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La représentation de la lecture dans l’œuvre de Roberto Bolaño : une indécidabilité constitutive

Jonathan Paquette, 2e cycle, Université de Montréal

Revue Fémur
2563-6812
Revue Fémur

Résumé : Dans cet essai consacré à deux romans de Roberto Bolaño, soit Amuleto et Nocturne du Chili, je me propose de m’attacher à mettre en lumière la « théorie de la lecture » ambigüe proposée par Bolaño. En réponse à l’article de Jacobo Myerston, qui propose de lire chez Bolaño une représentation des bonnes et des mauvaises pratiques de lecture, j’aimerais apporter certaines nuances. Bolaño propose plutôt une définition profondément paradoxale de la lecture qui permet au sujet d’interpréter son expérience subjective du monde, mais génère également une perte de soi.


« Lire, c’est Gil de Biedma qui l’a dit, c’est plus naturel qu’écrire. J’ajouterais, malgré la redondance, que c’est aussi beaucoup plus sain, quoi qu’en disent les ophtalmologues1. »

Roberto Bolaño, Entre parenthèses

L’écrivain chilien Roberto Bolaño (1953-2003) n’a cessé de mettre en scène, dans ses romans, des personnages de lecteurs. Ces lecteurs qu’il représente entretiennent pratiquement tous un rapport ambigu à la littérature, qui se présente à la fois comme une alliée et comme une ennemie. À travers ces diverses représentations, Bolaño génère un métadiscours qui lui permet de théoriser l’acte de lecture littéraire au sein même de son œuvre de fiction. Cette théorisation n’a pas échappé aux critiques littéraires. Dans un court texte qu’il consacre au roman de Bolaño intitulé Nocturne du Chili, Jacobo Myerston écrit : « I argue that Bolaño operates with a dualistic model in which there are bad and good practices of reading. The first consists of concealing the reader’s vantage point, while the second leads to a recognition of the reader’s self and his sociopolitical location in the world2. » Selon Myerston, il existerait chez Bolaño deux types de lecteurs : les mauvais lecteurs, aliénés, qui s’absenteraient de leur propre présent par la lecture et les bons lecteurs, qui parviendraient à instaurer un dialogue entre leur propre expérience du réel et l’œuvre lue. Même s’il permet d’apporter un éclairage neuf sur le texte, Myerston interprète l’œuvre avec une vision prescriptive. Il m’importe de tempérer cette perspective oppositionnelle binaire ; Bolaño n’émet pas un jugement éthique aux visées classificatrices, il cherche plutôt à prendre la pleine mesure de l’expérience esthétique induite par la lecture. Je me propose donc de reprendre la prémisse interprétative proposée par Myerston, mais d’en nuancer les postulats afin de restituer la complexité de la conceptualisation bolañienne de la lecture. Il s’agira de penser cette double figuration de la lecture dans l’œuvre de Bolaño – d’une part comme une aliénation, et de l’autre comme un dialogue – comme deux représentations complémentaires plutôt qu’antagoniques. D’une part, il y a aliénation, mais celle-ci peut s’avérer productive et enrichissante ; d’autre part, il y a dialogue du lecteur avec l’œuvre, mais ce dialogue implique une forme d’aliénation. La frontière entre le bon et le mauvais apparaît ici tellement poreuse qu’il me semble opportun d’écarter cette hiérarchisation morale qui est loin d’aller de soi. En effet, chez Bolaño, « l’axiologie semble souvent problématique, objet de questionnement3. » Dans une perspective bolañienne, la littérature doit donc être envisagée comme une puissance férocement ambivalente, qui ne se laisse pas comprendre à partir d’« un système de valeurs normatives4 ».

