Alexia Giroux, 2e cycle, Université du Québec à Montréal
Résumé : Roman de l’écrivaine française Virginie Despentes, Les chiennes savantes offre un regard ambivalent sur le sexe tarifié, rappelant les Sex Wars qui ont marqué les mouvements féministes des années 1980. Dans le cadre de cet article, je propose de m’intéresser à ces tensions en prenant appui sur les concepts du Male Gaze et du Female Gaze. Je souligne que le roman vacille entre ces deux « gaze ». La première partie de mon analyse montre que les femmes despentiennes retirent un pouvoir économique du travail du sexe en s’appropriant le Male Gaze et en développant un Female Gaze. Dans la deuxième partie, ce sont les hommes qui reprennent leurs privilèges, tirant profit de l’indépendance féminine.
Trigger Warning : il est question de violences à caractère sexuel.
Gloria Steinem, féministe et journaliste, écrivait, dans son texte « Érotisme et pornographie : une différence claire et nette », que « le mot “pornographie” comprend d’abord la racine porno, qui signifie “prostitution” ou “femmes captives”, nous prévenant ainsi qu’il ne s’agit pas d’amour réciproque, ou même d’amour, mais bien de domination et de violence à l’égard des femmes1 ». La vision de Steinem connote de manière péjorative l’univers pornographique au profit de l’érotisme, qu’elle valorise et qu’elle défend. Selon elle, l’érotisme relève d’une relation égalitaire, sans assujettissement, dans laquelle l’homme et la femme sont sujets de leur sexualité ainsi que de leurs désirs, ces derniers supplantant l’acte sexuel. La pornographie serait un rapport inégal entre les hommes, dans le rôle de sujet, et les femmes, dans celui d’objet. Steinem perçoit que les femmes sont objectivées dans la pornographie : seuls les hommes peuvent donc profiter du sexe tarifié. Dans le rapport pornographique ou prostitutionnel, les femmes ne sont, selon elle, que marchandise devant obligatoirement répondre aux pulsions sexuelles des hommes.
Toutefois, il faut noter que certaines représentations littéraires subvertissent ce rapport sujet-objet, en mettant à l’avant-plan des femmes pleinement conscientes de leur agentivité2. Dans ces textes, les travailleuses du sexe et les strip-teaseuses n’apparaissent plus comme des « femmes captives3 », mais plutôt comme des êtres pleinement conscients du pouvoir d’agir qu’elles possèdent à même leur corps et ses mouvements. Comme le note Virginie Despentes dans son célèbre essai King Kong Théorie, « ce qui gêne le plus dans le sexe tarifié n’est pas que la femme n’y trouve pas de plaisir, mais bien qu’elle s’éloigne du foyer et gagne son propre argent4 ». Les femmes peuvent-elles retirer un pouvoir économique du sexe tarifié, même si ce dernier peut être synonyme d’exploitation de leur corps ? Cette tension dans le travail du sexe, entre les pouvoirs économiques et sociaux des hommes et ceux des femmes, peut être lue dans le roman Les chiennes savantes de Virginie Despentes.
Ce roman à saveur policière offre en effet un regard ambivalent sur le sexe tarifié. Cette ambivalence, qui s’inscrit à même la trame narrative du roman, n’est pas sans rappeler les Sex Wars qui ont marqué les débats féministes des années 1980, et ceux qui règnent actuellement sur la question du travail du sexe. Lori Saint-Martin, dans son article « Feminism : Anti-Porn Movement and Pro-Porn Movement », rappelle que deux camps s’opposent durant cette « guerre » : des féministes croient que la pornographie participe aux violences à caractère sexuel qui touchent les femmes ; d’autres perçoivent le travail du sexe comme une loupe qui pointe directement sur l’exploitation du corps de la femme par les hommes5. Cette tension peut être lue dans le récit des Chiennes savantes, qui prend place à l’Endo, un peep-show lyonnais dirigé par un réseau de prostitution qui a à sa tête une femme surnommée la Reine-Mère. Louise, narratrice et personnage principal, raconte sous la forme d’un journal les jours qui précèdent et qui suivent la mort de Lola et Stéfanie, deux de ses partenaires de scène, qui sont violemment assassinées. Une enquête s’enclenche : Louise tente de découvrir le coupable de cette sordide affaire. Pendant cette enquête, elle fait notamment la rencontre de Victor, un homme qui brutalise les femmes qu’il rencontre, mais qui fait aussi tomber follement amoureuses de lui ces dernières. Louise sera violée par Victor, mais tombera à son tour sous son charme et ira jusqu’à trahir ses ami.e.s, tuant l’une d’elle par fidélité à Victor. Si, alors que Louise tente de trouver le coupable, les soupçons des lecteurs sont d’abord tournés vers Victor et Saïd – un autre personnage masculin du roman – c’est finalement Laura, la copine de ce dernier, qui est la responsable : elle a assassiné les deux jeunes danseuses par jalousie.
