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Le dispositif visiophonique comme lieu de rencontre

Margot Mellet, 3e cycle, Université de Montréal

Résumé : Cet article propose d’étudier la modélisation de la rencontre dans le principe du dispositif visiophonique : comment le média numérique nous met-il en contact ? Comment fait-il effet de présence ? Qui rencontrons-nous dans une visio ? Les observations et réflexions présentées dans le cadre de cette étude se fondent sur la philosophie numérique, les études médiales (Medias Studies et intermédialité), la pensée visagéiste et la pensée des écritures profilaires.


Introduction

En 2018, au Japon, un homme de 35 ans se marie symboliquement avec une version holographique d’un avatar commercial ; en 2017, en France apparaît Edukily, la première application iOS et Android qui permet de lire des histoires et de jouer à distance avec un enfant pendant un appel vidéo ; en 2020, le pourcentage de la population mondiale utilisant un téléphone intelligent est estimé à 70% ; de décembre 2019 à mars 2020, le nombre d’utilisateurs journaliers de Zoom croît de 10 à 200 millions ; etc. Ces faits, quelques nombres parmi d’autres, témoignent de l’importance croissante des « nouveaux médias » au sein de nos mises en relation. La pandémie de la Covid19, les confinements des années 2020 et 2021 et les mesures de distanciation qui y ont été instaurées, ont placé les outils de visiophonie au centre de nos interactions sociales. C’est pourquoi je souhaite ici étudier l’impact de ces dispositifs de télécommunication dans la constitution de nos échanges (personnels) et comprendre comment, au creux du dispositif visiophonique, est modélisé le principe de rencontre.

Les dispositifs de télécommunication ont, au fil des époques et des avancées techniques, proposé des réponses au besoin de communiquer à plus grande distance (communicare en latin et télé en grec) au sein des sociétés humaines1 en incarnant chacun un modèle de ce que signifie « adresser un message », de ce qui constitue une rencontre2. À la téléphonie – qui avait permis la transmission de signaux audio et une conversation bidirectionnelle –, la visiophonie associe la transmission de signaux audiovisuels : voir le visage3 de mon interlocuteur·ice et le·a voir en train de me parler4.

La présence de ce visage en vie qui n’est pourtant pas « physiquement » là ou qui ne se situe pas dans un espace de proximité – à mes côtés, dans une pièce voisine –, la possibilité d’entendre et d’être entendu idéalement en synchronie, ainsi que d’autres mimétiques jouent avec l’impression d’une présence in situ au point parfois de faire abstraction de l’intermédiaire technique : on désigne des éléments hors du cadre de l’écran, on se positionne de biais pour accéder à un autre angle de l’écran – comme s’il s’agissait d’une anamorphose. Ce face-à-face virtuel5 et visiophonique établit justement un lieu, vécu et imaginé, qui est celui de la rencontre6. La notion de rencontre sera abordée ici dans une perspective phénoménologique, technique mais aussi culturelle7.

Comment demeurons-nous en relation sans être auprès de quoiqu’en étant pourtant face à ? Que devient le lieu de la rencontre et de son incarnation, le visage, dans les intermédiaires visiophoniques ? Quel modèle du profil, l’image de soi créée pour l’autre, peut émerger des rencontres numériques ?

J’aborde ces questions en m’appuyant sur des réflexions issues de la philosophie numérique, des études médiales (Medias Studies et intermédialité), de la pensée visagéiste et des écritures profilaires.

Conjonction humain-technique

Le terme de dispositif a été choisi pour désigner la nature de l’outil visiophonique en ce que la notion permet d’assigner un rôle actif à la composante technique et d’éviter l’écueil du virtuel (qui amènerait à considérer la visiophonie comme immatérielle et neutre). Conçu comme une catégorie selon la pensée de Foucault8, le dispositif désigne une conjoncture de réels établie par un rapport de force motivé par des enjeux de pouvoir et de savoir. Ce regard généralisant fait du dispositif un objet théorique concentrant des tensions entre savoir et pouvoir, dont le couple de dit et non-dit (qui peuvent être linguistiques ou non selon la relecture d’Agamben9). Le dispositif est justement ce qui va se poser en réseau entre ces éléments pour créer une oikonomia (économie au sens d’agencement, d’administration, de disposition de l’interne). En tant que structure, le dispositif fait émaner le sujet de la rencontre entre l’individu et l’outil technique10. Rencontre et dispositif partagent dans cette perspective un sens commun de mise en contact, un processus de médiation11 qui implique l’agencement de gestes, d’actions, de méthodes techniques ou symboliques. L’interconnection que réalise la visiophonie pourrait être abordée comme l’extension d’une rencontre en live ou pour vrai en ce que les deux dépendent d’une disposition : l’accord préalable sur un lieu ou l’envoi d’un lien de rendez-vous, l’entente sur une heure, la gravité terrestre ou encore la connexion des outils de conversation sont autant de conjectures médiatrices12 parmi d’autres qui permettent et structurent la rencontre. La rencontre visiophonique résulte ainsi d’un dispositif au sens de disposition d’éléments ou d’évènements qu’ils soient techniques ou plus généralement médiatiques.