Myerston appuie son analyse sur deux romans de Bolaño, Amuleto ainsi que Nocturne du Chili. Je baserai ma propre interprétation sur les mêmes romans qui mettent tous deux en scène des personnages qui se définissent essentiellement par leur statut de lecteurs. Auxilio, la protagoniste d’Amuleto, fréquente assidûment les poètes et se passionne pour leurs textes, qu’elle dévore. Le protagoniste de Nocturne du Chili, quant à lui, appartient à l’élite intellectuelle chilienne et se consacre à la critique littéraire. Dans un premier temps, il s’agira de penser avec Bolaño l’aliénation inhérente à la lecture. Cette dénonciation d’une perte du soi générée par la littérature semble s’inscrire dans une perspective platonicienne. Platon condamnait effectivement les œuvres d’art et ses représentations trompeuses de troisième ordre (des copies de copies) qui aliènent le sujet, car elles se substituent au réel et enferment l’individu dans un régime de représentations artificielles5. Dans Nocturne du Chili, Bolaño exemplifie cette thèse platonicienne : il met en scène un protagoniste, le père Ibacache, parfaitement aliéné par son rapport à la littérature, c’est-à-dire détourné du réel par un régime de représentations trompeur. Or, tel que mentionné précédemment, ce type d’aliénation se montre également bénéfique, puisqu’il permet de prendre une distance critique par rapport au réel afin de développer de nouvelles perspectives. Cette distance productive s’incarne plus particulièrement en Auxilio, la protagoniste d’Amuleto. Ensuite, je me pencherai sur les bienfaits générés par la rencontre du lecteur avec le texte selon la conceptualisation bolañienne. La lecture est implicitement présentée par l’auteur comme une expérience particulière qui permet à l’individu de problématiser son vécu. On voit chez Bolaño que le personnage d’Auxilio est en mesure de comprendre et, surtout, de résister à l’invasion de l’université par l’armée grâce à cette position périphérique engendrée par son rapport à la littérature. Sauf que cette force interprétative implique nécessairement un moment d’aliénation. Pour que le littéraire puisse réellement enrichir l’expérience du monde d’Auxilio, cette dernière doit d’abord se perdre dans le texte. Ainsi, contrairement à ce que postule Myerston, Bolaño ne donne pas à voir de bonnes ou de mauvaises pratiques de lecture. Il met plutôt en scène un paradoxe propre à la lecture littéraire qui se veut à la fois remède et poison, c’est-à-dire pharmakon, au sens derridien du terme. La lecture contribue à l’aliénation du sujet, mais elle est également un antidote face à cette même aliénation ; il est donc impossible de statuer par rapport à sa nature profonde. C’est précisément cette indécidabilité qui caractérise l’objet littéraire, dès lors conçu comme une matière instable, à la fois bénéfique et dangereuse.

Une question de posture : le littéraire au-delà de l’éthique

D’entrée de jeu, il m’apparaît nécessaire de définir la position de Jacobo Myerston, puisque le présent travail de recherche s’articule comme une réponse à l’un de ses articles. D’après l’interprétation de Myerston, la lecture serait conçue par Bolaño comme un moyen pour se situer dans le monde. Il s’agirait d’un outil qui permet d’affiner son regard sur le réel. Les mauvais lecteurs seraient ceux qui n’y parviennent pas, puisque ces derniers se laisseraient avaler par le texte. En ce sens, Myerston inscrit sa réflexion dans une perspective éthique qui le rapproche de la théorie sartrienne de l’engagement. Dans la logique de cette théorie, le roman doit être au service de la société : « l’écrivain a choisi de dévoiler le monde et singulièrement l’homme aux autres hommes pour que ceux-ci prennent en face de l’objet ainsi mis à nu leur entière responsabilité6. » Pour Sartre, éthique et esthétique représentent l’envers et l’endroit d’une même médaille. Le rôle de l’écrivain serait de responsabiliser le lecteur par le biais de son œuvre. Myerston transpose cette théorie vers l’activité de lecture, où le bon lecteur est celui qui sait transfigurer son expérience esthétique pour en faire une expérience éthique ; la lecture est donc un moyen de s’engager dans son propre présent.

Cette intrication de l’éthique et de l’esthétique restreint l’objet littéraire et normalise les pratiques de lecture ; elle conduit Myerston à qualifier comme mauvaises les expériences esthétiques qui ne participent pas complètement d’une expérience éthique. Il ne s’agira pas de nier la dimension éthique, qui est bien présente chez Bolaño, mais de ne plus en faire le principal paradigme interprétatif. À partir d’une telle perspective, on débouche nécessairement sur une forme de posture prescriptive, comme s’il fallait lire de telle ou telle manière pour parvenir à une bonne lecture, c’est-à-dire à une lecture éthique. Bolaño n’est pas un moraliste ; il se manifeste au contraire dans son œuvre un « refus de la morale [qui se veut] une variante du refus des frontières claires entre Bien et Mal7. » Il s’agira donc pour moi de rejeter la posture prescriptive afin de restituer la part d’indétermination inhérente à la conception bolañienne de l’expérience de lecture. Pour Bolaño, le texte n’est pas un outil que le lecteur pourrait s’approprier, mais bien une aventure ambigüe.

S’y perdre / s’y trouver : le texte comme l’expérience d’un décentrement

Dans son roman Nocturne du Chili, publié en 2000 et traduit en français en 2002, Roberto Bolaño met en scène un protagoniste au seuil de la mort. Sébastián Urrutia Lacroix, alias H. Ibacache, divague en se remémorant les événements qui ont ponctué son existence. Critique littéraire, poète et prêtre, ce personnage complexe semble rongé par les remords ; membre de l’Opus Dei, complice du régime fasciste de Pinochet, à qui il enseigne les fondements du communisme afin que les fascistes puissent lutter de manière plus efficace contre toute forme de résistance, il cherche à se justifier et à clamer son innocence mais « il le fait de manière si confuse et insistante que son discours s’inverse en auto-délation8 ». Ce personnage de critique littéraire permet à Bolaño de générer une forme de métadiscours à propos de la littérature. À partir de ce protagoniste, l’auteur met en scène un certain type d’aliénation – une absence momentanée de soi induite par un régime de représentation artificiel – qui semble, dans une perspective bolañienne, inhérente au processus de lecture.

