Erik Stout, 3e cycle, Université de Montréal
Résumé : L’histoire des Sévarambes, de Denis Veiras, est un roman fondateur de la littérature utopique française. Cet article aborde l’ouvrage du point de vue de sa représentation du savoir, du rôle des savants et des rapports entre producteurs et récepteurs de savoir. L’analyse portera d’abord sur les deux principales quêtes du roman en tant que chemins difficiles vers le savoir suprême, puis sur les différentes applications de ce savoir dans la société autoritaire des Sévarambes, avant de conclure sur la mise en scène de la transmission du savoir du roman – présenté comme un trésor réservé aux bons lecteurs et lectrices.
L’histoire des Sévarambes, de Denis Veiras (1677 à 1679)1 est l’un des romans fondateurs de la littérature utopique française. Le présent article a pour but de l’aborder du point de vue de sa représentation du savoir, du rôle des savants et des rapports entre producteurs et récepteurs de savoir. Il y sera prioritairement question de la quête des deux personnages principaux du livre, celle du capitaine Siden, qui découvre dans les mythiques Terres australes2 la civilisation cachée des Sévarambes, puis celle de Sévarias, qui a fondé plus de deux siècles plus tôt cette société hautement rationalisée. Dans ces récits, la recherche individuelle du savant mène à des considérations plus larges sur les implications sociopolitiques du savoir, ainsi que sur sa communication aux lectrices et aux lecteurs3.
Le terme de « lecteur » sera généralement à entendre ici au sens de lecteur modèle, tel que défini par Umberto Eco dans Lector in fabula, c’est-à-dire un lecteur non pas empirique, mais idéal, construit par le texte. D’après Eco, un texte, surtout quand il vise des fins esthétiques, cherche à favoriser la coopération d’un lecteur idéal capable d’actualiser ses multiples significations et non-dits. De ce point de vue, « générer un texte signifie mettre en œuvre une stratégie dont font partie les prévisions des mouvements de l’autre4 ». Plus précisément, Eco établit une distinction entre les textes fermés, pour lesquels les possibilités d’interprétation sont relativement limitées (à moins que le lecteur empirique ne décide de faire une lecture contre les stratégies du texte) et les textes ouverts, face auxquels le lecteur modèle sera « capable de mettre en acte, dans le temps, le plus grand nombre possible de lectures croisées5 ». En ce sens, j’affirme que L’histoire des Sévarambes est un cas particulièrement probant de texte ouvert, qui autorise et encourage son lecteur modèle à multiplier les interprétations à son endroit.
L’optique retenue ici sera d’abord celle du voyage, ce roman pouvant être lu comme une quête de savoir prenant la forme d’un itinéraire à la fois physique et intellectuel, commençant par un parcours géographique de grande envergure et couronné par l’atteinte d’une certaine vérité. En effet, le voyage vers une destination lointaine, suivi de l’exploration du pays nouvellement découvert, constituent dans L’histoire des Sévarambes des outils privilégiés dans l’ambitieuse quête savante que s’imposent les personnages. Plus encore, les leçons des deux voyages qui composent l’essentiel du roman ne s’appliquent pas seulement aux personnages qui les mènent, mais aussi aux sociétés dans lesquels ils évoluent, ainsi qu’au lecteur modèle qui devrait être en mesure de tirer profit du récit de leurs pérégrinations.
En examinant les répercussions collectives des deux principales quêtes du roman, j’espère relever certaines tensions essentielles qui le traversent. Dans un univers qui base sa perfection sur un détournement des passions humaines au profit d’une application permanente de la raison, comment l’irrationalité ou encore la superstition sont-elles mises de côté ou intégrées ? Qu’est-ce que cela implique au niveau du type de lecture suggéré ou exigé ? Qui est élu ou exclu de l’utopie ? Pour répondre, j’examinerai les caractéristiques principales de la quête du petit savant Siden, puis de celle du grand savant Sévarias. J’envisagerai ensuite les applications du savoir dans une société où l’usage de la raison ne dispense pas les dirigeants de recourir à des supercheries pour asseoir leur autorité. Je me pencherai enfin sur la mise en scène de la transmission du savoir dans ce roman, en la présentant comme un trésor réservé aux bons lecteurs, ceux en somme qui sont capables de se débarrasser de leurs préjugés pour accéder à la vérité des Sévarambes.
Le conte de deux savants
Dès la préface « Au lecteur » de L’histoire des Sévarambes, Siden est qualifié de savant6 et Sévarias est décrit tout au long du roman comme un grand homme parvenu à un haut degré de vertu et de sagesse7. Par ailleurs, les épîtres ouvrant les deux premières parties sont adressées à Monsieur Riquet, créateur du canal du midi, dans ce qui ressemble à un dialogue entre savants8. Plusieurs indices suggèrent donc que ce roman traite de savants et de savoir. Dans cette perspective, le fait que les personnages principaux portent des noms qui sont des anagrammes de Denis Veiras permet de les considérer comme de potentiels alter egos de l’auteur, qui constituerait alors lui-même une figure du savant, invitant le lecteur modèle à le suivre sur le chemin de la connaissance9.