Dans la lignée de la théorisation historique des médias de Kittler et de la pensée du nouveau matérialisme de Barad, le dispositif visiophonique est abordé ici comme un média qui détermine la rencontre autant qu’il compose son incarnation. L’assertion de Kittler « Media determine our situation13 » définit le média non comme un intermédiaire passif mais bien comme l’infrastructure, la condition presque transcendantale (déterminer au sens ontologique, de l’allemand bestimmen) de nos possibilités d’action et d’interaction, soit l’expérience concrète du monde pour faire écho à l’archéologie du savoir de Foucault. Loin d’être neutre, transparent ou subordonné aux besoins de l’individu et à l’information qu’il véhicule, le média porte en creux un modèle de médiation et en est la matérialisation concrète14. Scandé par des formules comme « The Medium is the message15” et « Matter matters16 », l’impact du support sur l’expérience humaine et individuelle peut se comprendre au-delà du contenu que le média transmet et peut être appréhendé par l’étude des propriétés formelles et techniques de ce média17. Sans argumenter en faveur d’un déterminisme technique, qui m’amènerait à affirmer sans subtilité que la rencontre visiophonique se résume uniquement au dispositif visiophonique, le média dans la lignée de la pensée de McLuhan demeure dans ce contexte une extension de l’humain : le téléphone est l’extension de la voix humaine portée plus loin ; l’ordinateur l’extension de la mémoire humaine ; la visiophonie l’extension de la rencontre.

En amont du dispositif visiophonique, c’est le principe de rencontre qui a été modélisé pour matérialiser (par la voix, l’image, le cadrage) la présence, pour donner l’effet d’une co-présence. Extension plus loin de la présence humaine, le dispositif visiophonique conçu comme média instaure une corrélation entre l’humain et la technique : la rencontre visiophonique se fait par une conjonction de corps (incorporations informatiques ou incarnations phénoménologiques).

Toucher avec les yeux

S’inscrivant dans un contexte de médiation18, la rencontre visiophonique se définit par les caractéristiques de l’intermédiaire technique (caractéristiques plastiques, esthétiques, de manipulation). Les effets de présence et de co-présence ne dépendent ainsi plus seulement de ma perception, mais ont été anticipés par la constitution du média de télécommunication sans pour autant que ces phénomènes soient moins authentiques19. Pour rencontrer l’autre, je dois valider et ouvrir l’échange ; pour que l’autre puisse me voir, je dois permettre l’accès à ma caméra au dispositif visiophonique ; etc. Ces gestes prévus par le média cristallisent ce que veut dire rencontrer l’autre dans un environnement numérique mais peuvent également varier d’un dispositif visiophonique à un autre20.

Là où la visiophonie me semble se distinguer des autres dispositifs de télécommunication, c’est que la voix s’inscrit désormais dans le visage qui l’émet. Dans le transfert visiophonique sont mis en réseau ma voix, mon visage et l’inscription de ma voix dans mon visage par les mouvements accordés de mes lèvres. Le principe de rencontre se caractérise alors par une multisensorialité assumée : être en présence de l’autre, c’est le voir et l’entendre. S’ajoute également à une réciprocité de la communication – je peux voir et entendre l’autre qui me voit et m’entend –, la possibilité de chevauchement de la communication : je peux parler par dessus ce que l’autre me dit. La rencontre de l’autre ne passe cependant pas seulement par la voix et l’image que me retransmet le dispositif, mais aussi par un ensemble de méta et d’infra-langage : micro-gestes, attentions, mimiques, mouvements des yeux, tics, etc. L’importance de ces éléments dans le processus d’échange est notamment soulignée par Yves Citton :

Une condition de félicité de toute conversation exige un incessant travail d’ajustement réciproque entre la parole des unes et l’écoute des autres. Un « discours » peut se diffuser tout en restant largement indifférent aux réactions qu’il suscite chez ses auditeurs, ce qui est de toute façon le cas dans les systèmes radio qui ne permettent généralement aucun retour direct de leur part. Au contraire, un « dialogue » ne progresse que grâce aux microgestes d’encouragement, de sympathie, de prévention, de précaution ou de réconfort – autrement dit, grâce aux multiples « attentions » – que chacun des participants adresse à l’autre pour maintenir entre eux une bonne résonance affective, qui est bien plus déterminante encore pour le déroulement de leur échange que toute rigueur de raisonnement argumentatif21.