En réaction aux événements qui transforment le paysage sociopolitique chilien et qui affectent de manière particulièrement violente la population chilienne9, Ibacache s’enferme dans la lecture des auteurs grecs qu’il affectionne particulièrement :

À mon retour chez moi je me mis à lire les Grecs. Qu’il soit fait selon la volonté de Dieu, me dis-je. Moi, je vais relire les Grecs. Je commençai par Homère, comme le veut la tradition, je poursuivis avec Thalès de Millet et Xénophane de Colophon et Alcméon de Crotone et Zénon d’Élée (qu’il était bon), puis on tua un général de l’armée favorable à Allende et le Chili rétablit des relations diplomatiques avec Cuba et le recensement national indiqua un total de 8 884 768 Chiliens et la télévision commença à diffuser le feuilleton télévisé Le Droit de naître, et moi je lus Tyrtée de Sparte et Archiloque de Paros et Solon d’Athènes10.

Cette tirade se poursuit sur deux pages. Les lectures du critique progressent et parallèlement l’évolution sociopolitique du Chili est caractérisée par une escalade de la violence qui trouve son terme dans la mort du président Allende : « et quand le bombardement cessa le président se suicida et ce fut tout. Alors je ne fis plus un geste, un doigt sur la page que je lisais, et je pensai : quelle paix11. » Il se déploie ainsi une superposition de deux ordres de discours : d’un côté il s’agit d’un discours historique, et de l’autre celui des lectures du critique Ibacache. La disjonction de ces deux ordres de discours est quasiment parfaite. Ces deux récits évoluent de manière parallèle, sans se contaminer mutuellement. Cette superposition narrative génère une forme d’ironie qui révèle le grotesque de l’attitude d’Ibacache : plutôt que d’affronter la situation réelle et de s’impliquer d’une manière quelconque, ne serait-ce qu’en venant en aide aux victimes, il se réfugie dans cette tradition littéraire qui le détourne du contexte sociohistorique au sein duquel il évolue. Comme l’écrit Jacobo Myerston : « he contemplates with distance and coldness events that changed the course of Chile and profoundly impacted Latin American history12 ». Ibacache se détourne du présent vers un passé qui de manière paradoxale – il lit les classiques de la civilisation grecque, considérée comme le berceau de la démocratie – entre en contradiction avec sa propre expérience du présent, marquée par le fascisme et la dictature.

Plusieurs critiques ont interprété cette attitude dans une perspective politique, comme la dénonciation par Bolaño d’un désengagement complaisant de l’élite intellectuelle devant la violence du régime fasciste13. Même si cette interprétation est juste, elle est loin d’épuiser la représentation bolañienne ; bien que le rapport d’Ibacache au littéraire semble de prime abord assez superficiel, faisant office de prétexte par lequel il s’esquive d’une situation désagréable, il ne s’agit pas que de cela. Il est aussi question d’une expérience esthétique qui n’est pas sans conséquence pour le protagoniste du récit. En effet, la littérature se veut une forme d’altérité qui déporte l’être dans un ailleurs, qui l’arrache à sa propre situation. Dans sa revisite des Grecs, Ibacache relit Thucydide, auteur d’un ouvrage sur la guerre opposant les Spartiates aux Athéniens :

je lus Thucydide, […] les hommes armés de Thucydide, et les hommes désarmés, ceux qui vendangent et ceux qui contemplent depuis une montagne l’horizon lointain, cet horizon où j’étais fondu dans la masse de millions d’êtres, attendant de naître, cet horizon que Thucydide regarda et où je tremblais14.

Ibacache se conçoit transposé dans l’univers thucydien. Le texte impose au critique littéraire une forme d’altérité, un régime de représentation auquel celui-ci se soumet. Il s’oublie par le texte, il est aliéné et cette expérience esthétique se veut assez troublante ; le narrateur est bouleversé. La dimension politique est donc importante afin d’interpréter le texte – Bolaño s’attaque frontalement et de manière assez sardonique à une élite intellectuelle complaisante et, par le fait même, complice de la dictature – mais à elle seule, elle se montre incapable d’expliquer ce bouleversement du personnage. Cette aliénation atteint un tel degré d’intensité dans le cas d’Ibacache que ce n’est plus la fiction qui contamine son expérience du réel, c’est le réel qui fait effraction dans une expérience du monde fictionnelle, aliénée. Les paysans qu’il croise « lui apparaissent comme répugnants et, plus encore, comme des entraves à sa rêverie, à ses propres fantasmes bucoliques chantés et exaltés par la poésie15. » Cette hypothèse d’une aliénation induite par le biais de l’expérience esthétique se confirme à travers le personnage d’Auxilio, la protagoniste d’Amuleto. Elle aussi est aliénée par son rapport au texte, sauf que cette aliénation se montre salutaire dans son cas.