Que ce soit pour Siden ou pour Sévarias, la première étape dans l’acquisition du savoir passe par le voyage10. Dans les deux récits, en effet, le personnage commence par voyager pour connaître le monde, puis applique les leçons qu’il a apprises à l’échelle d’une société dont il devient le chef. L’histoire des Sévarambes est en ce sens celle de deux homo viator, pratiquant l’art de voyager11. Selon cette conception en vogue aux XVIe et XVIIe siècles, le voyage est un mode de déplacement raisonné, méthodique et pédagogique, permettant au voyageur puis à son lectorat d’accéder à un savoir. L’expérience du monde est considérée comme plus importante que le savoir traditionnel ou livresque et le voyageur va glaner dans chaque contrée de quoi parfaire son éducation. Ce savoir enfin n’est pas à usage individuel, mais est destiné à être ramené au pays d’origine12. Le voyage de Siden en particulier obéit largement à cette définition.
La quête du petit savant
Après avoir longuement parcouru l’Europe par goût de l’aventure, le héros et narrateur du roman, le capitaine Siden, se rend aux Indes orientales. Sur le chemin, il est victime d’une tempête qui fait échouer son navire sur des côtes inconnues. Après une période de quelques semaines au cours de laquelle il dirige l’installation de son équipage, Siden découvre que le territoire est habité par le peuple des Sévarambes. Fasciné par cette civilisation extraordinaire, il vit parmi elle pendant une quinzaine d’années avant de tenter de revenir en Europe. Il meurt cependant sur le chemin du retour, non sans avoir légué à un compagnon de voyage les documents nécessaires à la transmission de son expérience exceptionnelle.
La première partie de son séjour est principalement déterminée par les besoins de la survie. Siden et les siens échouent sur une terre qu’ils ne peuvent d’abord identifier et où ils ne trouvent nul signe de vie humaine. Ils décident alors que le maintien de l’organisation militaire qui régnait sur le navire constitue le meilleur moyen d’éviter aux membres de la compagnie de mourir dans ce territoire inconnu. Au fil des semaines, une société se forme donc autour de l’autorité de Siden. Après avoir instauré un Conseil, les membres de l’équipage l’élisent unanimement comme leur chef suprême, en vertu de son expérience de soldat et de la prudence qu’il est réputé avoir acquise lors de ses précédents voyages.
Au cours de cette période, Siden adopte une démarche expérimentale par rapport à ses environs. Il envoie ses hommes à la découverte du pays, afin qu’ils récoltent des aliments et qu’ils repèrent les dangers, mais aussi pour qu’ils déterminent les caractéristiques générales d’une contrée où ils risquent de devoir s’établir durablement. Les décisions se prennent au fil des observations recueillies, selon une démarche précise et rationnelle :
Les officiers étant choisis nous fîmes le dénombrement de tout notre monde, & nous trouvâmes que nous avions en tout trois cent sept hommes, trois garçons & soixante et quatorze femmes, tous en bonne santé […] Je divisai tout ce monde en quatre parties […] Nos affaires étant ainsi réglées, sur le soir je fis assembler les officiers supérieurs, & leur dis, qu’avant que nos provisions furent consommées, il fallait aller & par la mer & par terre en chercher de nouvelles & tâcher de découvrir quelque lieu plus commode que celui de notre camp13.
Dans ce passage comme dans tout le début du roman, le style est calqué sur les relations de voyage authentiques, avec une insistance sur les considérations tout à fait matérielles et pragmatiques du voyage. Sylvie Requemora, dans Voguer vers la modernité, offre une liste des éléments qui se retrouvent ordinairement dans les relations authentiques du XVIIe siècle : usage de la première personne, esthétique réaliste de la vraisemblance, commentaires nautiques, descriptions de paysages, etc.14 Or ces caractéristiques se retrouvent tout à fait dans le récit livré par le capitaine Siden, à tel point que de nombreux lecteurs empiriques ont cru à la véridicité de sa relation15.
En ce début de roman donc, le récit de Siden a toutes les apparences de l’authenticité, et ce n’est qu’à partir du moment où lui et les siens découvrent que le pays est habité par un peuple aux mœurs particulièrement évoluées que le caractère utopique du récit se révèle de plus en plus franchement. Les Sévarambes en effet, semblent être parvenus à éliminer les défauts propres aux sociétés européennes dont sont issus Siden et les siens. Ils ont eu plusieurs générations pour instaurer une organisation sociale hautement cohérente et le reste de l’ouvrage décrit en détail la vie politique, intellectuelle et quotidienne de ce pays exceptionnel.