Je m’intéresserai donc à cette oscillation, telle que décrite par Saint-Martin, entre le travail du sexe comme source d’empowerment et le sexe tarifié comme exploitation du corps de la femme par les hommes. J’analyserai cette tension, qui parcourt l’entièreté du roman de Despentes, par le biais des notions de Female Gaze (regard féminin) et de Male Gaze (regard masculin). D’un côté, les femmes aspirent à s’implanter dans le domaine de la pornographie, à devenir sujet de cet univers, notamment en usant d’un Female Gaze ; d’un autre côté, les hommes6 souhaitent conserver la main mise sur la domination de ces femmes. Toutefois, dans Les chiennes savantes, il semble que les hommes reprennent finalement leurs privilèges, tirant profit de l’indépendance féminine acquise par le travail du sexe. L’objectif de cet article sera par conséquent d’esquisser un pont entre deux idées qui, bien que différentes, se répondent. Alors que Mulvey affirme que les femmes ne sont pas productrices de sens dans le Male Gaze, mais plutôt porteuses de sens, dans mon analyse, je tracerai un lien entre l’appropriation du pouvoir monétaire comme reprise de la femme comme « valeur marchande » et l’appropriation d’un « gaze » d’ordinaire assujettissant pour les femmes qui en sont l’objet.
Le Male Gaze et le Female Gaze
D’abord théorisé dans l’univers cinématographique par Laura Mulvey, le Male Gaze s’inscrit, selon la théoricienne, dans plusieurs œuvres cinématographiques7 : ces dernières seraient vecteurs de satisfaction pour le plaisir visuel masculin. Reprenant les grandes lignes des théories freudiennes, Mulvey affirme que l’univers du cinéma offre au spectateur masculin une possibilité d’identification directe avec le point de vue de la caméra : « As the spectator identifies with the main male protagonist, he projects his look on to that of his like, his screen surrogate, so that the power of the male protagonist as he controls events coincides with the active power of the erotic look, both giving a satisfying sens of omnipotence. » (Mulvey 1989, 20) De plus, et toujours dans le sens de cette omnipotence, le Male Gaze fragmente le corps de la femme : il n’en regarde que certaines parties. Devenant objets du regard masculin, les femmes sont alors dépourvues de subjectivité, d’énonciation et de pouvoir sur la trame narrative de l’histoire : elles sont construites en tant qu’elles répondent aux fantasmes du Male Gaze. Ce dernier se transpose dans la littérature, devenant l’apanage quasi-exclusif des écrivains masculins. Dans de nombreuses œuvres littéraires, les personnages littéraires féminins sont tout dépourvus d’agentivité que dans l’univers cinématographique : c’est le Male Gaze qui dicte les actions des protagonistes et le point de vue narratif ; elles ne sont pas pensées comme sujets dans ce type d’œuvres.
Si le texte de Laura Mulvey se termine en offrant des solutions qui permettraient de renverser le regard masculin qui fragmente, celui d’Iris Brey pose pour sa part8 le terme Female Gaze, qui se positionne contre le regard masculin. Brey dit ceci :
Si nous devions définir le female gaze, ce serait donc un regard qui donne une subjectivité au personnage féminin, permettant ainsi au spectateur et à la spectatrice de ressentir l’expérience de l’héroïne sans pour autant s’identifier à elle. […] Le female gaze, par conséquent, n’est pas un « portrait de femme », la question n’est pas seulement d’avoir un personnage central, mais d’être à ses côtés. Nous ne la regardons pas faire, nous faisons avec elle9.
En effet, le regard féminin10 se détache, contrairement au regard masculin, d’une identification au personnage de la diégèse. Il s’interroge plutôt sur l’expérience de la spectatrice du film et sur l’histoire et l’expérience vécue du personnage féminin. Un rapport d’égal à égal se construit : il n’est plus question d’identification, mais plutôt de sentiments partagés, selon Brey.