Auxilio Lacouture, protagoniste d’Amuleto, roman paru en 1993 et traduit en français en 2013, est une bohème qui erre dans les rues de Mexico. Elle fréquente le milieu universitaire sans y travailler et les cercles d’écrivains sans écrire. Auxilio se décrit elle-même comme « la mère de la poésie mexicaine16 ». Bien qu’assez âgée, elle côtoie les poètes plus jeunes et s’intéresse à leurs productions. Au début du récit, elle décrit de manière assez détaillée les effets que produisent sur elle ces textes qu’elle lit toujours avec passion :

je me plongeai donc jusqu’à la moelle [dans ces textes], je restais un instant seule avec ces mots engourdis par les étincelles et la tristesse de la jeunesse, je restais un instant seule avec ces éclats de miroirs en pièces, et je me regardais, ou plutôt, je me cherchais dans ce vif-argent bon marché, et je me trouvais, j’étais là, moi, Auxilio Lacouture, ou des fragments d’Auxilio Lacouture […] et ma propre identité me bouleversait, me plongeait dans un océan d’incertitude, me faisait douter du futur, des jours qui venaient à vitesse de croisière, quoique cette image de moi me confirmât d’autre part que je vivais bien dans mon temps, le temps que j’avais choisi et qui m’entourait, tremblant, changeant, pléthorique, heureux17.

Dans cet extrait, les textes sont conçus par Auxilio comme des miroirs qui lui renvoient une image d’elle-même. Or ce miroir est brisé ; l’image reflétée n’est pas un fidèle portrait d’elle-même, mais bien une représentation difforme. Ces fragments de miroirs lui renvoient une image qu’elle ne reconnaît que partiellement, ce qui ouvre une brèche dans sa subjectivité et ébranle les fondements de son identité. L’aliénation est moins radicale que dans le cas d’Ibacache, mais Auxilio est tout de même défigurée d’un point de vue symbolique : « je me cherchais […] et je me trouvais, j’étais là, moi, Auxilio Lacouture, ou des fragments d’Auxilio Lacouture18 ». Le texte se veut vecteur d’une dépossession, il expose le sujet à une forme d’altérité qui l’arrache à lui-même. Sauf que c’est précisément cette défaillance de sa subjectivité, induite par les textes, qui permet à Auxilio d’acquérir une forme de distance critique par rapport à sa propre personne. La prise de conscience d’Auxilio, qui saisit son image à travers les textes, implique un moment d’aliénation, de dissociation au cours duquel son propre point de vue disparaît. Elle est momentanément arrachée à elle-même et aspirée au sein du texte, sans quoi elle aurait suite à sa lecture une perception inchangée d’elle-même, ce qui ne semble pas être le cas. Elle arrive à poser un regard affûté sur son être parce que le texte l’a initialement délogée du réel ; il y a d’abord un moment d’incertitude et ensuite surgit cette confirmation à travers laquelle elle peut ressaisir son image. Ainsi, même les lectures qui semblent conduire à une « recognition of the reader’s self and his sociopolitical location in the world19 » impliquent nécessairement un moment d’oubli de soi par le texte. Le lecteur ne se saisit donc pas d’un outil : il est saisi par cet outil et peut trouver matière à enrichir son expérience du monde à travers ce saisissement qui l’arrache à sa position. Nous verrons maintenant plus concrètement comment Bolaño conçoit cet enrichissement que peut procurer un rapport aux objets littéraires.

S’y trouver / s’y perdre : un décentrement productif

Dans le roman Amuleto, Bolaño met en scène l’invasion de l’université de Mexico par l’armée20. L’intervention est violente : de nombreux individus sont tués ou blessés par les forces policières et plusieurs sont faits prisonniers. La protagoniste échappe à la rafle car lors de l’événement elle était aux toilettes en train de lire. Elle passera plusieurs jours enfermée dans les cabinets, craintive, à attendre que les forces militaires se retirent du territoire de l’université : « Et j’étais assise sur la cuvette, les jupons relevés, comme dit le poème ou la chanson, en train de lire ces poésies si délicates de Pedro Garfias, […] qui aurait pu s’imaginer que j’allais être en train de lire au W.-C. juste au moment où les salauds de granaderos entraient à l’université21. » Elle est donc à l’écart, isolée, et échappe ainsi à la mort ou à l’emprisonnement. D’emblée, on pourrait y voir une forme de chance ; elle était au bon endroit au bon moment. Or cette scène, envisagée dans une perspective plus métaphorique, pourrait également représenter le pouvoir de résistance de la littérature, qui induit une distance entre le sujet et l’expérience quotidienne du réel : distance qui lui permet de développer une perspective différente sur les événements. Cette hypothèse se confirme à travers la parole d’Auxilio qui ajoute :

En fait, grâce à Pedro Garfias, aux poèmes de Pedro Garfias, et à ma manie invétérée de lire aux toilettes, j’ai été la dernière à me rendre compte que les ganaderos étaient entrés, que l’armée avait violé l’autonomie universitaire, et que pendant que mes yeux parcouraient les vers de cet Espagnol mort en exil, les soldats et les granaderos arrêtaient, fouillaient et rudoyaient tous ceux qu’ils rencontraient22.