Cette dimension de la visiophonie n’est pas mineure dans l’effet de présence : les gestes de l’image ne sont pas seulement les gages d’une communication établie, mais permettent aussi une identification. C’est non seulement par ces éléments du méta et infra-langage que je rencontre l’autre, mais c’est également grâce à eux que je parviens à l’identifier et le reconnaître. Reste que je ne peux pas le toucher. Ce que je touche, c’est le média de la rencontre qui incarne la présence de l’autre.

Cet état du « toucher avec les yeux » peut évoquer le Noli me tangere22 que Maurice Zundel présente comme une incitation à la création d’un lien de cœur à cœur23. Sans dire que la rencontre visiophonique repose sur un acte de foi, un lien peut être tissé entre l’imaginaire de l’incarnation (l’action de prendre corps aux yeux des humains, pour un esprit ou une déité) et la médiation de la rencontre dans le dispositif visiophonique. Comme Marie-Madeleine, sans toucher, je dois croire en la présence de l’autre, en sa résurrection, non au sens d’un retour du royaume des morts, mais plutôt au sens d’une survenance de la présence d’un lointain dans mon quotidien. Or cette présence demeure une remodélisation : l’interlocuteur·ice que je rencontre via la visiophonie est matérialisé·e autrement, devient technique et numérique. Sa voix elle-même repose sur une transmission particulière : elle s’effectue par réseaux IP filaires (câble/ADSL/fibre optique) ou non filaires (satellite, Wi-Fi, GSM, UMTS ou LTE). Si l’autre dans la rencontre se trouve modifié ou reconfiguré dans un autre environment, le processus de reconnaissance prend justement de l’importance : comment puis-je reconnaître l’autre si ce·tte dernier·ère n’a plus la même voix, plus la même qualité d’image (selon les latences et la pixelisation) et si je ne peux le·a toucher physiquement ? La réponse que je propose se fonde sur la notion d’adresse et fait écho une nouvelle fois à la scène de reconnaissance de Jésus après sa résurrection par Marie-Madeleine. Le prenant pour un jardinier, Marie-Madeleine ne reconnait pas Jésus alors sorti du tombeau, parce que ce dernier n’a pas la même forme24 : elle le reconnaît seulement lorsque ce dernier lui parle, soit s’adresse à elle.

La voix qui avait été séparée du corps de l’individu par le téléphone25 se trouve réconciliée en apparence avec une figure humaine retransmise par image-vidéo, mais cette rencontre demeure dans un régime technique :

Les médias agissent sur la double dimension spatiale et temporelle de la voix. Par là, ils atténuent (sans l’éliminer tout à fait, mais en la rejetant dans l’imaginaire) la présence physique conjointe du locuteur et de l’auditeur26.

Ce qui pallie cette atténuation de la présence physique qui ferait défaut à la rencontre, c’est peut-être justement la perspective d’une adresse. Matérialisée dans un support numérique qui possède ses propres caractéristiques, la rencontre visiophonique se réalise selon un ordre du sensible et du sensoriel différent tout en inscrivant le principe de l’adresse qui se cristallise notamment dans le cadre particulier du visage27.

Visage et dévisagement

Le cadrage proposé par les dispositifs de visiophonie, le positionnement de la caméra sur l’appareil, la praticité manuelle de l’objet et la taille de l’écran font du visage l’élément central dans la transmission de l’image et dans la rencontre. Espace identitaire officiel – peut-être parce que dépositaire des espaces de productions d’une expression (bouche, yeux, sourcils) – la transmission du visage dans le processus plus général de la transmission de l’image de l’autre apparaît comme l’objectif principal. Au-delà de son utilité civique, le visage constitue le lieu lévinassien d’où procède toute signification éthique28. Dans la rencontre visiophonique, le visage de l’autre m’est adressé et j’adresse en retour mon visage29 : « La manière dont se présente l’Autre, dépassant l’idée de l’Autre en moi, nous l’appelons visage30. » L’adresse du visage implique une réponse éthique de ma part : je dois le reconnaître comme différent du domaine des objets. Or cette perspective connaît une limite dans le cadre de la rencontre visiophonique dans la mesure où le visage de l’autre est un objet : il ne peut être séparé de l’écran grâce auquel il me parvient31. C’est une retransmission du visage de l’autre à laquelle j’accède.