Performance du genre et travail du sexe : l’acquisition d’une agentivité et d’un pouvoir économique dans l’univers du peep-show
Virginie Despentes, dans l’introduction de King Kong Théorie, résume en une phrase l’entièreté de son projet romanesque : « J’écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf 11. » L’autrice offre alors un espace de libération pour les femmes, celles souvent éjectées des trames narratives. Le regard change. Dans Les chiennes savantes, les femmes ne sont pas, comme le mentionnait Laura Mulvey dans « Visual Pleasure and Narrative Cinema », « tied to [their] place as bearer, not maker, of meaning 12 ». D’autant plus, les travailleuses du sexe représentées dans le roman ne deviennent pas pour autant source de valeur monétaire pour les hommes. C’est notamment le cas de Louise qui, narratrice, tient le fil de l’histoire. Plus encore, la proxénète à la tête de l’Endo est une femme, et les danseuses et prostituées sont montrées en tant qu’elles contrôlent leurs revenus.
Cette acquisition du pouvoir économique passe, dans Les chiennes savantes, par la mise en place d’un Female Gaze et par l’appropriation du Male Gaze. La première scène du roman, celle du mercredi 6 décembre 16 h, s’ouvre dans les loges de L’Endo. Les femmes se préparent. Louise examine ses collègues : elle décrit leurs mouvements, leurs paroles. Par les descriptions et par le regard de Louise, les femmes se font donner une agentivité. En effet, la narration note des détails qui semblent anodins, mais qui, en fait, ne se rapportent plus seulement à leur corps et à leur sexualité : « [Lola] avait accroché à la porte de son propre casier des portraits en pied de Sotomayor et de tous les Boli, et parfois les contemplait d’un air songeur 13. » La protagoniste montre la multiplicité des expériences des danseuses, ainsi que leur personnalité. Comme narratrice, elle le fait aussi par le biais de sa propre subjectivité marquée par l’usage du « je » narratif. Les entrées notées avec la date et l’heure rendent compte de l’agentivité narrative que possède Louise. Si cette dernière omet certains évènements, elle fait en cela le choix de présenter les femmes qui l’entourent. Ainsi, Louise est la source à la fois de la narration mais aussi du regard porté sur l’univers pornographique.
Le regard de Louise permet ceci : le renversement du modèle narratif patriarcal, notamment celui porté sur le sexe tarifié, au profit d’un récit au féminin. Alors que le sexe tarifé est généralement représenté dans la survalorisation du masculin, notamment lorsque les hommes se masturbent et objectivent le corps des femmes, ce point de vue, par ailleurs lui aussi mis en scène dans le roman, est remplacé par celui de Louise. Donner la voix à cette femme permet de pointer un autre pan du monde de la pornographie : Louise raconte elle-même son expérience, sans pour autant faire l’impasse sur les violences qui y sont associées. Les femmes représentées par Louise sont en pleine possession de leur corps et savent ce qu’elles peuvent en tirer. Plus encore, en observant les hommes qui les regardent, elles savent ce que ceux-ci aiment, et peuvent en tirer profit : « À force, je m’étais rendu compte que c’est exactement comme ça qu’ils [les hommes] voulaient qu’on leur parle, avec des voix qui n’existaient pas dans le registre courant. Des voix de filles “comme ça”. Des voix idiotes et bien crispantes. Bandantes, quoi. » (CS, p. 27) Grâce à leur connaissance du Male Gaze, les femmes ridiculisent le désir des hommes pour l’utiliser à leur avantage. De plus, en répondant aux attentes des hommes, les travailleuses du sexe gagnent davantage d’argent, et s’approprient le pouvoir économique. Par conséquent, et dans ce cas-ci, l’exploitation du corps des femmes s’efface : les femmes ont le contrôle de leur corps. Despentes déclare dans son essai King Kong Théorie :
La sexualité masculine en elle-même ne constitue pas une violence sur les femmes, si elles sont consentantes et bien rémunérées. C’est le contrôle exercé sur nous qui est violent, cette faculté de décider à notre place ce qui est digne et ce qui ne l’est pas14.
Dans Les chiennes savantes, toujours dans cette optique de réappropriation du pouvoir sexuel, c’est encore un tel contrôle des corps qui échappe à Gino, le patron qui gère le peep-show. En effet, alors que Louise affirme que ce métier la rend heureuse et qu’elle adore être sur la scène et dans les cabines, le texte souligne que Gino souhaiterait pour sa part que Louise déteste son travail. Toutefois, Louise aime être une danseuse : elle utilise son corps, elle jouit d’être dans le Male Gaze tout en se l’appropriant : « Mais ce que Gino supportait le plus mal, ça n’était pas le manque à gagner. Ce dont il n’osait même pas parler, parce que ça lui faisait honte tellement il trouvait ça dégradant, c’était que j’aimais ça, et que ça crevait les yeux. » (CS, p. 118, je souligne) Ainsi, Les chiennes savantes mettent d’abord de l’avant un monde dans lequel les femmes ont le contrôle, à la fois diégétique et narratif : même si Gino souhaitait la mettre à la porte, la Reine-Mère, qui dirige le réseau de L’Orga, s’y opposerait ; et alors que Gino n’est qu’un simple personnage qui n’a pas de pouvoir sur le cours de l’histoire, c’est Louise qui a le plein contrôle de la narration.