Bolaño opère ici une association qui lie la lecture à la défécation : cette superposition surprenante participe d’une volonté de déjouer une conception figée de la lecture. Toutefois, les besoins physiologiques apparaissent comme une cause secondaire dans l’enchaînement des événements qui ont permis à Auxilio de survivre. L’élément premier auquel elle doit son salut est la littérature, les poèmes de Pedro Garfias. Autrement dit, elle n’a pas évité l’altercation à cause d’une envie pressante, mais bien grâce à une expérience esthétique. Absorbée par sa lecture, elle a pu se soustraire à la violence. Par la suite, cette position particulière deviendra une force, puisqu’elle permettra à Auxilio de témoigner des incidents d’une perspective inédite ; elle voit tout par la fenêtre des toilettes et peut faire un récit particulier des événements. Le littéraire est donc conçu par Bolaño comme une force de décentrement, qui soustrait le sujet à une situation très concrète afin de lui permettre de développer un regard différent sur les éléments qui composent cette situation.

Dans Nocturne du Chili, la lecture est également représentée comme une force de décentrement, sauf que cette expérience esthétique s’avère beaucoup moins productive. En effet, dans ce roman, la littérature est présentée comme un leurre qui égare le sujet. Elle n’enrichit pas son expérience : « Farewell : à quoi bon la vie, à quoi bon les livres, ce ne sont que des ombres. Moi : pareilles à ces ombres que vous avez contemplées ? Farewell : oui. Moi : Platon a écrit un livre très intéressant sur ce sujet23. » Dans cet extrait, Ibacache discute avec son ami et mentor, le critique littéraire Farewell. Les deux amis attablés dans un restaurant discutent tandis que les ombres des passants qui circulent dans la rue apparaissent sur le mur et disparaissent. Ces silhouettes mouvantes fascinent Farewell qui les contemple longuement. Le lien intertextuel avec l’allégorie de la caverne24 est suggéré par le texte lui-même avant d’être explicité par Ibacache. Dans le récit de Platon, des individus sont ligotés au fond d’une grotte tandis que derrière eux et sans que ceux-ci ne le sachent, d’autres hommes font passer des objets devant un feu. Les prisonniers contemplent continuellement des ombres. Rien n’est plus réel pour eux que ces apparitions, car c’est là tout ce qu’ils connaissent : « de tels hommes considéreraient que le vrai n’est absolument rien d’autre que les ombres des objets fabriqués25. » La caverne est cet espace d’aliénation qui limite et conditionne l’expérience du monde des prisonniers. Dans Nocturne du Chili, les livres sont présentés comme des ombres : ce sont des objets qui aliènent le sujet, car ils se substituent au réel et enferment l’individu dans un régime alternatif de représentations. Farewell est absorbé dans le monde des ombres, un peu comme Auxilio l’a été, sauf qu’il n’est pas en mesure de profiter de cette sortie pour poser un regard critique sur son expérience quotidienne, contrairement à la protagoniste d’Amuleto. L’aliénation induite par l’expérience esthétique paraît moindre dans le cas d’Auxilio, même si elle est toujours présente ; la protagoniste échappe à la violence grâce à cette absence à elle-même, momentanément induite par la lecture. Or dans le cas d’Ibacache et de Farewell, le même processus d’aliénation devient explicite et prend complètement le dessus. Farewell à plus forte raison plus vieux et près de la mort, constate l’inanité de son rapport aux livres qui l’ont détourné du monde réel sans réellement enrichir son expérience : « Farewell : il n’y a pas de consolation dans les livres26. » En résumé, même quand elle s’avère bénéfique, comme dans le cas d’Auxilio, la lecture chez Bolaño se retrouve toujours considérée comme dangereuse, trompeuse.