Il est important de préciser à ce stade le sens du terme utopie en tant qu’il s’applique au roman de Veiras. Jean-Michel Racault, dans Nulle part et ses environs, argue que les définitions historico-sociologiques de l’utopie à l’heure actuelle ne rendent pas adéquatement compte de ce genre littéraire sous l’Ancien Régime16. Pire encore, elles font violence à des œuvres telles que celle de Veiras, en leur appliquant des catégories inadéquates, correspondant bien plus à des discours et à des textes conçus depuis le XIXe siècle qu’aux fictions de l’époque de Louis XIV17. Allant contre la conception souvent adoptée aujourd’hui de l’utopie comme critique politique orientée vers un futur meilleur, Racault nuance par exemple l’anti-absolutisme de Veiras, chez qui la conciliation entre les libertés individuelles et la préservation de l’ordre public est assurée par un État qui rappelle indubitablement celui du Roi Soleil. Il note en outre qu’au XVIIe siècle, les sociétés imaginées par les auteurs d’utopies sont loin d’être présentées comme des créations absolument idéales18. Or, il faut bien reconnaître pourtant que l’utopie des Sévarambes se montre attrayante pour les personnages du roman, du moins quand ils la découvrent. En effet, loin de résister aux conseils plus qu’autoritaires des habitants du pays, la compagnie de Siden se laisse immédiatement aspirer par cette société fascinante :
Nous consultâmes quelque temps sur la conduite que nous devions tenir, & nous résolûmes enfin de suivre Sermodas, d’aller partout où il voudrait nous mener, de nous soumettre entièrement aux plans de la providence divine & de nous fier au bon naturel du peuple de ce pays […] Sermodas me demanda si nous voulions nous soumettre à leurs lois. Je lui témoignai que nous le souhaitions avec passion19.
On notera dans ces phrases la double occurrence du verbe soumettre, qui annonce déjà que l’intégration des Européens au sein de la société des Sévarambes se fera selon une logique de colonialisme inversé. Dans ce récit, la vérité, le savoir, ou la sagesse suprême ne se trouvent pas dans leurs bagages européens, mais dans le pays nouvellement découvert. Certes, l’intégration nécessitera d’importants efforts physiques et mentaux de la part des nouveaux arrivants, mais ceux-ci feront systématiquement preuve de docilité au moment d’obéir à leurs nouveaux maîtres.
L’une des causes de l’intégration immédiate des Européens est, qu’en découvrant par hasard la civilisation des Sévarambes, ils trouvent en quelque sorte une version améliorée de ce qu’ils tentaient eux-mêmes de mettre en place en Terres australes. En effet, Siden et des siens plaçaient déjà la raison au centre des démarches. Il est d’ailleurs sûrement plus efficace pour l’auteur, d’un point de vue rhétorique, de placer la description du rationalisme des Sévarambes après celle des tâtonnements européens, bien que cette société parfaite ait été fondée avant leur arrivée. Si le roman avait commencé par la description de cette civilisation, les Sévarambes auraient pu sembler une simple fantaisie. Or la stratégie textuelle consiste ici à faire du récit du petit savant Siden une étape essentielle du parcours du lecteur modèle – qui peut ainsi voir en cette civilisation non pas une fiction, mais une extension logique de la rationalité européenne – telle qu’elle a d’abord été exposée de manière imparfaite en début de roman.
Tout n’est pourtant pas idéal dans l’univers des Sévarambes, et après quinze années passées au sein de cette société, Siden sent un irrésistible désir de retour au foyer. C’est d’ailleurs grâce à ce retour que le récit peut être raconté, puisque c’est en chemin que Siden relate ce qu’il a vécu. Or, comme le note Jean-Michel Racault, la mélancolie qui provoque le retour de Siden « suggère aussi une remise en cause de l’ordre donné pour idéal, ou plutôt de l’aptitude de l’homme européen, façonné par son éducation imparfaite, à s’adapter à l’état de choses peut-être trop parfait20 ». En d’autres termes, le narrateur prouve son inadéquation avec la perfection des Sévarambes par son irrépressible besoin de retourner chez lui. Sa morte en chemin confère une tonalité particulièrement sombre à l’image dorée de cette utopie.
La quête du grand savant
Au moment où le capitaine Siden arrive aux Terres australes, la civilisation des Sévarambes a déjà bénéficié d’une période de développement de deux cents ans et les institutions de base n’ont que peu changé depuis les efforts d’un être exceptionnel pour les mettre en place. La deuxième partie du roman raconte en détail la genèse de ce savant, né Sévaris, puis nommé Sévarias au moment de devenir vice-roi.
Le premier législateur des Sévarambes peut compter sur les avantages de sa naissance. Contrairement au roturier Siden, il est issu d’une famille noble et dispose par ailleurs d’une solide culture livresque. Les voyages qu’il a accomplis ne sont pas ceux d’un quelconque matelot ou aventurier, la totalité de son éducation ayant été fortement encadrée par son père, prêtre du soleil au sein de l’ancienne communauté perse des Parsis. Si le capitaine Siden n’entretenait quasiment aucun lien avec ses parents, Sévarias a pour sa part un père qui a su reconnaitre son naturel brillant et qui l’a cultivé grâce aux soins d’un précepteur italien appelé Giovanni21. En bref, Sévarias est un homme de qualité, curieux et compétent au plus haut degré. Il incarne une version idéalisée du voyageur que Veiras appelle de ses vœux dans la préface Au lecteur22.