Pareillement, dans King Kong Théorie, lorsque Despentes aborde sa propre expérience du travail du sexe, elle explique que cet emploi lui permettait de prendre conscience de son pouvoir. Les regards, maintenant tournés vers elle, lui permettent de comprendre les rouages de ce regard masculin. Elle affirme que le travail du sexe lui offrait la possibilité de revêtir une féminité et de la performer : « Finalement, aucun besoin d’être une mégabombasse ni de connaître des secrets techniques insensés pour devenir une femme fatale… il suffisait de jouer le jeu. De la féminité 15. » Elle prend aussi conscience du pouvoir qu’elle peut avoir sur les hommes : « Les Américaines, quand elles témoignent de leurs expériences de ̎travailleuses du sexe ̎, aiment employer le terme ̎empowerment ̎, une montée en puissance. J’ai tout de suite aimé l’impact que ça donnait sur la population masculine16 ». Ces comportements sociaux et ces postures imposées peuvent donc être subvertis et déjoués.
Sur la quatrième de couverture, le roman de Despentes est résumé ainsi : « Quand les poupées prennent la parole et se démaquillent, elles ne ressemblent pas tout à fait à ce qu’on croyait savoir d’elles. » (CS, quatrième de couverture) L’Endo agit comme une salle de spectacle, où les strip-teaseuses endossent un personnage qui n’est pas leur visage. Lorsqu’elles se préparent, les danseuses enfilent d’autres vêtements qui diffèrent de ceux qu’elles portent habituellement : « Stef se préparait, pliant militairement chaque sape de ville qu’elle quittait et dépliant tout aussi rigoureusement chaque sape de travail qu’elle enfilait. » (CS, p. 16) Changer de parure et d’attitude constitue ici la première étape dans une performance vers l’obtention d’un pouvoir économique. En effet, durant six pages, Louise doit offrir un strip-tease à la hauteur des attentes : « Il y avait un petit escalier, avant la scène ; en montant, je prenais mon élan, sourire de jeune louve » (CS, p. 22, je souligne). Le peep-show, pour qu’il ait lieu, doit répondre à une liste d’étapes et de codes à respecter pour mettre en évidence les désirs et les fantasmes des clients qui se présentent. Cette première étape consiste à gravir les escaliers et à prendre un « sourire de jeune louve » pour séduire les hommes du peep-show. Louise commente cette première étape : « Je faisais ça une dizaine de fois par jour, mais je n’omettais jamais de soigner mon entrée. Mains sur les hanches, je me tenais quelques secondes immobile » (CS, p. 22). Louise, ayant observé les mécanismes du Male Gaze dans les cabines, sait ce qu’elle devrait faire pour prendre le contrôle des hommes et pour ainsi s’approprier le pouvoir économique. À la fin de la soirée, les danseuses regagnent leur loge, enlèvent leur costume et retournent à la vie normale. Leur personnage prend fin dès qu’elles quittent L’Endo. Si la ville était le lieu du spectacle, elle devient plutôt celle dominée par les hommes, par la société patriarcale. L’Endo était le lieu du spectacle, il devient plutôt celle dominée par les hommes, par la société patriarcale.
Le renversement narratif et l’exploitation du corps des femmes : le Male Gaze à l’œuvre
Même si les femmes despentiennes possèdent une subjectivité et une agentivité, cela n’empêche pas les hommes d’obtenir, éventuellement, un contrôle absolu des corps féminins dans Les chiennes savantes. En effet, un discours machiste est reconduit par les personnages masculins qui jugent le corps des femmes. Le pouvoir économique semble alors s’effacer pour redonner place à une représentation de l’exploitation du corps des femmes. Alors que Louise, Guillaume – son frère – et son ami Julien se retrouvent ensemble, ce dernier n’hésite pas à placer, au cours d’une conversation, un commentaire déplacé sur le corps de Roberta, une collègue de Louise : « À ta place, j’éviterais de m’habiller si court […] Ça m’écœure, c’est la cellulite, par paquets comme ça je trouve ça dégueulasse. » (CS, p. 53, je souligne) Cette remarque traduit un cercle vicieux : les femmes, même si elles souhaitent obtenir une subjectivité, une agentivité ou un pouvoir, sont constamment rattrapées par le regard des hommes lorsqu’elles sont dans la ville, comme si elles étaient sur leur lieu de travail. Dans ce discours rapporté directement, le « je » traduit les paroles de Julien. Il tente de renverser le pouvoir et de se l’approprier en insultant et en réduisant Roberta à son corps, à son paraître.