L’ambivalence de la lecture : une expérience *pharmakonique

Roberto Bolaño propose une conception de la lecture particulièrement difficile à synthétiser. À la fois nocifs et enrichissants, les rapports qu’entretiennent les personnages avec les textes se soustraient aux définitions simples et univoques. Afin de restituer la complexité de la conception bolañienne de la lecture, je propose d’opérer un léger détour par la philosophie derridienne. Dans un article intitulé « La pharmacie de Platon », le théoricien de la déconstruction Jacques Derrida explore et déplie l’idée platonicienne de pharmakon. Par une interprétation du Phèdre, Derrida démontre le statut ambivalent de la conception platonicienne de l’écriture : « Platon détermine l’écriture elle-même comme une chose artificielle causant l’oubli, bien qu’elle soit utilisée comme un remède contre celui-ci, et l’appelle pharmakon27. » À partir de sa lecture de Platon, Derrida définit le pharmakon comme « ce qui, se donnant pour remède peut (se) corrompre en poison, ou ce qui se donnant pour poison peut s’avérer remède, peut apparaître après coup dans sa vérité de remède28. » Le pharmakon tel que conceptualisé par Derrida apparaît donc comme quelque chose de fondamentalement indéterminé. Pour Platon, l’écriture contribue à l’oubli tout en luttant contre ce dernier, « l’écriture est donnée comme suppléant sensible, visible, spatial de la mnémè ; elle s’avère ensuite nuisible et engourdissante pour […] la mémoire et la vérité29. » Chez Bolaño, la littérature induit une forme d’aliénation tout en enrichissant l’expérience de l’individu. Dans les deux cas, le texte fait office d’accessoire qui accroît la puissance du sujet et la diminue tout à la fois. Ce que je postule ici, c’est que la lecture telle que théorisée par Bolaño au sein de son œuvre de fiction se veut pharmakon, puisqu’elle est à la fois remède et poison.

Nous avons pu constater jusqu’à présent qu’Auxilio entretient un rapport globalement positif à la littérature. Les textes littéraires lui ont en quelque sorte sauvé la vie. Or pour elle la lecture est loin d’une expérience exclusivement positive. La rencontre d’un texte, la lecture littéraire, ouvre aussi la porte à une forme de danger. Auxilio gagne sa vie en occupant des petits boulots qui lui permettent à peine de survivre. L’un de ses gagne-pains consiste à nettoyer et à dépoussiérer les maisons de deux poètes qu’elle affectionne particulièrement. Alors qu’elle s’affaire à la tâche chez l’un d’eux, elle est absorbée par un vase qu’elle contemple longuement : « je me suis approchée du vase et je l’ai observé sous toutes sortes d’angles, et alors […] j’ai pensé : je vais mettre la main dans la bouche noire du vase30 ». Puis elle ajoute : « mon bras s’est arrêté et ma main est restée suspendue, comme dans la position d’une ballerine morte, à quelques centimètres de cette bouche de l’enfer31 ». Dans ce passage, le vase du poète s’apparente à une sorte de piège qui attire ses victimes par un pouvoir de fascination. Il s’agit d’un objet apparemment banal qui s’ouvre sur une sorte d’abîme, de néant :

Et j’ai pensé : est-ce que Pedrito Garfias sait ce qui se cache à l’intérieur de son vase ? Est-ce que les poètes savent ce qui se tapit dans l’ouverture sans fond de leurs vases ? Et s’ils le savent, pourquoi est-ce qu’ils ne les mettent pas en pièces, pourquoi est-ce qu’ils n’assument pas eux-mêmes cette responsabilité32 ?

Ce vase fait office de métaphore, à travers laquelle Bolaño traite en fait à un second degré de l’indéterminé sur lequel la lecture s’ouvre. On passe d’un objet très particulier, le vase du poète, à des objets plus génériques, les vases des poètes. Cette désincarnation de l’objet indique le passage d’une situation concrète, le vase de Pedro Garfias, à un régime métaphorique ; les vases en général. Cette métaphore lie en son sein la poésie et une « ouverture sans fond33 » qu’il vaudrait mieux détruire, selon Auxilio, car cet abîme, introduit dans le monde par le travail des poètes, apparaît tel un danger à ses yeux. Or cet abîme exerce également un curieux pouvoir de fascination sur Auxilio, qui était sur le point d’introduire sa main dans le vase avant de se raviser prise de panique. À travers cette tension entre séduction et répulsion, la puissance du pharmakon se manifeste, qui neutralise tout jugement définitif. « Opérant par séduction34 », le pharmakon maintient le sujet prisonnier d’un régime d’indécidabilité. Ainsi, de manière analogue à Platon, qui entretient un rapport ambigu à l’écriture, Auxilio refuse de se soumettre au pouvoir de fascination du vase, mais elle ne parvient pas non plus à le détruire et à résorber cette « ouverture sans fond35 » induite par le travail des poètes.