Durant les premiers temps de la pandémie, particulièrement en temps de confinement, l’espace visiophonique était un des rares lieux de rencontre où les visages étaient non-masqués. Au-delà du phénomène d’objectification du visage, l’intermédiaire technique introduit un décalage, un dysfonctionnement dans le rapport à l’autre et dans le rapport à soi. Dans l’expérience visiophonique, je rencontre deux visages puisque dans un angle de mon écran, il m’est possible de voir l’image que je renvoie à mon interlocuteur·ice32. Ce fonctionnement de la rencontre numérique a notamment été détaillé par Giuseppe Cavallari :

Être en ligne signifie aussi être disponible au visage de l’autre et rendre disponible son propre visage aussi : chaque rencontre se passe entre nos visages et dans nos visages aussi. Le visage devient lieu de rencontre et de la parole. (1) Même sans être-en-ligne au sens synchrone de l’expression, en regardant le visage de ses interlocuteurs plus ou moins habituels, les visages des autres sont là, avec les contenus scripturaux et visuels. Nous pouvons les regarder, ces visages photographiques, sans qu’ils le sachent, nous nous adressons à quelqu’un sans pour autant le déranger, son adresse demeure le lieu, le visage, où il se laisse trouver et regarder, lire et, par là, penser. Dans cet adressage discret, nous le regardons, alors, sans le voir. À travers notre visage, qu’à ce moment-là nous ne regardons pas, nous regardons le sien sans qu’il puisse le savoir (2)33.

Ici, Cavallari souligne plusieurs points importants :

  1. Tout d’abord, le fait que dans nos sociétés où l’image constitue un média important34, la rencontre numérique ou non-numérique a comme principal média le visage (on retrouve une racine étymologique commune entre le terme visage et l’expression « en vis-à-vis »).

  1. Ensuite, la différence de paradigme de la rencontre numérique : en effet l’individu ne peut pas savoir si je le regarde, car pour m’adresser un regard, il doit regarder la caméra et ainsi ne me voit plus ; inversement, pour voir son regard, je dois regarder son image et ainsi ne le regarde plus. Cavallari interprète ce phénomène comme positif : ainsi l’autre n’est plus dérangé par l’image de son interlocuteur·ice le regardant mais on pourrait aussi questionner ce phénomène sur ce qu’il fait du processus de connivence dans la rencontre.

Ainsi dans la rencontre visiophonique, fondamentalement, pour se regarder, au sens de s’adresser un regard, il ne faut pas se voir, au sens de regarder le visage de l’autre et le reconnaître au sens éthique. Si par le dispositif de visiophonie les regards ne se rencontrent ni même ne se croisent, c’est qu’ils se ratent ou se manquent dans une certaine mesure. C’est là le renversement du topos littéraire de la rencontre amoureuse, qui depuis le « leurs yeux se rencontrèrent » flaubertien (L’Éducation sentimentale, chapitre 1) se fonde sur l’importance du regard dans l’adresse à l’autre. Dans un monde où jamais les yeux ne se rencontrent, il est vraisemblable que jamais Frédéric n’ait pu aimer Madame Arnoux puisqu’il n’aurait pas eu d’espace où projeter un sentiment amoureux. Dans la structure en chassé-croisé qu’impose le dispositif visiophonique, les regards semblent davantage s’inscrire dans le schéma d’un voyeurisme réciproque : si je regarde l’image de l’autre sans qu’il me voie le regarder, l’autre m’adresse son regard sans voir mon image.

Si je ne peux pas regarder et voir mon interlocuteur·ice simultanément par distinction regard caméra/regard image, je ne peux pas non plus me voir et me regarder car lorsque je fixe mon image, celle-ci montrera le regard oblique35. En ce sens, le dispositif visiophonique m’offre une expérience d’observation de l’autre et de ma personne en situation de rencontre. Il ne s’agit pas de se regarder seul·e, mais de se voir regardant autrui. Dans cette nouvelle disposition de l’image, de nouveaux paradigmes de la rencontre semblent se démarquer :

  • Parce que je ne rencontre pas mon propre regard s’opère une destitution complète du topos de la rencontre : on ne se rencontre plus soi-même, on se contemple comme un objet de la rencontre.

  • L’image à laquelle j’ai accès ne m’était pas destinée. Le visage qui m’occupe dans mon auto-contemplation est de prime abord un lieu destiné à autrui, pour qu’il me reconnaisse éthiquement.

C’est sur ce dernier point que peut être discernée une dimension de transgression. En héritier d’Actéon, symbole de l’hybris de la curiosité humaine36, je surprends mon visage en situation d’adresse à autrui (ce qui peut s’apparenter à une démesure de la rencontre). Cependant, si mon regard ne me parvient pas lorsque j’observe mon visage à l’écran, je suis pourtant bien en train de me voir dans la situation de m’observer, d’observer mon visage à l’écran. La fracture entre mon regard et mon image produit un effet de distanciation où mon visage est une figure de moi-même, un profil dans la rencontre visiophonique.

Profil-machine

Le décalage visage/regard peut produire une figure de soi, ce que j’associe ici aux études profilaires :

[…] [T]out récemment, le terme [profil] aura encore gagné en popularité grâce à des dispositifs tels que Facebook ou Twitter, qui fusionnent et redéterminent les principales acceptions historiques du terme – profil visuel et profil psychologique. […] [N]ous avons tout intérêt à reconnaître le potentiel poétique des profils d’utilisateur, un potentiel qui procède notamment d’une pratique de détournement ludique des connotations associées au fait numérique37.