La narratrice du livre Les chiennes savantes n’affirme et n’illustre donc pas une vision utopique de l’univers de la pornographie et du peep-show ni une parfaite reprise de contrôle du regard et du pouvoir par les femmes du roman : c’est un regard ambivalent et nuancé qui domine. Elle montre aussi l’autre pan de ce monde, c’est-à-dire la méchanceté, la violence, les jugements sur le corps féminin et les violences sexuelles. De nombreux crimes sont commis contre des travailleuses du sexe. Ainsi, dans Les chiennes savantes, un renversement narratif a lieu alors que les hommes de main de madame Cheung entrent dans L’Endo17. Des femmes sont blessées : l’une d’entre elles, dont le nom est inconnu18, qui était couverte de piercings, n’en a plus aucun après qu’ils aient été violemment arrachés. Son corps est alors montré aux autres danseuses, brandi comme un drapeau, un étendard que les hommes lèvent dans le but d’affirmer leur pouvoir. Louise et les autres danseuses ne sont, pour ces hommes, que de simples objets qu’ils doivent tasser, et donc violenter, pour accéder au pouvoir. Ainsi, alors que la première partie du roman laissait entrevoir une appropriation de l’injure « chienne »19, la deuxième moitié des Chiennes savantes propose un autre discours : la chienne qui savait est maintenant la chienne battue20. L’assassinat de Stef et de Lola, qui survient au début du roman, annonçait déjà ce renversement dans la narration, celle de la tentative d’appropriation de l’univers pornographique du peep-show, pour en faire, comme auparavant, un monde strictement dominé par le regard masculin et par l’exploitation du corps des femmes. Ce renversement semble prendre forme au moment où Roberta fait part de ses inquiétudes à Louise, à la suite du meurtre de Stef et Lola : « T’as vécu comme une chienne, tu vas mourir comme une chienne, on va t’ôter la peau au couteau, pour qu’ils reluquent ce qu’il y a en dessous » (CS, p. 111). Ici, l’appropriation de l’injure « chienne » semble s’effacer ; les femmes redeviennent les victimes des hommes. Leur corps est morcelé : il n’existe plus dans son entièreté, dans toute son agentivité. Les travailleuses du sexe sont traitées « comme [des] chienne[s] » (CS, p. 171). Et si les passages cités précédemment montraient déjà ce changement de régime, c’est l’extrait suivant qui, à partir d’une élaboration autour de l’insulte « chienne » qui prend un sens propre dans la diégèse, donne le ton au reste du récit :
Le chien, derrière, s’est mis à tourner en rond, en gémissant, faisant trembler la voiture et Laure a redémarré. Ses yeux dépassaient à peine du volant. Et, à partir de ce jour, les rues prirent une autre dimension, rajout de taches sombres sur tout le quartier […] Tout devenait menaçant, sale et humide, les allées obscurcies. Mauvais silence alentour, une abominable tranquillité sournoise qui ne durerait pas. (CS, p. 199)
La ville n’est plus qu’un simple lieu de spectacle où les femmes se transforment en tant que sujettes pleinement conscientes de leur pouvoir ; il devient un lieu menaçant (« sale », « humide », « mauvais silence »). La présence du chien peut rappeler le titre du roman que j’ai brièvement expliqué plus haut. Le gémissement qu’émet la bête renvoie à cette peur qui, maintenant, accable les protagonistes du roman Les chiennes savantes. L’agentivité a été retirée aux femmes : les yeux de Laure ont presque disparu derrière le volant. Le regard féminin est tranquillement remplacé au profit du regard masculin. En effet, L’Endo est incendié par les hommes de madame Cheung. Les femmes n’ont donc plus aucun emploi. Il ne leur reste plus que la ville.
Les violences patriarcales : tension dans l’œuvre despentienne
À la suite de cette scène dans laquelle Louise observe les décombres de l’Endo et note que « [les yeux de Laure] dépassaient à peine du volant », un autre évènement marque la narration et montre que le regard masculin domine. Louise, se présentant à l’appartement d’une amie, est violée par Victor. Certaines études despentiennes, dont celle de Brassard, affirment que « les personnages [despentiens] désacralisent leur sexe pour désamorcer le trauma, et s’approprient l’acte sexuel comme violence21 ». D’autres s’opposent à cette réappropriation du viol et affirment que cette scène rappelle la domination masculine et l’hétéropatriarcat22.