Cette ambivalence vis-à-vis de l’objet littéraire caractérise la perspective bolañienne. En 2003, quelque temps avant sa mort, Bolaño rédige un texte intitulé « Littérature + maladie = Maladie » dans lequel il écrit :

[Pour Mallarmé], non seulement nos actes sont malades, mais […] le langage l’est aussi. Cependant que nous cherchons l’antidote ou le médicament pour nous soigner, le nouveau, ce qui ne peut se trouver que dans l’inconnu, il faut continuer à passer par le sexe, les livres et les voyages, même s’il sait qu’ils nous mènent à l’abîme, qui est, d’ailleurs, le seul endroit où l’on peut trouver l’antidote36

Bolaño introduit lui-même au sein de sa production une forme d’isotopie pharmacologique similaire à celle qu’identifie Derrida chez Platon. Les livres, tout comme les voyages et le sexe, seraient des antidotes puisqu’ils s’ouvrent, selon Bolaño, sur quelque chose de nouveau, d’inconnu. Ce ne sont pas de simples antidotes, puisqu’ils conduisent vers un abîme ; ce sont des remèdes dangereux. La littérature représente l’un des seuls moyens de se guérir de la maladie existentielle de nos actes et de notre langage, mais elle représente également une menace, un danger. Elle est pharmakon, c’est-à-dire condamnée à une forme d’indétermination : « [il] n’y a pas de remède inoffensif. Le pharmakon ne peut jamais être simplement bénéfique37 ». Le paradoxe ne pourra jamais être transcendé et « [pour] appréhender le rôle particulier du pharmakon, il faut éviter de réduire le pharmakon à l’une de ses valeurs38 ».

Au lieu de trancher pour l’un ou pour l’autre, Bolaño affirme les deux termes de l’opposition : le livre est à la fois le remède et l’abîme. D’un geste typiquement nietzschéen39, il rejette l’opposition binaire afin de rendre compte plus adéquatement des nuances propres au rapport entre texte et lecteur. Une telle posture peut déstabiliser ce dernier, car elle se conçoit comme un entre-deux, en demi-teintes, qui questionne et déconstruit plutôt que de répondre et de structurer :

[Bolaño] interroge le pouvoir civilisateur de la création et de la culture avec scepticisme et ferveur tout à la fois ; en cela, sa position elle-même semble sinon fragmentée du moins scindée (schizo), comme l’est celle du personnage de Nocturne du Chili, roman ambigu et délibérément anti-manichéen40

J’ajouterais à cela : comme le personnage d’Amuleto. Tous les deux, Auxilio et Ibacache, entretiennent un rapport particulier à la littérature. Le concept derridien de pharmakon se montre particulièrement utile pour penser la conception bolañienne de la lecture, puisqu’il permet de schématiser ces rapports sans pour autant trancher quant à leur véritable essence, soit de poison ou de remède.

Affirmer l’ambivalence

Dans son article « The classicist in the cave : Bolaño’s theory of reading in By Night in Chile », Jacobo Myerston postulait une représentation binaire du statut de lecteur dans l’œuvre de Bolaño. Les expériences esthétiques mises en scène par l’auteur chilien sont en fait plus nuancées et ambivalentes. Ce sont des expériences complexes, à la fois positives et négatives ; Bolaño accepte la contradiction. Comme je l’ai démontré à travers la lecture des deux romans, le bien et le mal, les bonnes et les mauvaises pratiques ne sont pas des catégories mutuellement exclusives : elles représentent l’envers et l’endroit d’une même médaille. Lorsque l’on se concentre sur l’un des deux côtés l’autre ne cesse pas d’exister : il se fait plus discret mais demeure présent, sous une forme latente. Bolaño se soustrait ainsi à toute grille conceptuelle qui chercherait à se saisir de son œuvre à partir d’oppositions binaires. Il ne valorise pas pour autant une forme d’insensé ; il ne s’agit pas pour lui de ne plus produire de sens, mais bien d’en faire sur un autre plan, en dehors des catégories conceptuelles inaptes à rendre compte de la pluralité de nos expériences sensibles. Ceci explique peut-être pourquoi il cofonde, dans les années 1970, le groupe infraréaliste : un mouvement esthétique aux influences beatniks41. Dans le manifeste du mouvement, Bolaño écrit en citant le peintre Chirico : « Il est nécessaire pour la pensée de s’éloigner de tout ce qu’on appelle logique et bon sens, de s’éloigner de toutes les entraves humaines de sorte que les choses lui apparaissent sous un nouvel aspect42. » La littérature n’est pas un passe-temps, c’est un risque ; celui de s’aveugler au monde. C’est néanmoins aussi l’une des seules façons pour le lecteur de développer de nouvelles perspectives critiques.

Bibliographie

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  1. Roberto Bolaño, Entre parenthèses, Trad. Robert Amutio, Paris, Christian Bourgois, 2011, (« Titres »), p. 421.

  2. Jacobo Myerston, « The classicist in the cave: Bolaño’s theory of reading in By Night in Chile », Classical Receptions Journal, Vol. 8 / 4, 2016, p. 554‑573, p. 554.

  3. Antoine Ventura, « De la fragmentation et du fragmentaire dans l’œuvre narrative de Roberto Bolaño », in Karim Benmiloud, Raphaël Estève, (éds.). Les astres noirs de Roberto Bolaño, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2007, (« Série Amériques »), p. 187‑216, p. 210.