Le concept de profil tel que l’énonce Monjour associe mimèsis et poïesis. Il est création, fiction et invention tout en demeurant une reprise d’une identité, un héritage réel (au même titre qu’une persona rhétorique ou littéraire). Un profil édité sur un réseau social se propose comme un avatar de l’individu en jouant de l’ambiguïté entre des informations privées, identitaires et un roman de soi. Dans la rencontre visiophonique, la focalisation sur sa propre image peut amener une série de gestes, de microgestes comme définis par Citton, qui ne sont plus seulement destinés à l’autre dans l’espace de la rencontre, mais destinés à une auto-contemplation et auto-composition. Le retour d’image visiophonique introduit la constitution d’un profil en ce qu’il permet d’être enfin en mesure de contrôler l’image adressée à autrui, de faire bon profil face à lui. Ce profilage se réalise par la lecture des signes : je lis mon image comme une page écrite, l’activité de lecture de cette image m’amène au déchiffrement des signes qui la composent38 et ainsi en comprenant l’architecture du support, les angles de vue avantageux, je suis capable de recomposer, de détourner, de réordonner les signes et mon image.

Cependant, dans cette rencontre visiophonique où je rencontre l’autre numérisé et le profil de moi-même, il est un troisième acteur qui joue dans l’échange : l’intermédiaire technique. Lorsqu’une latence ou un bruit intervient dans le dispositif, que l’image de l’autre gèle, se bloque, ou que mon image elle-même se fige, que reste-t-il alors de la rencontre ? Qui suis-je en train de rencontrer ? Désormais appelée VoIP pour Voice over IP, la voix dans le dispositif visiophonique présente une granularité et une texture caractéristique : par des effets de déformation sonore (l’effet Larsen notamment qui est un phénomène de rétroaction du son) s’ajoute à cette particularité de la voix retransmise une impression de filtre électronique la rapprochant de la machine. L’individu, s’il ne rencontre pas le visage de Dieu – pour faire référence à la pensée de Lévinas qui place la contre-partie à l’identité de Dieu dans le visage de l’autre –, et s’il ne rencontre ni l’autre ni son profil dans la rencontre visiophonique, rencontre alors la machine.

La rencontre visiophonique impose une divergence des regards concrètement par la nature du dispositif technique (la position de la caméra au-dessus ou au-dessous de l’écran et non intégrée dans celui-ci). Ce qui doit être un intermédiaire dans l’échange détermine la rencontre et bénéficie d’une présence au même titre qu’un·e troisième interlocuteur·ice :

  • les regards sont orientés vers l’œil de la machine (la caméra) ou son écran (image de l’autre, image de soi)
  • les paroles se font en direction de son oreille (les micros)
  • la machine bénéficie de mon toucher : c’est avec elle que j’ai un contact physique
  • la réalité matérielle de la machine peut faire échouer l’adresse (connexion, batterie insuffisante, etc.)

L’entité-machine porte les possibilités techniques comme les dysfonctionnements de la rencontre visiophonique, mais au-delà des conjonctures médiatrices qu’elle incarne, elle est le point de convergence des regards et adresses, ce qui en fait une interlocutrice de l’échange. Dans cette perspective, la renconte visiophonique reconduit ce que signifie être dans la rencontre dans la mesure où elle disjoint le face-à-face et, dans ses dysfonctionnements, m’ôte le contrôle sur mon profil et sur l’échange.

Ce qui m’échappe dans la rencontre

Dans sa contribution à la science des médias, Kittler élabore l’idée de l’impossible compréhension des médias dans la mesure où ces derniers rassemblent les conditions infrastructurelles qui permettent la compréhension en elle-même39. À la différence de McLuhan – qui conserve la distinction entre l’énaction humaine et la matérialité technologique en les comprenant comme deux formes d’incarnation distinctes, deux processus distincts de matérialisation qui, quelles que soient leurs convergences et imbrications, conservent leur autonomie respective –, Kittler et Hayles40 avancent que le corps humain est joué par la technologique, et ne peut être conceptualisé sans la médiation car il en est un simple récepteur. C’est notamment en écho à cette affirmation que Kittler argumente la nature intransmissible du média : chaque transfert d’un média à un autre implique une distorsion, implique que quelque chose échappe. Sa formule « A medium is a medium is a medium41 » illustre la multiplicité du média : 1. terme désignant un canal de communication idéal, sans bug ni friction avec la matière ; 2. technologie de communication ; 3. matière du média. Dans le bug visiophonique, il apparaît que ce n’est plus le couplage de l’humain et de la technologique qui prime et que quelque chose du média échappe à mon énaction en rappelant la matière de ce dernier, en me rappelant également que l’humanité de l’échange repose sur cette même matière : quelque chose du dispositif de rencontre échappe à mon pouvoir.