Les qualités intrinsèques et acquises de Sévarias expliquent qu’il ne parvient pas aux Terres australes par hasard. Son objectif, déterminé clairement avant le départ, consiste à appliquer une vérité déjà trouvée lors de ses précédents voyages. C’est donc en homme vertueux, éduqué et rusé qu’il débarque sur cette terre avec le dessein de la soumettre à la raison. Sa conquête se fait sans embûche, du fait que son savoir et son talent de stratège lui confèrent une supériorité à même d’écarter tous les obstacles humains et géographiques23. Il impose ainsi sa volonté aux habitants du pays et les siècles qui s’écoulent après sa mort ne font que confirmer l’excellence de sa pensée première, puisque sa descendance perpétue fidèlement les traditions qu’il a mises en place. Rien dans le roman ne laisse penser qu’un tel état soit appelé à changer un jour. Pourtant, derrière cette réussite apparente, on l’a dit, des zones d’ombre s’esquissent.
La gestion collective du savoir, entre raison et superstition
L’un des paradoxes de cet ouvrage est de mettre en scène une société hautement rationnelle, qui recourt cependant de manière parfois grossière à la superstition afin d’assurer son fonctionnement hiérarchique. Pour mieux comprendre ce système dans sa cohérence mais aussi ses discordances, il faut d’abord noter deux éléments importants des parcours individuels de ces savants.
Si l’on compare les chemins de Siden et de Sévarias, on remarquera d’abord que la solitude occupe un rôle important dans leur quête, en tant qu’état nécessaire qui encadre le moment décisif de leur vie, celui où ils agissent pour le bien de la société. Par ailleurs, lors des tâtonnements de Siden, comme dans le cadre des efforts plus réfléchis de Sévarias, une même logique d’accès à la connaissance est à l’œuvre : observation, induction, contrôle de l’environnement. Il y a donc une valorisation de la solitude et de l’expérience pour ces êtres d’exception, qui indique que le chemin du savoir est d’abord celui d’une expérimentation individuelle.
Or ce qui vaut pour ces savants ne vaut pas forcément pour les autres membres de la société. C’est précisément parce qu’ils se trouvent au sommet de la pyramide sociale que Siden et Sévarias ont le droit d’effectuer un parcours individuel. En tant qu’êtres d’exception, ils sont en mesure de tracer leur propre chemin, puis de dicter la voie qu’auront à emprunter les autres. Il existe en effet dans tout le roman une conception de l’autorité voulant qu’elle découle d’une source unique, et ni le petit ni le grand savant ne rencontrent jamais la moindre résistance lorsqu’ils donnent un ordre. D’ailleurs, ces deux hommes font preuve d’une bonne compréhension des mécanismes de l’autorité, même si cette connaissance est plus subtile et réfléchie chez Sévarias. Lors de son arrivée aux Terres australes, Siden se voit accorder une tente plus large que celle de ses compagnons et ceux-ci décident de nommer leur lieu de campement Siden-berg, mais ces honneurs résultent d’une reconnaissance liée aux circonstances, plutôt que d’une stratégie consciente de sa part. À cette prise de de pouvoir relativement passive de Siden s’oppose celle, tout à fait préméditée et spectaculaire, de Sévarias – particulièrement lors de son accession officielle au pouvoir.
L’épisode de l’oraison du soleil constitue un moment essentiel dans le parcours de Sévarias, puisque c’est celui où il montre l’étendue de sa ruse, en présentant à ses futurs sujets des règles soi-disant divines, qui sont en réalité issues de sa raison. Convaincu que son organisation sociale s’écroulera si elle n’est pas appuyée par des croyances religieuses fortement ancrées, il effectue au moment d’assumer la fonction de vice-roi une prière sous la forme d’un éloge au Dieu Soleil, suivie de la mise en scène suivante :
Dès qu’il eut achevé de parler, ils ouïrent une douce harmonie vers la voûte du temple qui sembla venir de loin & s’approcher peu à peu. Lorsqu’elle fut assez près, on entendit la voix charmante d’une femme ou d’un garçon qui, après avoir chanté quelque temps fort mélodieusement, dit à l’assemblée qu’il était envoyé de la part du Soleil pour leur annoncer que ce Dieu glorieux avait écouté leur prière, qu’il avait reçu leur sacrifice & même jeté les yeux sur l’un d’entre eux pour l’élever en dignité au-dessus des autres […] que la personne dont il avait fait le choix était son grand prêtre Sevaris qu’il déclarait publiquement avoir élu pour son lieutenant […] Cependant le peuple était dans une profonde admiration & croyait effectivement que c’était une voix du ciel qui leur avait annoncé la volonté de leur Dieu24.
