « Du ludique au tragique. Le théâtre ducharmien », Québec français, Dossier : Réjean Ducharme, 1983, p. 47), cette pièce a initialement vu son texte être diffusé de façon partielle – en fragments – dans la revue Châtelaine de mars 1968 (Laurent Mailhot, « Le théâtre de Réjean Ducharme », Études françaises, Vol. 6 / 2, 1970, p. 131‑157, p. 133 ; Denis Saint-Jacques, « Le théâtre qu’on publie. Inès Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme », Lettres québécoises : La revue de l’actualité littéraire, 1977, p. 19), avant qu’il ne fasse l’objet d’une plus large diffusion dans une version remaniée – ou « abrégée » (Gilles Girard, op. cit., p. 45 ; on retrouve la même information chez Denis Saint-Jacques, op. cit., p. 20.), et qui correspondait à la mouture que présentait alors la Nouvelle Compagnie Théâtrale (Centre des auteurs dramatiques, op. cit.) – coéditée par Leméac et Parti Pris en 1976 (Réjean Ducharme, op. cit). Pour les citations d’extraits de la pièce, je réfèrerai à la réimpression, largement diffusée aujourd’hui, effectuée par Leméac. Toutes les références à la pièce se feront en mentionnant le numéro de la page entre parenthèses.↩
-
Ou plutôt « très très bonne pièce en trois “zakes” » (p. 3), par la suite identifiés comme « première rake » (p. 7), « deuxième make » (p. 61) et « troisième make » (p. 91). Il n’y a pas de sous-division des actes en scènes.↩
-
Hervé Guay, « Voix résonnant dans la nuit / Caligula (remix) d’après Albert Camus / Ines Pérée et Inat Tendu de Réjean Ducharme », Spirale, 2012, p. 84‑86, p. 86.↩
-
Laurent Mailhot, op. cit., p. 134.↩
-
Gilles Girard, op. cit., p. 45.↩
-
À ce titre, Laurent Mailhot établissait déjà en 1970 des parallèles entre le jeune duo théâtral d’enfants « de vingt ans » (p. 3) et les autres « enfants » romanesques obsédé·e·s par l’idée d’un amour pur et plus grand que tout, notamment Bérénice et Mille Milles (Laurent Mailhot, op. cit., p. 137). On soulignera qu’au moment de la publication de ce travail, seuls les quatre premiers romans de Ducharme avaient été publiés. Denis St-Jacques qualifie pour sa part Ines et Inat d’« adolescents attardés » et les situe dans la même lignée que les autres personnages du même auteur, « à peu de choses près » (Denis Saint-Jacques, op. cit., p. 20). Dans sa préface à la réédition de la pièce, Alain Pontaut fera la même association : « De Bérénice à Christian, de Mille Milles à Chateaugué et d’Ines à Inat, de L’Avalée des avalés à cette pièce en passant par Le Nez qui voque, c’est toujours le même univers de ces deux très jeunes gens qui s’ébrouent follement dans la révolte contre le monde des hommes […]. » (Alain Pontaut, « Pour une place sur la terre », in Réjean Ducharme. Ines Pérée et Inat Tendu, Ottawa, Leméac/Parti pris, 1976, p. xii‑xiii ; il réitère ici une affirmation qu’il avait déjà faite en 1968 dans une critique favorable.) Enfin, c’est une opinion que partagent également les auteur·ice·s de l’Histoire de la littérature québécoise – qui ont davantage de recul puisqu’iels ont pu prendre la mesure du corpus complet de l’auteur – et pour qui Ines Pérée et Inat Tendu présentent « toutes les obsessions de l’œuvre de Ducharme », y compris le « lyrisme désespéré » et le « désir d’absolu » adossé au « cynisme des adultes » (Michel Biron, François Dumont et Élisabeth Nardout-Lafarge, Histoire de la littérature québécoise, Montréal, Boréal, 2014, [« Boréal compact »], p. 452).↩
-
Laurent Mailhot, op. cit., p. 140.↩
-
Bernard Andrès souligne toutefois que dans Ines Pérée et Inat Tendu, « ce sont les vieux qui les rejettent », et pas le contraire ; en demeure toutefois un même « constat d’échec de toute tentative de rapprochement ». (Bernard Andrès, « Sur notre scène. Des enfants au pouvoir », Voix et Images, Vol. 2 / 3, 1977, p. 448)↩
-
Philip Wickham, « Compte rendu d’Ines Pérée et Inat Tendu », Jeu : revue de théâtre, 1992, p. 133‑135, p. 133.↩
-
Louise Vigeant, « Le rêve inassouvi. Ines Pérée et Inat Tendu », Jeu : revue de théâtre, 1999, p. 35‑37, p. 37.↩
-
Gilles Girard, op. cit., p. 45.↩
-
Dans son Histoire du capitalisme, Michel Beaud définit le capitalisme non pas comme un « acteur » – ce sont les personnes (financier·ère·s, banquier·ère·s, dirigeant·e·s, salarié·e·s, producteur·ice·s, épargnant·e·s, consommateur·ice·s) qui sont des acteurs – ni comme un « système » – car il n’existe pas « une panoplie de systèmes entre lesquels on peut choisir » – mais comme une « logique sociale complexe » qui s’avère être « fortement enracinée dans les logiques multimillénaires de l’avoir et du pouvoir, de l’enrichissement et de l’échange ». Il désigne ainsi les « ingrédients » de la « nouvelle réalité » que constitue le capitalisme : « Il y a l’extension des relations d’argent et d’échange ; il y a une généralisation des relations de marché qui tendent à devenir des éléments essentiels du tissu social ; il y a l’entreprise qui, sur la base de l’anticipation du futur et de la comptabilité monétaire, établit ses choix de production en fonction des perspectives de profit et réinjecte les profits réalisés dans une nouvelle spirale productive ; il y a, avec la banque, le crédit, le commerce de la finance, la spéculation, de puissants moteurs qui enserrent, stimulent, dynamisent les fonctions productives et marchandes ; il y a de nouvelles relations entre toutes ces forces et l’État moderne ; il y a, de plus en plus rationnelle et systématisée, la mobilisation des potentialités techniques et des connaissances scientifiques en vue de la création de nouvelles marchandises ; il y a le jeu sur la capacité des riches et de ceux qui accèdent à la richesse à nourrir de nouveaux besoins […]. » (Michel Beaud, Histoire du capitalisme : 1500-2010, Paris, Seuil, 2010, [« Points »], p. 18‑21)↩