J’ai fait l’expérience à multiples reprises du bug visiophonique : la voix de mon interlocuteur·ice me parvenait par bribes, son image était criblée de pixels, sa présence était figée et difficile à reconnaître comme telle. Cette expérience phénoménologique, dans ce qu’elle charrie en terme d’imaginaire, s’apparente à un memento mori en ce qu’elle cristallise, par l’altération technique du support qui transmet sa présence, la finitude physique de mon·a partenaire. Le visage dans la pensée de Lévinas étant ce lieu permettant de renouer avec ce qui est fondamentalement humain, si le visage de l’autre ne m’est plus accessible, ne m’est plus reconnaissable dans ce qu’il est mon semblable, je perds alors mon lien à cette humanité. Le bug visiophonique me rappelle ainsi que je ne suis pas véritablement en présence du visage de l’autre, que je reste devant sa retransmission par un objet technique, que je suis devant un de ses profils. « [O]uverture » du « voyant » au « visible », co-appartenance du voyant au visible42, le visage est un voir symétrique qui cesse dans le dysfonctionnement de la rencontre visiophonique. Cette impression peut être d’autant plus marquée si l’on se réfère à la conception merleau-pontienne de la présence comme chair perçue43. Dans cette expérience opère en réalité la déliaison du numérique : la matérialité des supports numériques n’implique pas la matérialité de contenus qu’ils transmettent. La vitre cassée de mon écran ne signifie pas que le site que je suis en train de consulter est brisé ; l’érosion des touches de clavier n’engage pas l’usure des lettres qui composent le document que je rédige. Ainsi, si la retransmission dysfonctionne dans la rencontre visiophonique, cela n’indique pas que mon interlocuteur·ice est en état de détresse physique.

Dans un cas de dysfonctionnement moins extrême, lorsque des latences s’introduisent dans la rencontre visiophonique, le rapport temporel de l’échange se distend : je peux observer l’autre d’avant, son image est un visage daté, une trace de l’adresse et de son humanité. De même, pour ce qui est de mon profil, si le retour de l’image n’est plus synchrone à mon interaction présente, je me vois dans un potentiel déjà vu par l’autre : mon visage est celui que j’ai adressé à l’autre il y a quelques secondes ou minutes, qui ne m’indique plus rien pour la composition de mon profil, et est figé dans une action.

Ces expériences d’échappées peuvent trouver une résolution dans la distinction entre face et visage : la face désignant la réalité anatomique de l’individu. Dans la rencontre visiophonique, je perds en effet la face mais je demeure dans un régime du visage, dans un impératif éthique dans la mesure où justement, la puissance du visage est de ne pas pouvoir être réduit à la chose ou à lui-même.

La meilleure manière de rencontrer autrui, c’est de ne pas même remarquer la couleur de ses yeux ! Quand on observe la couleur des yeux, on n’est pas en relation sociale avec autrui. La relation avec le visage peut certes être dominée par la perception, mais ce qui est spécifiquement visage, c’est ce qui ne s’y réduit pas44.

Ne se réduisant pas à sa perception, on peut proposer que même si la figure de mon interlocuteur·ice se brouille, si la retransmission de son discours et de ses affects perd en clarté, le principe de visage éthique perdure car je sais qu’il a un visage, je reconnais son humanité hors numérique, je l’imagine. Ce qui échappe à la rencontre visiophonique, qui échappe aux dysfonctionnements et aux fantômes dans la machine, est peut-être justement cette facette du visage. Pourtant demeure-t-il sacré et transcendant comme le nomme Lévinas ? Le « Tu ne tueras point » du visage45 demeure-t-il lorsque les éléments qui attestent de sa présence (voix, figure, mouvement) sont troubles et instables ?

Ouverture sur le politique

Le dispositif visiophonique numérique questionne, autant dans les pratiques que dans l’imaginaire que l’on peut y associer, la rencontre : les effets de présence et de profil, le chassé-croisé entre les regards, le rendu-machine de mon interlocuteur·ice. La rencontre visiophonique est inclut un tiers, le dispositif en lui-même, et dont les caractéristiques et le fonctionnement déterminent l’échange autant qu’il s’en fait l’intermédiaire. Malgré les reconfigurations numériques du principe de rencontre, du concept de visage ou de la notion de profil, une rencontre a lieu mais en rebootant la transcendance éthique de l’autre. Deleuze ne conçoit pas le visage comme le lieu de transcendance mais plutôt comme l’espace de production des formations despotiques de signifiances46. Dans un visage se joue tout le politique humain. Cette perpespective résonne avec le visage visiophonique : il est l’espace du politique des dispositifs visiophoniques (portant la modélisation de la rencontre en amont). Selon les caractéristiques de l’outil, le visage de l’autre peut ainsi m’apparaître libre, propriétaire, payant, soit le portrait du numérique qui le détermine :

Le visage ne se produit que lorsque la tête cesse de faire partie du corps, lorsqu’elle cesse d’être codée par le corps, lorsqu’elle cesse elle-même d’avoir un code corporel polyvoque multidimensionnel – lorsque le corps, tête comprise, se trouve décodé et doit être surcodé par quelque chose qu’on appellera visage47.