Ce spectacle, d’après le narrateur, a trompé l’essentiel du peuple. Seuls quelques esprits éclairés pensent en avoir compris les mécanismes cachés, ce qu’ils ne manqueront pas de confier à Siden. Celui-ci conclut que Sévarias a probablement fait pratiquer dans la voûte quelque vide secret pour y mettre la symphonie25. Il s’agit certes de l’un des passages les plus cyniques du roman, illustrant l’adage selon lequel la fin justifie les moyens. Surtout, cet épisode remet en cause l’un des fondements du livre, selon lequel les Sévarambes constitueraient un peuple où chacun n’obéit qu’à la raison. Non seulement il y a hiérarchie, mais comme l’a noté Carla Pellandra, en offrant ainsi une garantie divine à ses lois et institutions, Sévarias impose à l’avance tout le cadre de référence dans lequel aura lieu la pensée des Sévarambes26.
Cet épisode indique en bref la grande ambivalence qui caractérise le statut du savoir chez les Sévarambes. Tous les acteurs de cette société sont censés jouer un rôle, mais seuls les êtres élus connaissent la vérité et dirigent la société en conséquence. La priorité n’est pas que tous aient accès à la connaissance, mais que le comportement de chacun soit conforme aux directives venues d’en haut. Les membres de l’élite des Sévarambes jouent donc le rôle que Platon confiait autrefois aux philosophes rois : sortis de la caverne, ils sont ceux qui ont vu le vrai et qui reviennent non pour le prêcher, mais pour l’appliquer.
L’oraison du soleil est toutefois une reconfiguration assez troublante du mythe platonicien, puisque ce sont ici les sophistes qui semblent prendre le pouvoir27. Or dans La République, Platon faisait dire à Socrate au début de son allégorie de la caverne qu’« aucun homme libre ne doit s’engager dans l’apprentissage de quelque connaissance que ce soit comme un esclave […] aucun enseignement imposé de force à l’âme ne pourra y demeurer28 ». Les manigances de Sévarias ressemblent certainement à un passage en force dans l’âme de ses sujets29.
Il serait peut-être excessif d’affirmer que ce n’est que par le charlatanisme que s’instaure la stabilité politique dans ce roman. Sévarias tente en effet d’appliquer ce qu’il considère comme la vérité et, une fois cet acte fondateur posé, il met en place un système éducatif censé maximiser le potentiel de chacun de ses sujets30. Il n’en demeure pas moins que Sévarias est lui-même convaincu que la stabilité de l’organisation politique des Sévarambes ne perdurera que s’il insère une dose de tromperie au départ. La société des Sévarambes incarne donc une perfection assez étrange. Par rapport au contexte européen de l’époque, elle offre de réels avantages en termes de liberté de conscience, Sévarias insistant sur le fait que chacun est libre de croire ce qu’il veut tant qu’il respecte les lois et règles établies. C’est cependant une autre forme de tyrannie qui vient régir les actions extérieures, dans ce que Nadia Minerva a qualifié de régime policier et délatoire terrifiant31.
En bref, le spectacle de l’oraison du soleil laisse soupçonner que la belle utopie des Sévarambes pourrait n’être que la continuation d’une grande escroquerie. Ce risque est d’ailleurs mis en scène par Veiras lui-même, lorsqu’il raconte l’histoire de l’imposteur Omigas/Stroukaras, qui avant l’arrivée de Sévarias, avait lui aussi utilisé la superstition afin de dominer ce peuple. La différence la plus notable entre les deux chefs se situe au niveau des intentions, mais comme l’a noté Jean-Michel Racault, le récit de Stroukaras pourrait être un moyen pour Veiras de jeter une lumière plus sombre sur l’utopie des Sévarambes32.
Enfin, un dernier élément mérite d’être mentionné concernant l’organisation politique des Sévarambes, à savoir les rapports avec l’absolutisme des Bourbons qui constituait alors la réalité sociale de l’auteur et de ses contemporains. Il est notable que Sévarias rejette fermement le principe de la monarchie héréditaire, qui présente le risque d’une soudaine incompétence au sommet, capable de détruire tout ce qui aurait été patiemment bâti jusque-là. Aux problèmes d’une Europe et d’une France confrontées à la monarchie absolue, Veiras oppose une réadaptation de la rationalité platonicienne, qui traduit une méditation sur la perpétuation du savoir sur la durée. Il ne s’agit là que de l’une des nombreuses réflexions du livre sur la question du temps et de la transmission.
Un roman sur la transmission du savoir
Penser le savoir en société revient forcément à penser son transfert aux générations suivantes. Les hommes étant mortels, la société ne pourra être améliorée par le savoir que si une transmission solide est assurée à travers les âges. Il n’est donc pas étonnant que L’histoire des Sévarambes thématise en profondeur la question de la transmission. Ceci se remarque dès le péritexte, qui met en scène un nombre impressionnant de médiatisations pour expliquer le transfert du savoir en direction des lecteurs. Ainsi, la préface introduit le topos du manuscrit trouvé pour raconter les circonstances qui nous permettent d’accéder à l’histoire de Siden33.