Le viol n’est pas effacé : le lectorat y est confronté de plein fouet. La scène est explicite et elle dépeint une extrême violence : « [Victor] s’est aidé d’une main, coup de reins, rentré dedans et je n’ai même pas crié, j’étais tellement sûre que j’allais mourir. Second coup de reins, longtemps après le premier, même brusquerie, comme s’il venait me chercher quelque chose au fond. » (CS, p. 225) La violence de la scène rappelle le Male Gaze qui morcèle le corps de la femme. Le Female Gaze n’est plus présent dans cette deuxième partie du roman : le regard masculin domine et le lectorat assiste à une scène d’agression d’une terrible violence. Chez Louise, toute agentivité disparaît. Le pénis devient alors, pour Louise, le « truc » (CS, p. 223). Le silence qui suit ce viol souligne un temps d’arrêt dans la diégèse, un moment auquel le lectorat n’a pas accès. Le Male Gaze se transpose à même la narration : cette dernière est morcelée. Le lectorat n’a pas accès à l’entièreté de la scène, ce qui peut témoigner de sa violence. En effet, cette pause dans la narration témoigne de l’incapacité de Louise à bouger sous la force de Victor qui l’agresse. À ce moment, la narration prend un autre tournant. Une petite voix dans la tête de Louise la victimise et essaie de lui faire croire qu’il s’agit de sa faute : « Il ne fallait pas venir, et tu le savais. » (CS, p. 226, l’autrice souligne) Cette victimisation dénote chez Louise une intériorisation de son statut d’objet, alors qu’elle devient la victime de Victor. Plus tard dans la diégèse, elle ira jusqu’à tuer Sonia pour laisser la vie sauve à son violeur23. Louise devient alors insensible à l’agression qu’elle a vécue, et explique pendant le viol : « Je m’ennuyais, globalement. Je restais sans réaction, fatiguée, étrangère à tout ça. Ça ne m’avait rien fait, je m’étais même ennuyée. » (CS, p. 249, je souligne) Elle n’a plus aucune agentivité sur cet évènement. Elle ne ressent aucune émotion, aucun sentiment.
Pour conclure, le sexe tarifié, dans la première partie du roman de Despentes Les chiennes savantes, se présente comme un travail duquel les femmes retirent une autonomie et un pouvoir économique. Ainsi, les femmes renversent l’idée que le sexe tarifié est synonyme d’exploitation du corps féminin. Elles en retirent plutôt une agentivité : elles performent leur genre pour répondre aux attentes et aux désirs sexuels des hommes, s’appropriant ainsi le pouvoir économique des hommes, à travers une sexualité montrée notamment comme une performance qui leur permet d’obtenir de l’argent.
Cependant, la deuxième partie du roman s’oppose à l’idée qui domine la première moitié : les hommes, violentant psychologiquement et physiquement les femmes, se réapproprient un pouvoir sur leur corps. Ces actes de violence font croire au lectorat que les hommes ont finalement le plein-pouvoir sur les femmes et que ces dernières n’ont donc plus d’autonomie sociale et économique. Cette oscillation entre le Male Gaze et le Female Gaze, qui traverse l’entièreté du roman Les chiennes savantes, se reproduit jusqu’aux toutes dernières lignes. En voiture avec Laure24, l’assassin de Lola et Stef, Louise appuie sur l’accélérateur et s’apprête à prendre un virage à toute vitesse. La fin laisse présager la mort des deux personnages, mais Michèle A. Schaal rappelle ceci à propos de cette dernière scène »:
Les études portant sur le roman prennent généralement pour acquis la mort de Louise. Or, rappelons que le récit est un journal intime rétrospectif. Cela implique que, pour rapporter sa conversation avec Laure, Louise a survécu à l’accident qu’elle provoque. La fin des Chiennes savantes peut alors à nouveau s’interpréter de manière allégorique : bien qu’inéluctable, l’on peut toutefois survivre et peut-être, comme le proposera Despentes dix ans plus tard dans son manifeste, dépasser l’hétéropatriarcat25.
Cette oscillation s’inscrit jusqu’à la fin du roman de Virginie Despentes. Le lectorat fait face à une fin ouverte et il peut se questionner sur le regard qui domine aux toutes dernières lignes du roman. Il faut se rappeler ceci : le Female Gaze offre une agentivité, et le journal intime permet à quiconque qui y écrit de s’exprimer par le biais d’un « je » subjectif. En racontant de manière rétrospective les évènements marquants de ce mois de décembre à Lyon en tant que travailleuse du sexe, Louise reprend-elle, d’une certaine façon, le contrôle de la narration et dépasse-t-elle l’hétéropatriarcat, pour le dire avec Michèle A. Schaal ? La fin ouverte permet au lectorat de prendre position26 ? Louise a-t-elle dépassé le Male Gaze, se trouve-t-elle dans le Female Gaze ? Peut-on conclure que la protagoniste des Chiennes savantes, en retrouvant une agentivité dans l’écriture du journal intime et dans le récit de son histoire, se réapproprie le Male Gaze et son pouvoir social et économique ?