Toute l’autorité du visage deleuzien demeure dans son politique produit par des champs d’appartenance qui dépassent le corps de l’individu, qui même extraient la figure de l’individu48. Cette réflexion permet d’ouvrir la question de la rencontre en envisageant le politique du média : il n’y a pas de visiophonie neutre (soit exempte d’un politique technique, infrastructurel ou économique), pas de rencontre visiophonique hors de cette partialité, et par conséquent, pas de visage innocent.

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  1. Édouard Estaunié, Traité pratique de télécommunication électrique (télégraphie, téléphonie), Paris, Vve C. Dunod, 1904.

  2. Des premiers dispositifs de télécommunication (tambours, signaux de fumée, torches, langage sifflé) et dispositifs de visiophonie (association de la téléphonie et de la télévision) aux techniques de visioconférence actuelles (combinaison de la visiophonie et de la conférence multipoints), la rencontre à distance ne se réalise pas de la même manière. Des « échecs » comme le phonopostale ou la sonorine par exemple sont des télécommunications fondées sur l’idée que la voix constitue l’essence de la présence Peppe Cavallari, « Le Phonopostale et les sonorines : un échec riche d’idées », Cahier Louis-Lumière, 2016, p. 77‑86.

  3. Partie antérieure de l’individu composée d’un nez, d’yeux, d’une mâchoire et limitée par les cheveux, oreilles et menton.

  4. On distingue ici le principe de visiophonie et le principe de visioconférence qui permet d’effectuer un échange entre plus que de deux terminaux. L’étude se résumera aux échanges hors télé-travail, et principalement entre deux interlocteur·rice·s.

  5. Non au sens d’immatériel mais au sens de « donnant l’illusion de ».

  6. Fait d’être en présence de quelqu’un et d’aller contre.

  7. Des références culturelles seront proposées pour dépeindre un « imaginaire de la rencontre ». Ce choix d’approche résonne avec l’objectif d’inscrire les « nouveaux médias » dans des origines plus profondes, de les lier à des figures et des topoï pour éviter une perspective présentéiste.

  8. Dits et écrits : 1954 – 1988. 3: 1976 – 1979, Nachdr., Paris, Gallimard, 2000, (« Bibliothèque des sciences humaines »), paragr. 4.

  9. « Théorie des dispositifs », Po&sie, Vol. 115 / 1, 2006, p. 25.

  10. Ibidem.

  11. Manuel Zacklad, « Genre de dispositifs de médiation numérique et régimes de documentalité », in Les genres de documents dans les organisations, Analyse théorique et pratique, Québex, PUQ, 2015, p. 145‑183.

  12. Jean-Marc Larrue et Marcello Vitali-Rosati, Media do not exist: Performativity and mediating conjunctures, Institute of Network Cultures, 2019.

  13. Gramophone, Film, Typewriter, Stanford, Stanford University Press, 1999, (« Writing science »).

  14. Ce qui en fait notamment un domaine d’étude à part entière comme cela est représenté par les études médiatiques (dont les Media Studies et les études intermédiales se revendiquent).

  15. Marshall McLuhan, Understanding Media : the Extensions of Man, Repr, London, Routledge, 2010, (« Routledge classics »).

  16. Karen Michelle Barad, Meeting the Universe Halfway: Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning, Durham, Duke University Press, 2007.

  17. L’exemple donné par McLuhan fait notamment écho à la question de l’échange : l’ampoule électrique affecte la vie sociale car, en éclairant l’obscurité, elle permet de prolonger la durée de l’interaction sociale dans les espaces domestiques.

  18. Giuseppe Cavallari, Performativité de l’être-en-ligne. Pour une phénoménologie de la présence numérique, thèse de doctorat, Sorbonne, 2018.

  19. Ibidem.

  20. Si, d’une manière générale les manipulations sont analogues entre les différents logiciels de télécommunication, certains logiciels vont privilégier la dimension ludique de l’échange (par la fonctionnalité des filtres ou de jeux collaboratifs par exemple), certains vont favoriser la dimension interopérable de l’échange en intégrant un espace de chat additionnel, etc.

  21. Yves Citton, L’économie de l’attention : Nouvel horizon du capitalisme ?, La Découverte, Paris, 2014, (« Sciences humaines »), p. 129-130.

  22. « Ne me touche pas », phrase que dit Jésus à Marie-Madeleine après sa résurrection (l’Évangile selon Jean, 20, 17).