-
Alain Pontaut parle pour sa part d’une « quête inutile, éperdue de la pureté ». (Alain Pontaut, op. cit., p. xiii)↩
-
Dans la pièce, les enfants ne cherchent pas une mère pour remplir le rôle domestique – et accomplir le travail non-rémunéré – souvent associé à la maternité, et sont plutôt dans une quête symbolique.↩
-
Jean-Marie Albertini parle du régime capitaliste libéral – qu’il fait exister de 1750 à 1914 – comme de la mise en place du « règne du capital, de ses possesseurs et des impératifs de l’accumulation du capital » (Jean-Marie Albertini, Capitalismes et socialismes à l’épreuve. Initiation aux régimes économiques, Paris, Les Editions Ouvrières, 1976, [« Initiation économique »], p. 11), accumulation qui est rendue possible par le « profit » (Ibidem, p. 31).↩
-
Sa transformation – inexpliquée et soudaine – serait en quelque sorte un corollaire de l’intransigeance des deux enfants qui « traversent le monde adulte en préservant intégralement leur juvénilité, au point d’influencer à rebours les adultes qu’ils croisent, qu’ils “traversent” au passage en bouleversant parfois leur nature. » (Bernard Andrès, op. cit., p. 448‑449. Je souligne)↩
-
Karl Marx, Manuscrits de 1844. Économie politique & philosophie, Trad. Emile Bottigelli, Paris, Les Éditions Sociales, 1969, p. 55, l’auteur souligne.↩
-
La religieuse affirme elle-même être « si confuse » et ne plus savoir ce qu’elle dit (p. 67).↩
-
Laurent Mailhot, op. cit., p. 136. Cette appellation n’est pas sans ironie étant donné que l’URSS était, lors de la publication de la pièce en 1968, une grande puissance communiste. Denis St-Jacques attribue ces modifications à une volonté d’« élimin[er] certains discours trop précisément évocateurs d’idéologies actuelles, […], rapprochant en somme la fiction de l’univers fantasmatique dont elle origine » (Denis Saint-Jacques, op. cit., p. 20). Claire Jaubert émet pour sa part l’hypothèse que le nouveau nom s’explique par la propension de la religieuse de « faire des “ronds” de jambe » aux deux enfants (Claire Jaubert, De l’emprunt à l’empreinte. Les dramaturgies ducharmiennes, thèse de doctorat, Université Michel de Montaigne – Bordeaux III ; Université de Montréal, 2013, p. 157).↩
-
Jean-Marie Albertini, op. cit., p. 102. L’auteur explique d’ailleurs comment s’est opérée, suivant en ce sens la pensée marxiste, la suppression de la propriété privée des moyens de production lors de la révolution socialiste en U.R.S.S. (Ibidem, p. 101‑102).↩
-
C’est ce que Marx dénonce dans « Le travail aliéné » (Karl Marx, op. cit., p. 55‑70), expliquant d’abord comment l’ouvrier·ère est objectivé·e par le travail – qui fait « exist[er] en dehors d[‘el·]lui » le produit de son travail (Ibidem, p. 58) –, puis comment s’opère l’aliénation alors que « seule sa qualité d’ouvrier lui permet de se conserver encore en tant que sujet physique » (Ibidem, p. 58‑59), mais que sa qualité de sujet physique, « d’homme ayant directement accès aux moyens de subsistance que lui offre la nature » (Ibidem, p. 59), ne le lui permet pas. Le travail « n’est donc pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. » (Ibidem, p. 60)↩
-
« L’économie politique cache l’aliénation dans l’essence du travail par le fait qu’elle ne considère pas le rapport direct entre l’ouvrier (le travail) et la production. Certes, le travail produit des merveilles pour les riches, mais il produit le dénuement pour l’ouvrier. Il produit des palais, mais des tanières pour l’ouvrier. Il produit la beauté, mais l’étiolement pour l’ouvrier. […] Le rapport immédiat du travail à ses produits est le rapport de l’ouvrier aux objets de sa production. Le rapport de l’homme qui a de la fortune aux objets de la production et à la production elle-même n’est qu’une conséquence de ce premier rapport. » (Ibidem, p. 59. L’auteur souligne)↩
Emilie Drouin est doctorante en littératures de langue française à l’Université de Montréal. Elle s’intéresse, dans une démarche informée par la théorie narrative et la linguistique de l’énonciation, à la spectaculaire mise en scène de leur énonciation par plusieurs narrateurs et narratrices enfants du roman québécois contemporain, ainsi qu’aux questions sur leur identité soulevées par ce rapport particulier au langage. Elle a publié des articles dans les revues Fixxion, Fémur et Verbatim ainsi que dans le collectif À la carte : le roman québécois contemporain (2015-2020). Elle est membre du comité scientifique de la revue Fémur, du comité organisateur du colloque VocUM et membre étudiante du CRILCQ.
Les commentaires sont fermés, mais les rétroliens et signaux de retour sont ouverts.