On apprend dans cette préface qu’après avoir passé une quinzaine d’années auprès des Sévarambes, celui-ci fait sur le chemin du retour la connaissance d’un médecin, à qui il confie ses papiers au moment d’expirer. Ces documents se trouvent toutefois en désordre, en plus d’être écrits en plusieurs langues. Du coup, le médecin en question laisse trainer la publication faute de compétences linguistiques. L’histoire de Siden est donc rapportée par deux intermédiaires humains : le médecin, puis l’éditeur, qui se chargent ensemble des opérations intellectuelles et techniques de classification et de traduction nécessaires. La vérité de Siden est en somme loin de nous arriver par voie directe34.
Après la préface, la première partie du roman est consacrée au voyage de Siden, et ce n’est qu’une centaine de pages plus loin que le récit des Sévarambes commence. Ceci peut renforcer l’impression que L’Histoire des Sévarambes donne accès à un secret – celui même qui avait été esquissé dans le péritexte. La comparaison du livre à un trésor est d’ailleurs reprise plusieurs fois au cours du roman, comme dans le passage suivant, issu du testament de Siden : « outre ces hardes, cet argent, & ces pierreries, vous y trouverez un grand trésor, & c’est l’histoire de tout ce qui m’est arrivé depuis que je partis de Hollande pour aller aux Indes35 ». Or si le roman constitue une telle richesse, cela ne signifie pas pour autant que le lecteur construit par le texte soit considéré comme un agent passif, simple récepteur de la vérité des Sévarambes.
Tout comme les Sévarambes ont bâti leur civilisation peu à peu, chacun mettant sa pierre à l’édifice, à partir de la contribution certes brillante, mais ponctuelle d’un homme de génie, le lecteur modèle mais aussi l’ensemble des lecteurs empiriques du roman, peuvent s’inscrire, génération après génération, dans une communauté littéraire dont Veiras est le fondateur. En effet, ce dernier, tout comme Sévarias, s’inscrit explicitement au sein d’une tradition en même temps qu’il en fonde une nouvelle. Il y a chez l’écrivain comme chez son personnage une réflexion sur le rapport au passé, puisque Sévarias descend d’une civilisation ancienne, celle des Parsis, dont il reprend les rites et la religion, et que Veiras, dans le paratexte liminaire, nomme ses pères spirituels : Platon, Francis Bacon et Thomas More, tout en espérant faire mieux qu’eux dans son propre livre36. De ce point de vue, Sévarias comme Veiras visent à opérer une conversion : tout comme Sévarias a transformé son nom et transforme un peuple entier à son image, le livre vise à convertir son lecteur à la vérité des Sévarambes. Celle-ci est néanmoins présentée comme évidente pour quiconque sait voir et lire.
On a vu précédemment que l’épisode de l’oraison du soleil offrait deux modes de lecture possibles, celle des élites et celle de la population générale. Une autre scène, vécue cette fois par Siden, illustre peut-être de manière encore plus frappante le mode de lecture conseillé. Il s’agit du moment où Siden et les siens se dirigent vers Sévarinde – capitale du pays et centre de perfection symbolique du roman – par un difficile passage dans les montages. Le groupe de Siden, composé d’hommes de femmes, se voit expliquer par leur guide qu’il va devoir emprunter un chemin qu’il nomme « enfer ». Si la réaction des hommes est alors inquiète, celle des femmes frise la panique : « nos femmes se mirent à pleurer comme si on les eut menées au supplice […] Alors elles se mirent à lever les mains au ciel, à battre le sein & à me dire que nous allions tous périr37 ». Le guide se retourne alors pour les regarder et s’adresse ainsi au narrateur :
Je vois bien, me dit-il, en regardant nos femmes d’un air qui avec la pitié qu’il avait de leur faiblesse marquait encore l’envie qu’il avait de rire de leur erreur : Je vois bien que les pleurs & les gémissements de ces pauvres femmes procèdent d’une imagination dont il nous sera facile de les désabuser […] Je vous ai dit par une espèce de raillerie que je voulais vous mener en paradis par le chemin de l’enfer […] ces pauvres femmes, sans doute, se sont imaginées que je parlais sérieusement38.
Dans cette scène, les femmes sont celles qui ne comprennent pas le second degré, qui interprètent mal le sens caché et qui ont donc du mal à accéder à la vérité. Elles font en bref figure de mauvaises lectrices. Cependant, malgré ses nombreuses attaques contre elles tout au long de l’ouvrage, Veiras tente de les intégrer dans son système parfait. Dans cette scène, justement, une fois le bon mode d’interprétation expliqué par le guide, elles sont en mesure de poursuivre leur route vers la capitale du pays. De ce point de vue, l’épisode peut être interprété comme un appel au lecteur modèle, qui, s’il suit les instructions du guide, pourra emprunter sans dommage le chemin d’accès au savoir – tout comme les premiers Sévarambes, puis les nouveaux venus Européens l’ont fait avant lui. Cet extrait misogyne et élitiste laisse ainsi entendre que la bonne lecture et, par extension, l’accès à la connaissance, passe par le rejet de toute attitude émotive et irrationnelle, essentialisés dans les personnages des femmes et associée à la crainte superstitieuse de l’inconnu.