  23. Silence, parole de vie, transcription d’une retraite donnée en 1959, Anne Sigier, 1990, p. 129.

  24. Cela peut être compris en terme de posture corporelle : Jésus mort, sa forme logique doit être horizontale et non verticale.

  25. Jean-François Chassay, « Allô, j’écoute ? Les voix surnaturelles des nouveaux médias fin-de-siècle », Sens public, 2018.

  26. Paul Zumthor, « Oralité. », Intermédialités, 2008, p. 169‑202, p. 174.

  27. « Visage et discours sont liés. Le visage parle. Il parle en ceci que c’est lui qui rend possible et commence tout discours. » Emmanuel Lévinas, Ethique et infini. Dialogues avec Philippe Nemo, Paris, Librairie Générale Française, 2011, («nbsp&Livre de Poche »), p. 91.

  28. Lévinas associe son éthique visagéiste à l’intrigue biblique entre le visage de l’humain et la Face de Dieu.

  29. C’est sur ce point que l’on peut également distinguer la rencontre de la thérapie ou de l’analyse qui opèrent sur un autre régime d’échange et ne se font pas en face-à-face Jacques Lacan, Le séminaire de Jacques Lacan. 16 : D’un autre à l’autre 1968 – 1969, Paris, Seuil, 2006.

  30. Emmanuel Lévinas, Totalité et infini : essai sur l’extériorité, The Hague : Boston, Kluwer Boston, 1984, (« Phaenomenologica »), p. 43.

  31. Cette problématique ne se pose pas dans les mêmes termes pour mon visage que je peux voir en retour à l’écran parce que la situation s’apparenterait davantage ici à la dynamique du miroir et du reflet.

  32. Je peux également, en sélectionnant ce retour, en faire le visage principal de mon écran.

  33. Giuseppe Cavallari, op. cit., p. 249-50.

  34. « la société occidentale contemporaine, technologiquement médiatisée, est désormais soumise à ‘‘la folie du voir’’ selon Buci-Glucksmann » Myriam Watthee-Delmotte, « Innovations médiatiques et puissance de la fiction », in Manucius. Imaginaire, industrie et innovation, Paris, Pierre Musso, 2016, p. 37‑46, p. 46.

  35. Cette image de soi retransmise pourrait s’apparenter à un miroir dont le reflet serait de biais : le reflet que je contemple est décalé dans sa prise de vue et dans la perspective qu’il transmet.

  36. Jean-Paul Sartre, L’Être et le néant, Gallimard, Paris, 1943, p. 666.

  37. Servanne Monjour, « Dibutade 2.0 : la « femme-auteur » à l’ère du numérique », Sens public, 2015, p. 10.

  38. Anne-Marie Christin, L’ image écrite ou la déraison graphique Paris, Flammarion, 2009, (« Champs Arts », 625).

  39. Friedrich A. Kittler, Discourse Networks 1800/1900, Stanford, Stanford University Press, 1990.

  40. How We Think: Digital Media and Contemporary Technogenesis, Chicago, IL [etc., The University of Chicago Press, 2012.

  41. Paraphrase de la formule de Stein « A rose is a rose is a rose is a rose ». Friedrich A. Kittler, op. cit., p. 265.

  42. Jean-François Lyotard, Misère de la philosophie, Paris, Galilée, 2000, (« Incises »), p. 273-283.

  43. Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible : suivi de Notes de travail, Paris, Gallimard, 2016, (« Tel »).

  44. Emmanuel Lévinas et Philippe Nemo, Ethique et infini : dialogues avec Philippe Nemo, Paris, Librairie Générale Française, 2011, (« Livre de Poche »), p. 78.

  45. « […] le visage est ce qui nous interdit de tuer. » Ibidem, p. 78.

  46. Mille plateaux, 2013, pp. 205, 234.

  47. Ibidem, p. 208.

  48. « Un enfant, une femme, une mère de famille, un homme, un père, un chef, un instituteur, un policier ne parlent pas une langue en général, mais une langue dont les traits signifiants sont indexés sur des traits de visagéité spécifiques. Les visages ne sont pas d’abord individuels, ils définissent des zones de fréquence ou de probabilité, délimitent un champ qui neutralise d’avance les expressions et connexions rebelles aux significations conformes. » Ibidem, p. 206


Margot Mellet est candidate au doctorat au département de Littératures de langue française de l’Université de Montréal en Recherche et Création. Son projet porte sur le palimpseste numérique comme processus de remédiation d’un support, pour comprendre comment le support devient une instance d’énonciation littéraire et comment l’écriture devient un support d’écriture. Elle est également membre-étudiant du CRIalt (Centre de Recherches Intermédiales sur les arts, les lettres et les techniques) et coordinatrice scientifique de la Chaire de recherche du Canada sur les écritures numériques. Dans son site web personnel, disponible à l’adresse suivante : https://blank.blue/, elle présente ses processus de création et les réflexions de recherche sur ses activités d’édition.

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