  4. Henri Desroche, « Désaxiologisation », Encyclopædia Universalis.

  5. Voir « Livre X », Platon, La République, Trad. Georges Leroux, Paris, Flammarion, 2016, (« GF »), p. 481‑523.

  6. Jean-Paul Sartre, Qu’est-ce que la littérature?, Paris, Gallimard, 1948, (« Folio Essais »), p. 29.

  7. Adélaïde de Chatellus, « Exil et littérature dans l’œuvre de Roberto Bolaño », Hommes & migrations, 2014, p. 119‑125, p. 122.

  8. Florence Olivier, Sous le roman, la poésie. Le défi de Roberto Bolaño, Paris, Hermann, 2016, (« Échanges littéraires »), p. 125.

  9. Le dictateur Augusto Pinochet renverse le président Salvador Allende en 1973 et instaure un régime de dictature. S’ouvre alors une période sombre pour les Chiliens, marquée par la répression et la violence étatique : environ 38 000 personnes auraient été torturées et plus de 3200 auraient été tuées ou portées disparues sous le règne de Pinochet. Voir : Claire Martin, « Chili : le bilan humain de la dictature d’Augusto Pinochet revu à la hausse », Radio France International, août 2011.

  10. Roberto Bolaño, Nocturne du Chili, Trad. Robert Amutio, Paris, Christian Bourgois, 2002, (« Titres »), p. 100.

  11. Ibidem, p. 102.

  12. Jacobo Myerston, op. cit., p. 560.

  13. Pensons notamment à l’interprétation de Caroline Lepage : « Littérature et dictature : lecture croisée de trois romans de Roberto Bolaño (Estrella distante – Amuleto – Nocturno de Chile », in Karim Benmiloud, Raphaël Estève, (éds.). Les astres noirs de Roberto Bolaño, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2007, (« Série Amériques »), p. 67‑89.

  14. Roberto Bolaño, op. cit., p. 101.

  15. Caroline Lepage, op. cit., p. 78‑79.

  16. Roberto Bolaño, Amuleto, Trad. Robert Amutio, Paris, Christian Bourgois, 2013, (« Titres »), p. 11.

  17. Ibidem, p. 31.

  18. Ibidem, p. 31.

  19. Jacobo Myerston, op. cit., p. 554.

  20. Roberto Bolaño s’inspire dans ce court roman d’un événement ayant réellement eu lieu, mais qu’il transpose dans le monde de la fiction. En 1968, les contestations étudiantes sont violemment réprimées par les forces policières mexicaines.

  21. Roberto Bolaño, op. cit., p. 32‑33.

  22. Ibidem, p. 33.

  23. Roberto Bolaño, op. cit., p. 65.

  24. Voir « Livre VII », Platon, op. cit., p. 358‑400.

  25. « Livre VII », Ibidem, p. 359.

  26. Roberto Bolaño, op. cit., p. 67.

  27. Tacettin Ertuğrul, Jacques Derrida et le problème de la technique, Thèse de doctorat, Université de Strasbourg, 2016, p. 6.

  28. Jacques Derrida, « La pharmacie de Platon », in La dissémination, Paris, Seuil, 1972, (« Tel Quel »), p. 77‑213, p. 156.

  29. Ibidem, p. 158.

  30. Roberto Bolaño, op. cit., p. 17.

  31. Ibidem, p. 18.

  32. Ibidem, p. 19.

  33. Ibidem, p. 19.

  34. Jacques Derrida, op. cit., p. 87.

  35. Roberto Bolaño, op. cit., p. 19.

  36. Roberto Bolaño, « Littérature + maladie = maladie », in Le gaucho insupportable, Trad. Robert Amutio, Paris, Christian Bourgois, 2003, (« Titres »), p. 243‑288, p. 283‑284.

  37. Jacques Derrida, op. cit., p. 123.

  38. Tacettin Ertuğrul, op. cit., p 66.

  39. Pensons seulement à l’opposition binaire entre bien et mal que Nietzsche questionne assez violemment et déconstruit. Voir : Friedrich Nietzsche, Par-delà bien et mal, Trad. Patrick Wotling, Paris, Flammarion, 2000, (« GF »).

  40. Antoine Ventura, op. cit., p. 210‑211.

  41. Philippe Lançon, « En quête des poètes disparus », Libération, Paris, mars 2006.

  42. Roberto Bolaño, « Manifeste infraréaliste de Roberto Bolaño », Jeu de paume, Trad. Sol Gil et Antonio Werli, 2014.


Jonathan Paquette est étudiant à la maîtrise en littératures de langue française à l’Université de Montréal. Il rédige présentement un mémoire consacré aux représentations des rapports intersubjectifs dans l’œuvre du dramaturge Bernard-Marie Koltès sous la direction de Gilles Dupuis.

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