Bibliographie
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DELVAUX, Martine, Les filles en série: des Barbies aux Pussy Riot, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 2013.
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DESPENTES, Virginie, Les chiennes savantes, Paris, Librairie générale française, 2016, (« Le Livre de poche »).
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SCHAAL, Michèle A., « Les Chiennes savantes de Virginie Despentes ou l’hétéropatriarcat triomphant », Rocky Mountain Review, Vol. 72 / 1, 2018, p. 77‑104, [En ligne : https://www.jstor.org/stable/90023693].
STEINEM, Gloria, « Érotisme et pornographie : une différence claire et nettre », in L’Envers de la nuit: les femmes contre la pornographie, Trad. Monique Audy et Martin Dufresne, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 1983, p. 35‑40.
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Gloria Steinem, « Érotisme et pornographie : une différence claire et nettre », in L’Envers de la nuit: les femmes contre la pornographie, Trad. Monique Audy et Martin Dufresne, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 1983, p. 35‑40, p. 37.↩
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Dans mon article, lorsque je fais mention de la notion d’« agentivité », je me réfère à la définition d’Isabelle Boisclair. Cette dernière montre, à travers son analyse du sexe tarifié dans quelques romans québécois, l’ambivalence avec laquelle certains personnages envisagent le travail du sexe : « On considérera ici que l’agentivité inclut la subjectivité, tout en la dépassant : si la subjectivité concerne le sentiment de soi, l’agentivité renvoie au pouvoir d’agir. Ainsi, faire montre d’agentivité est nécessairement faire preuve de subjectivité ». Isabelle Boisclair, « L’agentivité sex/tex/tuelle de la travailleuse du sexe à travers le prisme de l’écriture au Je », Recherches féministes, Vol. 32 / 1, 2019, p. 35‑47, p. 35↩
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Gloria Steinem, op. cit., p. 37.↩
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Je souligne. Virginie Despentes, King Kong théorie, Paris, Librairie générale française, 2016, (« Le livre de poche »), p. 78.↩
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Saint-Martin pointe l’émergence d’un autre camp qu’elle nomme le « anti-censorship camp ». Ce dernier se positionne contre les « anti-pornography feminists’ : « The anti-censorship camp emerged mainly in reaction to anti-pornography feminist’s work, criticizing not only their calls for censorship but also their view of women and of heterosexual sex». [@brulotte_feminism_2006, p. 455 ; 456]↩
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Déjà, le roman débute par une appropriation du monde du travail du sexe : une femme dirige L’Endo. La vision traditionnelle de l’institution du travail du sexe se renverse. Les femmes sont à la tête : elles ont le pouvoir. Par contre, il faut toujours se rappeler cette oscillation : exploitation des femmes et empowerment se rencontrent et s’entrechoquent. Les femmes, tout comme les hommes, peuvent participer à cette exploitation, à ce regard masculin.↩
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Dans son analyse, Laura Mulvey nomme, entre autres, Sueurs froides (Vertigo) et Fenêtres sur cour (Rear Window) d’Alfred Hitchcock.↩
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Mulvey n’utilise pas le terme Female Gaze dans son texte, même si elle offre des solutions pour dépasser le Male Gaze. Dans son essai, Brey mentionne que le terme Female Gaze est employé par plusieurs auteur.trice.s, sans toutefois être clairement défini. Elle s’engage, dans son ouvrage, à définir le Female Gaze. Iris Brey, Le regard féminin. Une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, 2020, (« Les feux »), p. 36‑37↩
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Ibidem, p. 39‑40.↩
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Aussi, le Female Gaze décrit ce que le Male Gaze n’aborde pas : la sexualité, les sensations et les désirs des femmes.↩
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Virginie Despentes, op. cit., p. 9.↩
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Laura Mulvey, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Visual and Other Pleasures, Éd. Indiana University Press, 1989, p. 15‑26, p. 19.↩
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Virginie Despentes, Les chiennes savantes, Paris, Librairie générale française, 2016, (« Le Livre de poche »), p. 16. Dorénavant, les références à l’œuvre analysée seront indiquées par le sigle CS.↩
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Je souligne. Virginie Despentes, op. cit., p. 85.↩
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Je souligne. Ibidem, p. 64.↩
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Ibidem, p. 63.↩