Un roman de formation pour savants lecteurs
Au vu des récits de Siden et de Sévarias, mais aussi des réflexions sociopolitiques et des problèmes de transmission et d’interprétation qui s’en dégagent, L’histoire des Sévarambes offre une vision plus qu’autoritaire du savoir. Il existerait une vérité que seules les personnes de qualité sont aptes à atteindre, à gérer et à diffuser, grâce notamment à leur aptitude à voyager. Siden en est le principal messager, tandis que Sévarias en est le détenteur infaillible. Quant aux Sévarambes, ils peuvent y accéder par un mélange de chance et de mérite. S’ils y parviennent, ils sont placés aux échelons supérieurs de la société, là où la superstition n’a plus cours.
Le lecteur modèle est ainsi invité à se soumettre à la vérité de Veiras, tout comme Siden s’est soumis à celle de Sévarias. Toutefois, si le roman prétend offrir une connaissance certaine, il montre en même temps les dessous de cette société élitiste. L’histoire des Sévarambes peut à ce titre être lue comme un guide pour savants lecteurs. Veiras signale en effet le chemin pour bien lire et bien savoir. Le roman apparaît alors comme une boîte à outils permettant à ses récepteurs de suivre la bonne route. Tout comme les hommes et les femmes qui traversent la montagne pour accéder à la capitale, le lecteur modèle est appelé à faire un effort inconfortable, mais potentiellement fructueux, afin d’apprécier pleinement la valeur du trésor que constitue L’histoire des Sévarambes. Quant aux lecteurs empiriques, ceux qui réussissent à se hisser sur les voies de la connaissance feront partie des élus. Rejetant la superstition, ils deviendront de vrais savants.
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PÉRÈS, Angélique, « Critique et légitimation du voyage dans les utopies narratives, de Platon à Veiras », in Real and imaginary travels: 16th-18th centuries. Voyages réels, voyages imaginaires : XVIe-XVIIIe siècles, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2015, p. 83‑93.
PLATON, La République, Éd. Georges Leroux, Paris, Flammarion, coll. « Monde de la philosophie », 2008.
RACAULT, Jean-Michel, Nulle part et ses environs : voyage aux confins de l’utopie littéraire classique 1657-1802), Paris, Presse de l’Université de Paris-Sorbonne, coll. « Imago mundi », 2003.
REQUEMORA-GROS, Sylvie, Voguer vers la modernité : le voyage à travers les genres au XVIIe siècle, Paris, Presse de l’Université de Paris-Sorbonne, coll. « Imago mundi », 2012.
VEIRAS, Denis, L’histoire des Sévarambes, Éd. Aubrey Rosenberg, Paris, Honoré Champion, coll. « Libre pensée et littérature clandestine », 2001.
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Denis Veiras, L’histoire des Sévarambes, Éd. Aubrey Rosenberg, Paris, Honoré Champion, coll. « Libre pensée et littérature clandestine », 2001.↩
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Sur l’importance des Terres australes dans la littérature utopique, voir Jean-Michel Racault, Nulle part et ses environs : voyage aux confins de l’utopie littéraire classique 1657-1802), Paris, Presse de l’Université de Paris-Sorbonne, coll « Imago mundi », 2003, p. 381‑388.↩
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Afin d’alléger le présent travail, le masculin « lecteur » désignera les hommes et les femmes.↩
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Umberto Eco, Lector in fabula : le rôle du lecteur, Paris, Grasset, coll. « Figures », 1985, p. 65.↩
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Ibidem, p. 72.↩
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Denis Veiras, op. cit., p. 63.↩
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Pour une description typique de Sévarias comme grand savant, voir par exemple Ibidem, p. 153.↩
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Ibidem., p. 57-60 et 149-150.↩
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Savoir, sagesse et connaissance désignent ici la vérité qu’a trouvée Sévarias et que prétend dispenser l’ouvrage. Le contenu de cette vérité reste flou, mais c’est peut-être justement le chemin du lecteur modèle qui compte en premier lieu.↩
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Voir à ce sujet Angélique Pérès, « Critique et légitimation du voyage dans les utopies narratives, de Platon à Veiras », in Real and imaginary travels: 16th-18th centuries. Voyages réels, voyages imaginaires : XVIe-XVIIIe siècles, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2015, p. 83‑93. L’auteure rappelle l’importance pédagogique du voyage dans les fictions utopiques de Thomas More, de Francis Bacon et de Denis Veiras. Ses développements sur la figure du lecteur-voyageur, en particulier, rejoignent les questionnements du présent article.↩
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Normand Doiron, L’art de voyager : le déplacement à l’époque classique, Sainte-Foy et Paris, Presses de l’Université Laval et Klincksieck, 1995.↩
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Ibidem, p. 17‑32.↩
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Denis Veiras, op. cit., p. 80‑82.↩
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Sylvie Requemora-Gros, Voguer vers la modernité : le voyage à travers les genres au XVIIe siècle, Paris, Presse de l’Université de Paris-Sorbonne, coll. « Imago mundi », 2012, p. 41.↩