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Il faut aussi noter que les hommes de madame Cheung ouvrent le feu sur Gino. Mon analyse tend plutôt à analyser les répercussions de ces violences sur les femmes et leur corps.↩
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Je rappelle ce que Martine Delvaux soulignait, en paraphrasant les propos d’Alan Gardiner, dans Les filles en série : « Dans sa Théorie des noms propres, Alan Gardiner suggère que ce qui est définit comme un nom propre, c’est sa sonorité, le fait qu’il y a un rapport essentiel, direct, entre un individu et son nom. Si le nom importe, c’est qu’il est inscrit dans le réel […]. Nommer a à voir avec la mise au monde. On baptise, on inaugure, on nomme : le nom fait exister. » Martine Delvaux, Les filles en série: des Barbies aux Pussy Riot, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 2013, p. 126‑127.↩
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À propos de l’appropriation de l’injure « chienne » et du titre du roman de Despentes, Léonore Brassard mentionne ceci dans son mémoire de maîtrise : « Le roman de Despentes parasite l’expression “chienne savante” au sens propre – elles sont des chiennes qui savent – et au sens figuré – elles sont des femmes qui copient bêtement le savoir des hommes –, et c’est cela aussi qui leur donne du pouvoir, de la violence » (Léonore Brassard, Le défaut de l’âme : performance et ironie du genre dans L’Ève future d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam et Les chiennes savantes de Virginie Despentes, mémoire de maîtrise, Université de Montréal, 2016, p. 35‑36.). Sur la question du titre du roman de Despentes et de l’appropriation de l’injure « chienne », voir , Ibidem.↩
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Schaal avance cette idée dans son article. Elle affirme ceci : « Ensuite, Louise et les protagonistes femmes peuvent s’interpréter à la manière de la belle dans le film King Kong : choisir l’hétérosexualité, c’est renoncer à son autonomie (KKT 123). Ceci signifie aussi la perte de la force créative et de la solidarité que mentionne Rich. Devenir une “chienne” ne signifie donc pas uniquement devenir une femme stigmatisée pour sa sexualité débridée mais une partisane aveugle de l’hétéropatriarcat ». Michèle A. Schaal, « Les Chiennes savantes de Virginie Despentes ou l’hétéropatriarcat triomphant », Rocky Mountain Review, Vol. 72 / 1, 2018, p. 77‑104, p. 94↩
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Léonore Brassard, op. cit., f 114.↩
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Cette partie de mon analyse révèle l’ensemble de la tension entre les hommes et les femmes qui se profile dans tout le roman. Les critiques ont de la difficulté à s’entendre sur la deuxième moitié du roman qui suit le viol de Louise par Victor. En effet, pour certaines, Louise est complètement détachée de la scène. Elle ne bouge plus ; elle ne réagit plus. Pour d’autres, le fait que Louise continue à partager du temps avec Victor et qu’elle tue Sonia montre qu’elle intériorise les règles de la domination masculine, et donc, contribue à asseoir le pouvoir des hommes. Voir les critiques suivantes : Virginie Sauzon, « Virginie Despentes et les récits de la violence sexuelle : une déconstruction littéraire et féministe des rhétoriques de la racialisation », Genre, sexualité & société, 2012. ; Michèle A. Schaal, op. cit.↩
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Ibidem, p. 86.↩
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D’une certaine façon, Laure reproduit les violences patriarcales en assassinant Lola et Stef. À la manière des hommes des Chiennes savantes, elle retire, par le meurtre, le pouvoir économique des travailleuses du sexe. Ces dernières ne peuvent plus exercer le travail qu’elles effectuaient et duquel elles retiraient, d’une part, de l’argent et, d’autre part, une indépendance. Le meurtre met fin à toutes possibilités : celle de s’approprier le Male Gaze et celle d’acquérir le Female Gaze.↩
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Ibidem, p. 96.↩
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Cette prise de position rappelle celle des Sex Wars et des différents camps qui s’affrontaient. Le roman, comme mentionné dans mon analyse, reprend cette oscillation et ces tensions. La fin reproduit ces dernières.↩
Alexia Giroux est candidate à la maîtrise en études littéraires avec concentration en études féministes à l’Université du Québec à Montréal. Son mémoire, sous la direction de Lori Saint-Martin, porte sur les représentations de l’amitié interraciale dans Lucy de Jamaica Kincaid et dans L’autre moitié de soi de Brit Bennett. Elle fait partie du comité de rédaction de la revue FéminÉtudes et elle est co-rédactrice en chef de la revue Postures. Elle a publié des articles dans Postures et Fémur.