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Geoffroy Atkinson, The extraordinary voyage in French literature, New York, Burt Franklin, coll. « Burt Franklin bibliography & reference series », 1920, p. 163.↩
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Voici la définition qu’il offre du genre : « On appellera utopie narrative la description détaillée, introduite par un récit ou intégrée à un récit, d’un espace imaginaire clos, géographiquement plausible et soumis aux lois physiques du monde réel, habité par une collectivité individualisée d’êtres raisonnables dont les rapports mutuels comme les relations avec l’univers matériel et spirituel sont régis par une organisation rationnellement justifiée saisie dans son fonctionnement concret. Cette description doit être apte à susciter la représentation d’un monde fictif complet, autosuffisant et cohérent, implicitement ou explicitement mis en relation dialectique avec le monde réel, dont il modifie ou réarticule les éléments dans une perspective critique, satirique ou réformatrice ». Jean-Michel Racault, op. cit., p. 14↩
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Ibidem, p. 9.↩
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Ibidem, p. 9.↩
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Denis Veiras, op. cit., p. 107.↩
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Jean-Michel Racault, op. cit., p. 216.↩
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Le personnage de Giovanni est italien et chrétien, ce qui permet de donner une place à l’Europe dans la perfection d’un individu et d’une société qui représentent parfois une assez vive critique des coutumes du vieux continent.↩
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« Il serait à souhaiter qu’une heureuse paix donnât aux princes le loisir de penser à de pareilles découvertes […] s’ils voulaient employer une partie de l’argent qu’ils ont de reste, à l’entretien de quelques jeunes hommes curieux & capables, & les envoyer sur les lieux, pour y observer toutes les choses dignes de remarque ». Denis Veiras, op. cit., p. 62↩
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Il commet avec son armée divers massacres évocateurs de ceux d’Hernán Cortés.↩
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Ibidem, p. 177.↩
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Ibidem, p. 178.↩
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Carla Pellandra, « Transparences trompeuses : les cosmogonies linguistiques de Foigny et Veiras », in Requiem pour l’utopie ? Tendances autodestructives du paradigme utopique, Pise, Libreria Goliardica, coll. « Histoire et critique des idées », 1986, p. 55‑71, p. 69‑70.↩
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Carla Pellendra note qu’à la suite de la mise en scène de Sévarias, ce seront bien ceux qui maîtrisent l’art de la rhétorique qui seront à même de dicter les règles du jeu. Ibidem, p. 69‑70.↩
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Platon, La République, Éd. Georges Leroux, Paris, Flammarion, coll. « Monde de la philosophie », 2008, p. 465‑466.↩
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Dans un article qui traite des jeux de Veiras autour de l’incrédulité de son lectorat, Marie-Pierre Krück note que le récit du mensonge de Sévarias permet notamment d’inviter le lecteur à exercer son jugement critique par rapport aux différents témoignages oculaires qui lui sont proposés. Marie-Pierre Krück, « Miné de l’intérieur : le fragile témoignage du voyageur dans l’Histoire des Sévarambes », Études françaises, Vol. 54 / 3, 2018, p. 13‑26, p. 17↩
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Voir le passage sur l’éducation des Sévarambes. Denis Veiras, op. cit., p. 200‑204.↩
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Nadia Minerva, « L’utopiste et le pêché : à propos de quelques utopies de la Frühaufklärung », in Carmelina Imbroscio, Gioia Zaganelli, (éds.). Requiem pour l’utopie ? Tendances autodestructives du paradigme utopique, Éds. Carmelina Imbroscio et Gioia Zaganelli, Pise, Libreria Goliardica, coll. « Histoire et critique des idées », 1986, p. 73‑91, p. 85.↩
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Jean-Michel Racault, op. cit., p. 68.↩
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Sur le topique du manuscrit trouvé, voir par exemple Christian Angelet, « Le topique du manuscrit trouvé », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1990, p. 165‑176.↩
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Le récit de Sévarias est plus médiatisé encore, puisque c’est Siden qui compile les renseignements qu’il a lus et entendus lors de son séjour afin de le raconter.↩
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Denis Veiras, op. cit., p. 64.↩
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Ibidem, p. 61.↩
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Ibidem, p. 122‑123.↩
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Ibidem, p. 123.↩
Erik Stout effectue actuellement un doctorat à l’Université de Montréal, intitulé L’écriture du voyage dans les longs romans de l’abbé Prévost. Ses publications récentes incluent « The Voyages of Cook and Bougainville, Through the Eyes of Their Fellow Travelers » dans Astrolabe, « La traduction du Voyage autour du monde de L.A. de Bougainville par J.R. Forster » dans Book Practices & Textual Itineraries et « Actualités militantes de Rousseau » dans Rousseau and Dignity. Art Serving Humanity.